Le diagnostic posé par le haut-commissaire « à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises », nommé en mars[1], semble reprendre des constats de bon sens.
Son vocabulaire et l’idéologie sous-jacente à son discours peut, par contre, porter à sourire[2], mais, après tout, peu importe… Les problèmes évoqués demeurent à traiter et les solutions à apporter doivent être débattues.
Le champ de travail du haut-commissaire concerne, pour être clair :
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Le développement de l’insertion par l’activité économique (IAE),
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L’emploi des personnes en situation de handicap et, pour chapeauter le tout la mise en place d’un « service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) »[3].
Le développement de l’IAE, comme celui des emplois pour les personnes en situation de handicap, sont des objectifs consensuels.
LES PROBLÈMES ÉVOQUÉS SONT TOUT-A-FAIT RÉELS.
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D’une part, il y a la question de l’exhaustivité, c’est-à-dire que le taux de couverture des publics : jeunes, bénéficiaires du RSA, personnes handicapées, SDF, etc. n’est effectivement pas de 100%.
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D’autre part, une fois une personne bien identifiée, la continuité et le caractère global (social, travail, formation, psy, etc.) de son accompagnement reste à assurer ; ce qui n’est pas le cas le plus fréquent aujourd’hui[4].
« Il faut un diagnostic plus partagé à l’entrée du SPIE, travailler sur une logique de parcours afin qu’il y ait plus de continuité dans l’accompagnement. »
La prise en charge de ces deux volets, très liés entre eux, n’est pas évidente quand on a eu à travailler le terrain sur ces questions au cours des dernières décennies et que l’on connait bien la diversité et la fragilité de ces publics, leur réalité sociale…
LE SERVICE PUBLIC DE L’INSERTION ET DE L’EMPLOI RESTE A DÉFINIR PAR RAPPORT AU SPE.
Par contre, les contours du SPIE, restent a priori troubles.
Le haut-commissaire :
« assurera enfin la conception et le déploiement du service public d’insertion et d’emploi en lien avec le Ministère des affaires sociales et les administrations compétentes et rendra compte de ses travaux au Premier Ministre et à la Ministre du Travail. » – Communiqué du ministère du 20/03/20.
La question de son rapport au SPE : Pôle emploi, les Cap emploi et les Missions locales, pose évidemment question.
Des expérimentations sont menées sur 14 territoires, elles portent sur les outils et les conditions de la mise en œuvre du SPIE, en vue de sa généralisation.
Un projet de loi, attendu pour mettre en place de nouvelles mesures, serait présenté à la rentrée, selon le haut-commissaire (extension de l’expérimentation du dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée », clauses sociales dans les marchés publics[5], dépassement de la logique de quotas, etc.).
DANS L’IMMÉDIAT, L’INSERTION PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE (IAE) STAGNE.
Reste à connaitre son contenu, dans le contexte actuel de la récession.
En février 2020, 131 500 personnes était en IAE[6].
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Contrats à durée déterminée d’insertion (CDDI)[7]:
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En ateliers et chantiers d’insertion (ACI) : 51 600
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Entreprises d’insertion (EI) : 15 700
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Associations intermédiaires (AI) : 48 800
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Entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI) : 15 400
Cette population représentait au total moins de 0,5% des salariés[8].
Entre 2018 et 2019, dans une période économique porteuse, les effectifs passés en IAE ont juste progressé de 2,4%[9]. La progression en jours travaillés est inférieure.
Le haut-commissaire a évoqué comme objectif de passer de 140 000 à 240 000 emplois dans le secteur de l’insertion, et de de 40 000 à 80 000 parcours vers l’emploi[10]. Il n’exclut pas des mesures coercitives, si nécessaire[11].
Il reste fort à faire. Le contexte sera un frein ou tout au contraire une occasion pour y parvenir.
[1] Jean-Marie Marx a vu ses compétences réduites, quand il a été nommé le 18 mars 2020, en Conseil des ministres, simplement « haut-commissaire aux compétences », auprès de Madame Muriel Pénicaud, ministre du Travail.
[2] « Les pratiques inclusives doivent devenir une évidence au sein des grandes entreprises. » Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises.
[3] Il animera l’ensemble des politiques conduites en matière d’insertion par l’activité économique, d’emploi des personnes handicapées, d’engagement des entreprises en matière d’inclusion et d’innovation sociale en matière d’emploi.
Il veillera notamment à ce titre à : 1°. Assurer le déploiement du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique ; 2°. Assurer le déploiement de l’engagement national de développement des entreprises adaptées « cap vers l’entreprise inclusive » et plus généralement à proposer des mesures et expérimentations favorisant l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap ; 3°. Promouvoir les innovations sociales ainsi que les démarches inclusives portées par les entreprises et à coordonner l’action des ministères en matière d’inclusion dans l’emploi et de mobilisation des entreprises à travers le programme « La France, une chance, les entreprises s’engagent » communiqué du 20 mars 2020
[4] « Il y a d’abord la question de l’exhaustivité : aujourd’hui que ce soit auprès des jeunes, des bénéficiaires du RSA, des personnes en situation de handicap… nous sommes très loin de proposer un accompagnement à 100% des personnes qui le nécessiteraient. Le deuxième principe est celui de la continuité des parcours et l’accompagnement global : il faut sortir de la logique de silos et se concentrer sur l’usager. »
[5] « Il faut les renforcer car elles représentent un levier monumental et favorisent en outre l’ancrage territorial ».
[6] Effectifs en février 2020, avant la crise sanitaire.
Situation |
Fin février 2020 |
CDII en ACI |
51 600 |
CDII en EI |
15 700 |
AI |
48 800 |
ETTI. |
15 400 |
Total |
131 500 |
[7] La durée des CDDI est en baisse régulière et l’augmentation des entrées ne se traduit pas totalement en augmentation du nombre de personnes en emploi dans ces structures.
[8] PoEm, le tableau de bord des politiques de l’emploi – Toutes les données de suivi des politiques de l’emploi – 08/06/2020
[9] Évolution des effectifs passés en IAE entre 2018 et 2019. Cumul annuel (France Entière).
Type |
Évolution |
CDII en EI |
+6,4% |
CDII en ACI |
+6,5% |
AI |
-5,7% |
ETTI |
-1,9% |
Total |
2,4% |
[10] Il a rédigé comme président du « Conseil de l’inclusion dans l’emploi » le « Pacte d’ambition pour l’activité économique », lancé en septembre 2019.
[11] « Nous sommes en train de faire un travail approfondi en interrogeant des chefs d’entreprises, des institutions, des associations pour préparer des propositions et savoir jusqu’où mettre le curseur entre les obligations et les mesures d’incitation. » Le Haut-commissaire.
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