LE NOMBRE DE SALARIÉS AU CHÔMAGE PARTIEL POURSUIT SA PROGRESSION DE MANIÈRE TRÈS RAPIDE.
Le 12 mars au soir, selon la ministre du Travail, 5 117 entreprises employant 80 000 salariés avaient déjà demandé à bénéficier de mesures de chômage partiel.
Les entreprises, dont l’activité est ralentie, directement ou indirectement, par la propagation de l’épidémie de coronavirus vont progressivement toutes être tentées d’avoir recours à cette formule (légitimement ou par opportunité).
« Le tourisme, la restauration, l’événementiel et les transports sont les quatre secteurs qui nous préoccupent le plus » déclare le ministre. Mais tous les autres secteurs vont être touchés dès le 16 mars par les problèmes de garde des enfants, le confinement de salariés potentiellement malade, etc.
Le chômage partiel a pour fonction d’amortir les chocs conjoncturels. En réduisant les heures de travail de tous, il doit a priori limiter les licenciements de salariés en CDI et éviter de concentrer la baisse des heures sur les personnes en contrats courts ou en intérim[1].
Le recours au chômage partiel risque d’être beaucoup plus massif que ce que la France a vécu en 2008-2009.
LES COUTS POUR L’ÉTAT, À TERME, NE PEUVENT ÊTRE CHIFFRÉS.
Les couts de cette disposition pour l’État ne peuvent être chiffrés sérieusement puisqu’ils dépendent de la durée d’application des mesures de chômage partiel[2]. La durée peut aller jusqu’à 6 mois[3] !
La ministre a déclaré :
« On évite des dizaines de milliers de licenciements. C’est un outil qui permet de préserver l’emploi et le revenu du salarié ».
La ministre qui a assuré « ne pas avoir de limite budgétaire » pour soutenir l’emploi.
La formule est jolie, mais la réalité est bien différente. Il existe budgétairement des limites qui se chiffrent en nombre de personnes et en durée de l’épidémie.
Elle a assuré que les DIRECCTE ont pour objectif de répondre en 48 heures aux demandes des entreprises pour permettre la mise en activité partielle de leur personnel, compte tenu de l’urgence de la situation économique actuelle. Les démarches peuvent être effectuées directement en ligne sur le portail[4] : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr
LE MÉCANISME ANNONCÉ « EXCEPTIONNEL ET MASSIF » DE CHÔMAGE PARTIEL RESTE ATTENDU.
Par rapport aux dispositions existantes[5], le président de la République a évoqué de nouvelles mesures qui devraient être précisées. Il a évoqué un mécanisme « exceptionnel et massif » de chômage partiel.
« L’État prendra en charge l’indemnisation des salariés contraints de rester chez eux. » Il s’agit de « faire en sorte que les salariés puissent rester dans l’entreprise, même s’ils restent à la maison et que nous les payons »[6].
Son discours a été ambitieux pour être rassurant, mais il n’a précisé aucun d’engagement précis[7].
« Nous ne laisserons pas une crise économique et financière se propager. » « Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises, quoi qu’il en coûte ».
LE CHÔMAGE PARTIEL POURRAIT ÊTRE ÉLEVÉ AU NIVEAU D’UNE COMPENSATION SALARIALE INTÉGRALE, MAIS CETTE PISTE RESTE À CONCRÉTISER.
Les déclarations du ministre de l’Économie sont restées du même ton[8].
L’allocation versée par l’État et l’Unédic à l’employeur permet quasiment de couvrir la rémunération d’un salarié au SMIC[9]. Le ministre a évoqué la piste selon laquelle l’État prendrait à sa charge :
« L’intégralité de l’indemnisation des salariés qui seraient placés en chômage partiel, quel que soit le niveau du salaire. Aucun salarié ne perdra un centime ».
Cette disposition concernerait 99% des salariés, avec un plafonnement pour les hauts salaires (à quel niveau ?).
« Ce sera probablement le dispositif le plus coûteux pour l’État, mais aussi le plus efficace. »
Une dépense de plus de 10 milliards d’euros a été évoquée.
Cette mesure répondrait à la demande actuelle des employeurs.
Ceux-ci reçoivent une indemnité compensatoire de l’État pour chaque heure chômée, mais elle est actuellement plafonnée au niveau du SMIC (8,03 € net de l’heure). Ils doivent combler l’écart avec le niveau réel du salaire. Les organisations patronales demandent que le reste à charge soit pris en charge par l’État ; c’est-à-dire un déplafonnement[10]…
Il est difficile de prévoir quels seront les choix des employeurs selon les secteurs et la taille des entreprises quant à la réduction de leur masse salariale face à une diminution de leurs activités et/ou de baisse de fait de leurs effectifs (quarantaine, maladie, garde des enfants, etc.) dans une durée d’au moins trois mois.
Suite à ces engagements de principe, le détail des mesures est attendu pour convaincre de la pertinence de la politique menée.
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Remarque : Ce billet ne traite pas des mesures évoquées concernant le report de cotisations et des impôts dus au 15 mars, du fond de trésorerie pour les entreprises, de l’incitation au recours au travail à domicile dont le télétravail et des moyens afférents, du projet d’indemnités journalières pour les femmes seules qui doivent garder leurs enfants, des dispositifs spécifiques pour les personnels de santé, de l’appel au bénévolat pour remplacer des créations d’emplois dans le secteur de la santé, etc. dans l’attente d’une concrétisation précise des mesures…
[1] La réduction des effectifs en cas de crise a souvent été accompagnée, pour les personnels conservés, par une augmentation du nombre des heures supplémentaires bénéficiant d’exonérations de cotisations sociales. C’est-à-dire une économie de masse salariale.
[2] Le dispositif d’activité partielle représenterait au 12 mars un coût de 242 millions d’euros pour l’État, selon le ministère du Travail.
[3] En 2008-2009, le chômage partiel a pu concerner 275 000 personnes, soit 1,1 % de l’emploi total. Suite à cette crise, a été créé l’activité partielle de longue durée (APLD), pouvant être accordée pour six mois. La loi sur la sécurisation de l’emploi du 17 juin 2013 a été une réforme importante du dispositif d’activité partielle.
[4] La dématérialisation des démarches permet des démarches allégées, des contacts facilités avec les services de l’Unité territoriale en charge de la demande et des délais de traitement accélérés : les échanges dématérialisés d’informations et de documents permettent de gagner du temps.
[5] Le salarié, mis en activité partielle par son employeur, reçoit aujourd’hui une indemnité horaire, versée par son employeur à l’échéance habituelle de la paie, correspondant à 84% de son salaire net. Le premier impact interviendra donc à fin mars.
[6] Le Président a également cité un projet de mesures en faveur les indépendants visant à « donner des garanties sur le plan économique ».
[7] « Nous ne laisserons pas une crise économique et financière se propager, nous réagirons fort et vite » (…) « Les gouvernements européens doivent prendre des décisions de soutien et de relance, quoi qu’il en coûte, la France le fera et c’est cette ligne que je porterai au niveau européen. » -Emmanuel Macron.
[8] Le ministre de l’Economie a affirmé que l’Etat prendrait en charge le chômage technique de l’ensemble des Français. « Il ne faut pas perdre ni des salariés, ni des compétences », pour qu’après l’épidémie, « tout de suite l’économie redémarre. » « Nous ferons tout ce qui est nécessaire et même plus pour soutenir notre économie et nos entreprises. Ce sera sans doute très couteux pour l’état » a qui a chiffré ces mesures à « des dizaines de milliards d’euros. »
[9] Les indemnités d’activité partielle versées par l’employeur à ses salariés ne sont assujetties ni au versement forfaitaire sur les salaires, ni aux cotisations de sécurité sociale.
[10] « Il faudrait que le reste à charge soit complètement pris en charge par la solidarité. Si vous n’avez plus de travail et que vous devez payer vos salariés, ça va très vite mal se passer. » François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
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