La question de la frontière entre les stages faisant partie des cursus d’enseignement et les emplois a été posée à de multiples reprises.
Ce serpent de mer a débouché sur une limitation de la durée des stages[1] et des conditions d’indemnisation[2] minimale des stagiaires[3]. Mais rien n’est définitivement réglé.
LES CURSUS DE FIN D’ÉTUDES AVEC STAGE LONG SONT PROCHES DE CONTRAT D’APPRENTISSAGE
Par exemple, une année de formation dans les enseignements supérieurs, avec un stage de fin d’études de 6 mois, ressemble à s’y méprendre à un contrat d’apprentissage, sans que l’étudiant bénéficie d’un contrat de travail. Le cout est moindre pour l’employeur, mais sa relation avec le stagiaire n’a pas la qualité de celle qu’il peut bâtir avec un apprenti ! Le débouché sur une embauche ultérieure dans l’entreprise illustre cet écart (elle est nettement plus fréquente pour les apprentis).
C’est pour cela que pour de nombreux diplômes coexistent les deux voies ; formation initiale avec stage ou formation professionnelle avec contrat de travail.
Les rapports entre le ministère du Travail, celui de l’Éducation nationale et celui de l’Enseignement supérieur, ont toujours été difficiles sur ces questions, et souvent chacun a pris des dispositions qui lui sont propres !
LE SOUTIEN DU MINISTÈRE DU TRAVAIL A L’INDEMNISATION DU STAGE DES ÉLÈVES INFIRMIERS ET AIDES-SOIGNANTS ILLUSTRE CETTE AMBIGUÏTÉ
Dans le contexte de crise sanitaire, la ministre du Travail, va décidé de mobiliser des enveloppes exceptionnelles du « Plan d’investissement dans les compétences (PIC) » pour permettre aux élèves-infirmiers et élèves aides-soignants de venir en renfort du personnel soignant.
Le ministère du Travail va ainsi verser des indemnités à des étudiants en cours d’études.
La question ne porte pas sur la légitime indemnisation d’étudiants réquisitionnées, mais sur le montage qui a été trouvé.
« Pour faire face à l’urgence sanitaire et répondre au besoin de personnels soignants dans les hôpitaux, le ministère du Travail, en partenariat avec les conseils régionaux et les agences régionales de santé (ARS)[4], a mis en place ce soutien pour les régions.[5] »
Quatre régions sont dès à présent concernées : Île-de-France, Grand Est, Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur devrait suivre.
Le PIC affecterait 57 millions d’euros à ce projet[6]. Or cela ne semble pas dans son objet qui est « la formation d’un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et d’un million de jeunes décrocheurs ». Tandis que la participation financière des Régions varie[7].
L’annonce du ministère du Travail est que « 35 000 élèves-infirmiers et élèves aides-soignants qui bénéficient de cet accompagnement financier, sous forme d’une aide individuelle exceptionnelle. »
Cet effectif reste à confirmer, car il correspond à peu près celui des effectifs d’élèves infirmiers de 3ème année. Par exemple, dans région Grand est, où le virus sature les hôpitaux, 6 600 élèves-infirmiers et 1 600 élèves aides-soignants en formation auraient été mobilisés.
L’aide individuelle exceptionnelle n’est pas une rémunération.
Or le travail demandé à ces étudiants n’est pas un stage, même s’il est effectué durant une période de stage de cursus. Il n’y a pas un encadrement de formation, pas de mémoire, etc., mais la réalisation d’un travail dans les services de réanimation surchargés, à proprement parler, selon tous les témoignages. C’est un CDD !
L’indemnisation des élèves-infirmiers devrait être de 1 400 euros par mois et celle des élèves aides-soignants 1 000 euros par mois. Cette information reste à confirmer en fonction des Régions.
Quand les stages de 10 semaines qui achèvent leur formation prendront fin, il faut espérer que l’épidémie aura été réduite…
La mobilisation d’étudiants, en cours d’étude, dans les services de réanimation des hôpitaux apparait sans aucun doute utile dans la période de crise sanitaire puisque le nombre de lits a rapidement doublé. Mais les conditions de cette mobilisation de stagiaires sur des emplois ne semble pas avoir été calée de manière correcte et égale selon les régions.
Il y a bien sûr eu un impératif d’urgence, mais cela n’explique pas que l’on n’ait pas réglé cette question de manière carrée.
L’Arrêté du 28 mars 2020 a précisé les « dispositions relatives à l’indemnisation des professionnels de santé en exercice, retraités ou en cours de formation réquisitionnés dans le cadre de l’épidémie covid-19 ».
Il concerne (article 3) des étudiants dans le cadre d’une réquisition[8] : étudiants du troisième cycle en médecine, en pharmacie et en odontologie (Internes), des étudiants ayant validé la deuxième année du deuxième cycle des études de médecine (Externes) et l’indemnisation forfaitaire horaire brute des étudiants des professions de santé (élèves infirmiers ou aides-soignants).
Il est resté pour le moins imprécis sur les statut de ces étudiants…
[1] La durée du ou des stages ou formation effectués en milieu professionnel est de 6 mois maximum par organisme d’accueil et par année d’enseignement. La durée de 6 mois de stage est atteinte dès lors que le stagiaire a accompli, durant l’année d’enseignement, 924 heures de présence effective dans l’organisme d’accueil.
[2] Une gratification minimale est versée si la durée du stage est supérieure à : soit 2 mois consécutifs (soit l’équivalent de 44 jours à 7 heures par jour) au cours de la même année scolaire ou universitaire, soit à partir de la 309e heure de stage même s’il est effectué de façon non continue.
[3] J’ai eu l’occasion de participer de près, ou indirectement, à des négociations sans fin durant des années sur ces sujets. L’historique serait trop long à faire.
[4] « Les agences régionales de santé (ARS), en lien avec les Préfets, organisent avec les conseils régionaux la répartition des élèves dans les structures de soins, en fonction des priorités. ». Ce qui apparait logique pour ce projet.
[5] Le ministère du Travail mobilise les crédits de formation pour renforcer les équipes soignantes – Communiqué du 08/04/20 – https://bit.ly/2RoPqUZ
[6] « Pour faire face à l’urgence sanitaire, nous sommes tous pleinement mobilisés. Dans ces régions, les élèves-infirmiers et élèves aides-soignants vont pouvoir accompagner au quotidien le personnel soignant. Pour les aider, nous avons d’ores et déjà mobilisé 57 millions de crédits du Plan d’investissement dans les compétences (PIC) pour permettre d’accompagner financièrement les 35 000 élèves appelés en renfort dans les établissements de santé ». La ministre du Travail
[7] La présidente de la région Ile-de-France a annoncé que « La Région a débloqué 18 millions d’euros pour rémunérer des étudiants infirmiers pour qu’ils puissent venir » (…) « Ce sont 10 000 étudiants infirmiers qui vont venir renforcer encore les ressources humaines de l’hôpital. Nous devons loger ces personnes. Nous avons ouvert et nous allons continuer d’ouvrir des lycées pour accueillir les personnels soignants à Paris, mais aussi en très grande couronne. »
[8] Le Code de la santé publique – Article L3131-15 – Créé par LOI n°2020-290 du 23 mars 2020 – art. 2 prévoit d’ : « 7° Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens. L’indemnisation de ces réquisitions est régie par le code de la défense »
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