L’Unédic se félicite du rôle d’amortisseur social qu’elle joue[1] dans l’impact sur l’emploi de la politique du gouvernement. Parallèlement, elle publie de nouvelles prévisions financières pour le régime d’assurance chômage peu réjouissantes à fin 2020[2].
La première question porte sur l’ampleur de la dette générée à fin 2020, dont le montant final est difficile à préciser.
La seconde interrogation concerne la pérennité même du régime d’assurance chômage, comme de celle d’autres régimes sociaux (assurance maladie, etc.).
« … les prévisions financières de l’Unédic à fin d’année se dégradent très fortement. Dans ce contexte inédit, notre objectif principal est d’assurer la continuité de cette protection pour tous » – Patricia Ferrand, Vice-présidente de l’Unédic.
LE DÉFICIT PRÉVU POUR L’UNEDIC EN 2020 APPROCHE LES 26 MILLIARDS.
En 2020, les dépenses de l’Unédic avoisineraient 59 Mds€, soit une augmentation de +43% par rapport à 2019, soit une progression de 17,7 Mds€[3]. Tandis que les recettes baisseraient à 33 Mds€ (soit -16 % par rapport à 2019).
Depuis la mi-mars, le déficit de l’Assurance chômage a déjà atteint 11,5 milliards d’euros (Mds€). Il tient à la fois à une hausse des dépenses d’allocations et à la diminution des recettes.
Pour l’année, l’Unédic anticipe que son déficit pourrait dépasser les 25,7 milliards d’euros[4], en partant de l’hypothèse d’une amélioration de la situation au second semestre.
Le déficit a principalement pour origine trois facteurs.
Pour 52%, il est lié au financement de l’activité partielle de 12,9 Mds€, qui se décomposerait en 10,1 Mds€ de dépense et 2,8 Mds€ de baisse de recettes,
Pour 29%, à l’augmentation des dépenses d’allocations chômage soit 7,3 Mds€ versés aux demandeurs d’emploi, compte tenu de l’augmentation de leur nombre,
Pour 19%, aux reports de cotisations et « autres manques à gagner liés à la baisse de l’emploi soumis à cotisation chômage » pour 4,7 Mds€.
Aucune augmentation du financement de Pôle emploi par l’Unédic, pour faire face à l’augmentation massive des inscrits, en catégorie A, n’a pas été envisagée à ce stade.
LA DETTE DE L’UNEDIC ATTEINDRAIT PLUS DE 69 MILLIARDS D’EUROS A FIN 2020
Compte tenu de ce déficit porterait, la dette de l’Unédic atteindrait plus de 69 milliards d’euros à fin 2020, c’est-à-dire à un record historique[5].
« Contrairement aux allocations chômage, auxquelles sont adossées des cotisations, il n’existe pas de ligne comptable en face de l’activité partielle. Ce surcoût est intégralement financé par l’endettement.» – le Président de l’Unédic.
Pour faire face à la crise du covid-19 et afin de couvrir ses besoins de trésorerie, l’Unédic a réalisé, avec succès[6], deux émissions sociales – Social Bond – d’un montant de 4 Mds€ chacune le 15 mai, puis le 10 juin, avec la garantie explicite de l’État[7].
« La question de la soutenabilité de la dette à moyen et long terme et de sa structure doit se poser, tout comme la pérennité et le fonctionnement de ce dispositif qui ne dispose pas de recettes. Il appartient aux partenaires sociaux et au Gouvernement de se prononcer.» – Eric Le Jaouen, Président de l’Unédic.
Le déficit de l’Unédic, s’il se confirme autour de 70 milliards, se situerait à hauteur de plus de deux années de recettes. C’est-à-dire qu’il semble difficile d’imaginer un retour à l’équilibre du régime d’assurance chômage suite aux décisions politiques qui ont été prises.
Cette dépense exceptionnelle aurait dû être prise en charge par l’État, au moins en ce qui concerne les décisions politiques concernant la formule du chômage partiel incontrôlée mise en œuvre.
La charge d’intérêt de la dette reste faible pour le régime dans les circonstances présentes. Elle avoisinerait 0,3 Md€ pour 2020, « sans augmentation à ce stade par rapport aux années précédentes ».
L’UNEDIC RESTE PRUDENTE SUR SES PRÉVISIONS, QUI SEMBLENT OPTIMISTES.
L’Unédic reste prudente sur ces prévisions, publiée à mi-juin, compte tenu du caractère exceptionnel de la situation présente[8].
En ce qui concerne les emplois, l’Unédic prévoit :
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La destruction de 900 000 emplois salariés, à fin 2020, par rapport à fin 2019[9],
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L’arrivée de 630 000 demandeurs d’emploi indemnisés supplémentaires à fin 2020.
Ce dernier chiffre ne prend pas en compte le flux des nouveaux demandeurs d’emploi non indemnisés, dont les jeunes arrivant sur le marché du travail et une part des travailleurs précaires.
L’hypothèse de l’Unédic peut être jugée optimiste dans la mesure où elle repose sur un retour de l’activité à un niveau proche à 95% de la normale, sur le quatrième trimestre[10] !
[1] « Alors que l’économie s’est brutalement arrêtée, l’Unédic a joué pleinement son rôle premier d’amortisseur économique et social : en protégeant d’une part plus de 3 millions de salariés qui ont perdu leur emploi avant et pendant la crise sanitaire, et d’autre part 9 millions de salariés et 1 million d’entreprises en activité partielle.» Patricia Ferrand, Vice-présidente de l’Unédic.
[2] L’Assurance chômage, un soutien majeur face à la crise du Covid-19 – Unédic – 18 juin 2020 – https://www.unedic.org/espace-presse/actualites/lassurance-chomage-un-soutien-majeur-face-la-crise-du-covid-19
[3] Tous types d’allocation confondus : activité partielle, ARE, AREF, ASP, intermittents.
[4] Fin 2020, le déficit de l’Unédic serait de 25,7 Mds€, avec une marge d’incertitude estimée à ±2 Mds€.
[5] Il tient compte du contexte de crise sanitaire du Covid-19, suivie d’un choc macro-économique sans précédent. https://www.unedic.org/sites/default/files/2020-06/PREV%202020%20COVID_18%2006%2020_%20Note%20VFINALE_0.PDF
[6] «Le pilotage de cette dette est rigoureux et efficient, l’Unédic ayant été capable d’adapter rapidement ses outils de financement en bénéficiant de taux d’intérêt bas du fait de la confiance auprès des opérateurs financiers.» – Eric Le Jaouen, Président de l’Unédic.
[7] « Dès son lancement, l’opération a rencontré un vif succès auprès des investisseurs et le livre d’ordres a atteint 8,75 Mds€ à sa clôture, établissant le plus important volume d’intérêts jamais manifestés lors de l’exécution d’une émission de l’Unédic. »- L’Unédic émet un nouveau Social Bond de 4 Mds€ – 10 juin 2020
[8] « L’absence de référence dans l’histoire économique et de recul pour analyser et prévoir les conséquences économiques de la crise actuelle expliquent les aléas particulièrement élevés qui entourent cet exercice de prévision. Des travaux plus approfondis à l’automne permettront d’affiner ce premier exercice de prévision et d’envisager 2021. »
[9] « L’exercice de prévision repose sur une analyse sectorielle, prenant comme référence un niveau de croissance du PIB à -11,2 %. Cette hypothèse est en ligne avec les estimations de l’OCDE (-11,4%), de la Banque de France (-10,3%) et du Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative de juin 2020 (-11%). »
[10] « En partant de l’hypothèse d’un retour progressif à la normale de l’activité dans l’ensemble des secteurs début septembre, excepté pour l’hébergement-restauration et le secteur des « autres activités de services » nous envisageons un niveau d’activité inférieur au 4e trimestre 2020 de 5% par rapport au niveau observé au 4e trimestre 2019. »
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