Le cabinet Mc Kinsey[1], dans un récent document de travail, intitulé tout modestement « The future of work in Europe »[2], formule des hypothèses sur l’évolution des emplois et des compétences en Europe d’ici à 2030[3].
Ce travail repose sur les tendances constatées ces dernières décennies et la poursuite des évolutions engagées.
S’y ajoute le poids possible des événements récents qui marquent notre continent : le Brexit et la crise sanitaire du COVID-19[4].
À l’opposé d’une politique de l’emploi « des territoires », qui est fréquemment évoquée aujourd’hui, la vision générale est loin d’être sans intérêt.
Les approches européennes, nationales, régionales, départementales et locales se combinent en effet en matière d’emploi. Il semble judicieux de combiner ces éléments sans en privilégier un seul, comme on peut le lire parfois.
Pour ma part, l’approche mondiale me semble moins significative, compte tenu de l’hétérogénéité des situations sur de multiples aspects.
Quatre points principaux de cette étude sur l’emploi en Europe sont mis en avant[5] :
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La croissance de l’adoption de l’automatisation (et du numérique de manière générale),
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La concentration géographique croissante de l’emploi sur un nombre assez limité de métropoles, au détriment de zones en déclin
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Un rétrécissement de l’offre de main-d’œuvre et
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Une composition changeante des secteurs et des professions « qui prospéreront ou seront menacées » influant sur les compétences demandées.
PRÈS D’UN QUART DES EMPLOIS POURRAIENT ÊTRE IMPACTÉ PAR L’AUTOMATISATION[6].
Le recours à la formation s’imposera[7] :
« L’automatisation exigera que tous les travailleurs acquièrent de nouvelles compétences. »
Des emplois seront même automatisés à 95% d’ici 10 ans[8]. Cette tendance concerne surtout le travail peu qualifié, dans l’industrie manufacturière, mais aussi la distribution, l’hôtellerie et la restauration.
Ce qui renforcera, de fait, la valeur des diplômes et tendra à la requalification de la population active par la formation.
LES CRÉATIONS D’EMPLOI DEVRAIENT ÊTRE DE PLUS EN PLUS CONCENTRÉES GÉOGRAPHIQUEMENT AU DÉTRIMENT DE TERRITOIRES EN DÉCLIN.
« L’Europe est une mosaïque de marchés du travail locaux très variés qui ont connu une concentration géographique croissante de la croissance de l’emploi dans le passé. »
Trois profils de zones caractérisés par leur économie et leur emploi, sont présentés et figurent sur une carte :
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48 villes dynamiques réunissant 20% de la population[9], avec largement en tête deux pôles : Londres et Paris[10]. Ces villes comme Paris, Lyon-Grenoble, Rennes, Toulouse, etc., pourraient capter 50% des créations d’emploi (contre 35% durant la dernière décennie). Amsterdam, Copenhague, Madrid et Munich sont également citées.
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Des économies globalement stables, c’est-à-dire sans développement, où vivent la moitié de la population[11] et
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des régions en déclin, où résident 30% de la population[12].
La polarisation autour de Londres et Paris est mise en exergue.
« Ce sont les mégalopoles de Londres et de Paris, avec plus de 10 millions de personnes chacune, et une main-d’œuvre jeune avec un haut niveau d’éducation, et 46 hubs de superstars, qui ont un éventail d’industries à forte croissance et ont été parmi les régions à la croissance la plus rapide de l’Europe. »
L’OFFRE DE MAIN D’ŒUVRE POURRAIT SE RESTREINDRE D’ICI À 2030.
« L’Europe risque de manquer de travailleurs qualifiés, malgré une vague croissante d’automatisation.[13] »
Il existe des degrés de liberté. Ce constat global doit être corrigé selon la démographie propre à chaque pays (écart entre la France et l’Allemagne ou l’Italie), les taux de chômage très différents entre pays du sud et du nord, l’élévation potentielle de l’âge de départ en retraite, etc.
La tendance à la réduction du temps de travail devrait avoir un effet peu significatif avec une « réduction de l’offre de main-d’œuvre de 2% supplémentaires ».
IL DEMEURERAIT DIFFICILE DE FAIRE COÏNCIDER L’OFFRE ET LA DEMANDE DE TRAVAIL.
Les compétences recherchées sur le marché du travail évolueront. Des travailleurs devront suivre des formations spécifiques pour s’adapter à l’usage des technologies pour conserver leur postes. La tendance à la mobilité professionnelle se maintiendra[14].
« Il y aura un déséquilibre sur le marché du travail avec une forte demande en compétences qualifiées non pourvues et des emplois peu qualifiés restants, mais fortement automatisés. »
Plus de la moitié de la main-d’œuvre européenne devrait connaitre des « transitions » importantes.
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Les perspectives de ces évolutions restent assez floues !
« Une grande partie des pertes d’emplois potentielles (sinon toutes) pourraient être compensées par la croissance de l’emploi provenant de sources telles que la technologie, l’augmentation des revenus et les investissements dans les soins de santé. »
[1] McKinsey Global Institute
[2] https://www.mckinsey.com/featured-insights/future-of-work/the-future-of-work-in-europe#
[3] Cette recherche examine près de 1 100 économies locales dans les 27 pays de l’UE, ainsi que le Royaume-Uni et la Suisse. Il ne comprend donc pas l’est européen (Ukraine, Biélorussie, Moldavie) ou les pays des Balkans.
[4] « La crise du COVID-19 a fortement affecté les marchés du travail européens et il faudra peut-être des années avant que l’emploi retrouve son niveau d’avant la crise. Mais la pandémie ne sera pas la seule tendance à façonner l’avenir du travail sur le continent. » (…) « La crise a mis en danger à court terme jusqu’à 59 millions d’emplois en Europe, soit 26% du total, par des réductions des heures ou des salaires, des congés et des licenciements permanents. Cela marque une forte inversion des taux d’emploi qui, avant la crise, avaient augmenté dans 85% des régions. »
[5] « Les tendances que nous identifions comprennent les vitesses différentielles d’adoption de l’automatisation sur les marchés du travail régionaux européens; la divergence croissante entre les villes les plus dynamiques et les régions en déclin à travers le continent; une baisse de l’offre de main-d’œuvre qui pourrait créer une pénurie de main-d’œuvre, en particulier dans les secteurs et régions en croissance; et des changements majeurs dans les types de compétences et les professions spécifiques qui prospéreront ou seront menacées. »
[6] « Les scénarios que nous avons développés pour le rythme d’adoption de l’automatisation montrent que 22% des activités de travail actuelles (équivalant à 53 millions d’emplois) pourraient être automatisées d’ici 2030, en supposant un scénario à mi-parcours. »
[7] « Environ 94 millions de travailleurs n’auront peut-être pas besoin de changer de profession, mais devront surtout se recycler, car la technologie gère 20% de leurs activités actuelles. »
[8] « Les emplois les plus concernés par le risque d’automatisation sont également les plus exposés dans le contexte de la crise liée au coronavirus, en particulier dans la distribution. »
[9] « À moins que la poussée vers le travail à domicile qui était une conséquence de la crise COVID ne modifie fondamentalement les schémas d’urbanisation, ces 48 villes pourraient capturer plus de 50% de la croissance potentielle de l’emploi en Europe au cours de la prochaine décennie, poursuivant et intensifiant la concentration géographique que nous avons observée au cours de la dernière décennie. Dans ce cas, ils devront peut-être attirer des travailleurs d’autres régions pour combler plus de 2,5 millions d’emplois. »
[10] « Quarante-huit villes dynamiques, dont Amsterdam, Copenhague, Londres, Madrid, Munich et Paris, qui sont qui abrite 20% de la population européenne, a généré 43% de la croissance du PIB européen, 35% de la croissance nette de son emploi et 40% de sa croissance démographique entre 2007 et 2018. »
[11] « La moitié restante de la population vit dans un large éventail d’économies qui sont restées en grande partie stables, avec une croissance modeste de l’emploi avant la pandémie. »
[12] « 438 régions en déclin avec 30% de la population, principalement en Europe orientale et méridionale, ont une main-d’œuvre en déclin, des populations plus âgées et un niveau de scolarité plus faible. »
[13] « Une des principales raisons est la baisse de l’offre de main-d’œuvre : la population en âge de travailler en Europe diminuera probablement de 13,5 millions (ou 4%) en raison du vieillissement d’ici 2030. »
[14] « La mobilité a également augmenté : alors que la plupart des migrations ont eu lieu à l’intérieur des pays, le nombre d’Européens travaillant dans un autre pays européen a doublé pour atteindre 16 millions de 2003 à 2018, alors que les pays d’Europe de l’Est ont rejoint l’UE et que les Européens du Sud se sont déplacés vers le nord. »
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