LES DISCRIMINATIONS A L’EMBAUCHE EXISTENT.
Le fait est bien établi, depuis fort longtemps[1], il n’est plus à prouver[2].
Des efforts ont déjà été fait depuis des décennies. Il faut continuer à réduire les comportements discriminatoires progressivement, ce qui est en cours.
Pour y parvenir, il faut en particulier :
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Réaliser une mobilisation permanente de tous les acteurs de l’entreprise et de l’emploi qui emprunte différentes voies (sensibilisation, formation, répression, etc.), et qui doit être un effort permanent,
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Viser l’ensemble des motifs de discrimination et ne pas se limiter à un ou deux critères comme cela est trop souvent avancé.
Le message à faire passer pour convaincre me semble être que chacun, ou l’un de ses proches, peut être discriminé à l’embauche pour un motif ou un autre.
Ce problème est de nature générale. Il ne doit pas être limité au domicile (quartiers de la politique de la ville) ou au patronyme à consonance supposée maghrébine.
LA TRÈS GRANDE MAJORITÉ DES PERSONNES PEUT ÊTRE DISCRIMINÉE, LORS D’UN PROCESSUS D’EMBAUCHE.
D’une part, les critères des discriminations figurant dans le Code du travail sont nombreux[3] et, d’autre part, ils peuvent se cumuler dans un grand nombre de cas. Si l’on cumule les discriminations reconnues, par la loi, liées :
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au sexe (homme/femme, état de grossesse) et à la situation familiale,
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à l’âge (débutants ou seniors « à partir de 45 ans ! »),
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au nom et au prénom,
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à l’apparence physique, la présentation, l’apparence étrangère[4], etc.,
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au lieu de résidence,
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à l’état de santé, la perte d’autonomie ou au handicap, reconnu ou non,
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à celles fondées sur les mœurs ou l’orientation sexuelle…
on constate que la très grande majorité des personnes peuvent être discriminée lors d’un processus d’embauche.
Encore, faut-il y encore ajouter les discriminations fondées sur des éléments réels ou supposés, concernant les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualiste et les convictions religieuses sont transversales.
LE GOUVERNEMENT LANCE UNE SECONDE VAGUE DE TEST DE DISCRIMINATION SUR DEUX CRITÈRES. SON L’OBJECTIF EST AVANT TOUT POLITIQUE.
Pour lutter contre les discriminations dans l’accès à l’emploi, le Gouvernement lance une seconde vague de test de discrimination (parfois désigné comme testing[5]) en ciblant de grandes entreprises. Elle portera sur 40 grandes entreprises du SBF 120 (Société des Bourses Françaises) ; elles seront tirées au sort. Une première opération[6] a eu lieu en 2018.[7] Plus de 10 000 lettres de candidatures, spontanées ou en réponse à des offres, avaient été envoyées à 40 grandes entreprises.
« La méthode utilisée est celle du test de correspondance par paire. Elle consiste à envoyer à la même entreprise deux candidatures fictives et similaires de candidats de nationalité française, ne différant que par la consonance supposée maghrébine de leur nom. »
Il ne s’agit pas de se livrer, dans ce billet, à une critique de l’opération, dont les limites sont reconnue dans les résultats.
Le fait de promouvoir des actions sur deux seuls types de discrimination : « habitants issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville »[8] et personnes à patronyme maghrébin semble une initiative trop limitée.
Le Gouvernement affiche d’ailleurs que son objectif est de « mettre en lumière l’existence de ces discriminations » pour lutter contre elles.
Il se positionne principalement sur un enjeu de communication politique[9] à destination de publics ciblés (quartier et origine) pour apporter un message : « on s’occupe bien de vous », dans un contexte de vive tension sociale.
Il est vrai que les mesures de politique de la ville ont été abandonnée depuis 2017 et qu’il n’a pas été donné suite au Rapport Borloo (2018).
« DISCRIMINER, C’EST SE PRIVER DE TALENTS.
On relève des affirmations contestables. Ainsi, France Stratégie affirme que :
« Lutter contre les discriminations est un combat de justice sociale, mais aussi de développement économique quand on sait qu’on gagnerait entre 80 et 300 milliards d’euros, si les discriminations cessaient. »
L’estimation d’un cout de 80 à 300 milliards d’euros peut apparaitre fantaisiste (ne serait-ce que par l’ampleur de la fourchette).
Il semble préférable d’user d’une argumentation de bon sens, comme : « Discriminer, c’est se priver de talents.[10] »
Il faut prendre les bons outils pour mener un combat permanent.
C’est une politique de terrain complexe qu’il faut encourager par des moyens variés selon la taille des entreprises et les secteurs.
Pour aborder un thème d’actualité, la promotion dans le milieu du recrutement des compétences comportementales – mode actuelle des soft skills – gagneraient à être analysée quant aux discriminations qu’elles induisent.
[1] J’ai été, pour ma part, administrateur du FASILD, puis de l’Acsé. J’ai travaillé sur ces sujets dans le cadre de nombreux groupes de réflexions, au niveau national.
[2] « À diplôme égal, les candidats issus des territoires les moins privilégiés sont 2,5 fois moins reçus en entretien que les autres. Cette situation est inacceptable. C’est la raison pour laquelle nous lançons cette deuxième vague de testing pour faire bouger les lignes, les mentalités et certaines pratiques en entreprises. Combattre les discriminations sous toutes leurs formes, c’est travailler à réaliser pleinement la promesse d’égalité républicaine ». – Muriel Pénicaud, ministre du Travail.
[3] Article L1132-1 du Code du travail. Modifié par LOI n°2019-486 du 22 mai 2019 – art. 190
Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
[4] « Son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race »
[5] Le terme « testing » a été introduit par des intervenants pour commercialiser leurs prestations et repris par une grande part des journalistes. Les anglophones utilisent d’autres termes comme « situation testing », « discrimination testing », « audit testing » ou « paired testing ».
[6] « A la demande du président de la République, la ministre du Travail, le ministre chargé de la Ville et du Logement, et la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, ont lancé en 2018 la plus grande opération de testing jamais menée en France sur 120 grandes entreprises, organisée en 3 vagues de testing. » « La première vague du testing, qui avait testé 40 grandes entreprises parmi le SBF 120 (Société des Bourses Françaises), avait permis de révéler que des discriminations, volontaires ou non, peuvent continuer à exister dans notre pays, y compris au sein des plus grandes entreprises. Ses résultats, présentés en janvier 2020, avaient permis d’identifier 7 entreprises pour lesquelles la présomption de discriminations était plus marquée. »
[7] Lancement d’une nouvelle vague de testing des entreprises – 17/06/20 https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/lutte-contre-les-discriminations-dans-l-acces-a-l-emploi-lancement-d-une
[8] « L’existence de discriminations dans l’accès à l’emploi, en particulier pour des habitants issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville est une des manifestations des inégalités qui sèment le doute sur les valeurs républicaines et sur l’efficacité de l’action publique. »
[9] Explication de la communication politique visant les inégalités : « L’existence de discriminations dans l’accès à l’emploi, en particulier pour des habitants issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville est une des manifestations des inégalités qui sèment le doute sur les valeurs républicaines et sur l’efficacité de l’action publique. »
[10] Cette formule a été reprise par Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.
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