PÔLE EMPLOI DOIT ENCORE FAIRE DES PROGRÈS.
Un rapport de la Cour des Comptes concernant Pôle emploi[1] vient d’être rendu public. Il a été bouclé en novembre 2019 et porte sur la période 2012-2018[2]. Il est intéressant, même s’il ne traite qu’une part des questions relatives à cet établissement public.
« Dans ce rapport préparé avant la crise sanitaire, la Cour dresse un bilan de la gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création, en examinant sa stratégie, sa gouvernance, la gestion de ses moyens financiers et humains, et sa performance. »
Le rapport rend compte des évolutions de Pôle emploi à de nombreux niveaux, des progrès réalisés et de ceux restant à opérer.
L’appréciation générale est la suivante :
« Si les objectifs fixés à Pôle emploi ont été atteints, ils ont manqué d’ambition. »
Les indicateurs de performance, dont s’est doté Pôle emploi, paraissent insuffisants[3].
« La focalisation sur ces indicateurs (…) a pris le pas sur l’examen des indicateurs se rapportant au retour à l’emploi (nombre de retours à l’emploi et nombre de retours à l’emploi durable). »
Le rapport formule plusieurs recommandations pour améliorer Pôle emploi.
LE MODE DE GOUVERNANCE ENTRE ÉTAT, UNEDIC ET POLE EMPLOI POSE PROBLÈME.
Sur le plan de la gouvernance, le rapport témoigne d’une part de la grande autonomie laissée à l’établissement public dans sa gestion, et d’autre part du poids majeur de l’Etat dans sa gestion.
« La gouvernance de Pôle emploi, établissement public à caractère administratif sui generis, est atypique à plusieurs égards et confère à l’opérateur une grande autonomie, tant dans la définition de sa stratégie que dans son fonctionnement interne. »
« Son pilotage est marqué par un déséquilibre entre le poids de l’État et celui de l’Unédic, bien que les représentants de l’État soient minoritaires au sein du conseil d’administration. Alors que l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage est de loin le premier financeur de Pôle emploi, sa place dans le processus de décision reste subordonnée à celle de l’État.[4] »
La maitrise assurée par l’État sur Pôle emploi est pratiquement totale, même si l’Unédic peut formuler quelques commentaires (conventions tripartites).
Le système est plus complexe encore, car selon le rapport le Directeur général de Pôle emploi, :
« occupe une place privilégiée dans le fonctionnement institutionnel des acteurs de l’emploi qui rend plus difficile l’exercice de la tutelle sur l’établissement par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). »
Pour résumer l’analyse de la Cour des Comptes, l’Unédic, géré par les partenaires sociaux est « de loin » le premier financeur de Pôle emploi, mais n’a qu’une influence très faible sur sa gestion. Le Directeur général de Pôle emploi est très autonome, même vis-à-vis du ministère du Travail (c’est-à-dire la DGEFP).
Cet état de fait de la gouvernance de cet établissement public semble peu satisfaisant pour le citoyen.
LE FINANCEMENT DE POLE EMPLOI DOIT ÊTRE REVU POUR ÊTRE EN RAPPORT AVEC SES BESOINS.
Sans analyser dans le détail le financement, un problème de fond apparait sur le financement de Pôle emploi par l’Unédic, qui a encore été augmenté en 2019[5].
Le financement versé par l’Unédic à Pôle emploi dépend de la masse salariale des salariés du secteur privé. Donc il augmente en période de croissance économique (2017-2019) et diminue en période de ralentissement ou de récession (2020-2021)[6].
Par construction, il évolue inversement aux besoins de financement de Pôle emploi avec un décalage d’une année !
Le financement de Pôle emploi mérite une réflexion rapide[7].
Rappelons pour alimenter ce débat que le déficit de l’Unédic sur ces dernières années a été dû au financement de Pôle emploi par l’assurance chômage.
L’État doit jouer son rôle et assumer ses responsabilités ; et les partenaires sociaux le leur.
Le financement du chômage partiel depuis mars 2020 pour un tiers par l’Unédic a imposé à cette association des emprunts à hauteur de 10 milliards d’euros dont le remboursement apparait improbable.
LA GESTION DES CADRES DIRIGEANTS DE PÔLE EMPLOI FAIT L’OBJET DE CRITIQUES.
Le rapport de la CC critique fortement la politique des ressources humaines appliqués aux cadres dirigeants de Pôle emploi.
« La gestion des cadres dirigeants reste ainsi marquée par certaines pratiques qui ne sont pas acceptables dans le contexte d’économies imposées à l’ensemble du secteur public sur la période 2012-2019. »
« Pôle emploi doit réformer le système d’accompagnement de la mobilité des cadres dirigeants, mettre fin à l’affectation systématique de voitures de fonction et limiter très fortement la pratique des ruptures conventionnelles en toute fin de carrière. »
« De surcroît, le constat de très fortes revalorisations de rémunération accordées à certains cadres dirigeants appelle à une meilleure information des tutelles et à la mise en place d’un contrôle des rémunérations. »
LES EFFECTIFS DE PÔLE EMPLOI DOIVENT ÊTRE REVUS POUR RÉPONDRE A LA CROISSANCE DU NOMBRE DES DEMANDEURS D’EMPLOI
Après une période de diminution des effectifs, le gouvernement a opté pour une pause dans la diminution des effectifs avec le recrutement progressif d’un millier de CDD sur trois ans.
« Le Gouvernement a annoncé à l’été 2019 une nouvelle hausse de 1 000 emplois, qui devaient être affectés à l’accompagnement des entreprises. »
Aucune décision n’a été prise à ce jour, concernant les effectifs nécessaires pour faire face à une augmentation de 900 000 demandeurs d’emploi d’ici la fin 2020 (estimation du président de la République et du Premier ministre les 14 et 15 juillet).
« L’affectation de ces moyens supplémentaires est à réexaminer dans le cadre de l’analyse des moyens à mettre en œuvre pour faire face à l’augmentation à venir du nombre de demandeurs d’emploi induite par l’épidémie de Covid-19. »
« Cette analyse devrait prendre en compte l’ensemble des moyens de Pôle emploi, y compris le potentiel de temps de travail inexploité. » – Rapport de la Cour des comptes.
Le Rapport estime en effet que : « les ressources humaines de Pôle emploi présentent un important potentiel de temps de travail inexploité.[8] »
Une meilleure organisation ne peut suffire à répondre aux besoins pour 2020 et 2021. Le recrutement et la formation qualitative de nouveaux personnels pour Pôle emploi prendra du temps. Il serait judicieux qu’elle démarre sans tarder.
[1] Cour des Comptes 16.07.2020 – Entités et politiques publiques – La gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création – Rapport public thématique – Synthèse – Juillet 2020 – https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-de-pole-emploi-dix-ans-apres-sa-creation
[2] « La Cour a contrôlé, en 2019, la gestion de Pôle emploi sur la période 2012-2018. Cet établissement public à caractère administratif, créé fin 2008 par la fusion de l’ANPE et des Assédic (…) »
[3] « Les seuls résultats des indicateurs stratégiques de la convention tripartite, qui se sont régulièrement améliorés au cours de la période, ne permettent pas d’apprécier l’efficacité de l’ensemble des activités de l’établissement. »
[4] « Il n’est d’ailleurs pas membre du conseil d’administration : ce sont les partenaires sociaux qui y siègent. Pour autant, l’Unédic joue un rôle réel dans la définition de la stratégie de Pôle emploi, formalisée dans le cadre des conventions tripartites pluriannuelles conclues entre l’opérateur et ses deux principaux financeurs. »
[5] « Le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage a prévu au 1er janvier 2020 une hausse de la contribution de l’Unédic au financement de Pôle emploi, qui est passée de 10% à 11% des contributions au financement de l’assurance chômage. »
[6] « Ce mode de financement, largement lié à la dynamique de la masse salariale des salariés du secteur privé4, conduit à augmenter mécaniquement le financement de Pôle emploi en période de croissance économique. En sens inverse, il conduira à réduire les moyens de Pôle emploi en 2022 compte tenu de la baisse prévisible des recettes du régime liée à l’épidémie de Covid 19 en 2020. »
[7] « La définition d’une trajectoire financière pluriannuelle pour l’établissement permettrait de mieux adapter les conditions de son financement au contexte économique et de maintenir une gestion exigeante de ses dépenses. »
[8] « Le temps de travail des salariés est inférieur de 2,5% à la durée légale de 1 607 heures, en raison des cinq jours de congés additionnels prévus par l’accord sur l’organisation et l’aménagement du temps de travail. » « Les absences au travail, tous motifs confondus, sont en hausse continue et atteignent un niveau très élevé (en moyenne un mois d’absence par salarié et par an). »
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