POLE EMPLOI LUTTE DÉJÀ CONTRE LA FRAUDE A L’ASSURANCE CHÔMAGE.
Pôle emploi fixe chaque année, à ses Directions régionales, des objectifs à atteindre en matière de lutte contre la fraude[1].
En 2019, Pôle Emploi, dans le cadre de la lutte contre les fraudes, a récupéré 212 millions d’euros, selon le rapport de la Cour des comptes de septembre. Plus de 17 500 affaires frauduleuses auraient été détectées, pour un montant moyen de l’ordre de 12 000 euros.
Le rapport d’information parlementaire du 15 septembre 2020 a émis un avis critique sur les objectifs et les résultats de Pôle emploi en la matière[2] :
« Pôle emploi affiche des résultats particulièrement faibles en matière de recouvrement des indus frauduleux. » « La situation de Pôle emploi démontre un peu plus qu’il existe des marges de manœuvre significatives pour préserver les finances publiques de la fraude sociale. »
Par ailleurs, le taux de récupération des sommes versées à tort semblait trop faible[3]. « Les indus frauduleux représentent 9 % du montant total des indus en 2019. »
La fraude se distingue « de simples erreurs par son caractère intentionnel ».
Elle prend la forme, par exemple, d’un non-signalement de la reprise d’une activité, d’une sous-déclaration des ressources pour bénéficier des ASS, d’une usurpation d’identité, d’une absence de séjour stable et régulier en France, etc.
Le montant réel de la fraude aux prestations sociales dans leur ensemble[4], et celles concernant l’indemnisation chômage, en particulier, ne sont pas connues[5], selon la Cour des comptes comme au rapport d’information parlementaire. Contrairement à certaines affirmations faites dans un souci de scandale[6].
SUITE A L’ADOPTION DE LA LOI DE FINANCES 2021, POLE EMPLOI DISPOSERA DÉSORMAIS D’UN « DROIT DE COMMUNICATION » SUR DES DONNÉES PERSONNELLES POUR LUTTER PLUS EFFICACEMENT CONTRE LES FRAUDES.
Suite aux recommandations de la Cour des comptes et au rapport d’information parlementaire, le projet de loi de finances 2021, qui a été adopté le 17 décembre, va permettre à Pôle emploi d’accéder à de nouveaux types d’informations sur des demandeurs d’emploi[7], soupçonnés d’avoir fraudé, pour percevoir indûment des allocations.
Pôle emploi disposera désormais d’un « droit de communication », dont disposent depuis 12 ans les Urssaf et d’autres organismes de Sécurité sociale.
Cela concernera la consultation de renseignements émanant d’entreprises d’établissements de crédit, de fournisseurs d’énergie ou d’opérateurs de téléphonie, etc.[8]
Mais également « d’avoir accès au fichier de contrats d’assurance-vie (le Ficovie) » (amendement du gouvernement).
DES EFFECTIFS SONT MOBILISES POUR CETTE LUTTE CONTRE LES FRAUDEURS
Ce droit de communication sera exercé exclusivement par des agents assermentés de Pôle emploi, chargés de la prévention et de la lutte contre la fraude. Un effectif de l’ordre de cent personnes a été évoqué.
Les députés avaient recommandé l’augmentation des effectifs spécialisés dans la fraude. Reste à savoir si cet effectif sera suffisant…
Pôle emploi pourra vérifier avec précision la véracité des documents fournis par un chômeur et l’exactitude des déclarations conditionnant l’indemnisation chômage.
Ces dispositions ne concernent pas le contrôle de la recherche d’emploi ou le recouvrement d’indus[9], indemnisations chômage versées par erreur par Pôle emploi.
UNE DÉMARCHE PARALLÈLE EXISTE CONCERNANT LES FRAUDES AU CHÔMAGE PARTIEL.
C’est-à-dire la fraude :
- Soit des employeurs touchant le chômage partiel tout en faisant travailler les salaries concernés (par exemple en télétravail) et
- Soit de salariés qui travaillent au noir une fois en situation de chômage partiel.
Des contrôles sont déjà menés par les inspecteurs du Travail, à la demande du ministère du Travail et se poursuivent.
UNE ACTION DE PRÉVENTION DES FRAUDES EN AVAL APPARAIT INDISPENSABLE.
La vraie question est de savoir si, au lieu de procéder a des contrôles aléatoires a posteriori aux résultats plus ou moins partiels, il ne serait pas plus simple de revoir les procédures d’accès aux droits, c’est-à-dire des formules déclaratives trop floues pour freiner les fraudes.
Par exemple, il semble étonnant que des fonds de chômage partiel ait pu être attribués à des sociétés fictives alors qu’il existe un répertoire des entreprises. De même, le fait que des fonds du chômage partiel aient pu être versés à l’étranger, comme cela a pu être dit, semble profondément anormal.
Les procédures d’accès aux droits, gérés par Pôle emploi, pourraient sans doute être revues, sans même parler de mettre en cause les responsabilités des responsables de ces dysfonctionnements.
[1] Fraudes détectées (préjudices subis et évités) par pôle emploi (en millions d’euros)
2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | |
Objectifs | 102,8 | 102,8 | 167,8 | 181,7 | 187,3 | 213,6 |
Résultats | 122,6 | 168,3 | 178,2 | 185,1 | 206,3 | 212,0 |
Source : Pôle emploi.
[2] Rapport d’information pour lutter contre la fraude sociale. De Patrick Hetzel (Bas-Rhin, Les Républicains) et Pascal Brindeau (Loir-et-Cher, UDI). 15 septembre 2020. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cefrausoc/l15b3300-t1_rapport-enquete.pdf
[3] « En 2019, sur 129 millions d’euros de préjudices subis liés à la fraude[3], seuls 14,9 millions avaient été recouvrés, soit 12,7%. Le taux de recouvrement passe à 23% sur 24 mois puis à 39% sur 48 mois. Il parvient difficilement à 57% au bout de six ans. Ces chiffres contrastent avec le taux de recouvrement de l’ensemble des indus – indus frauduleux et non frauduleux – qui a atteint 51% en 2019, ce qui correspond en valeur absolue à 549,6 millions d’euros. » – Commission parlementaire
[4] De l’ordre de 521 milliards d’euros de prestations (soit 21,5% du PIB) ont été versés en 2019 par les principaux organismes. Même une fraude « très légère » représente un budget de fraude important.
[5] « Les [éléments] disponibles ne permettant pas de parvenir à un chiffrage suffisamment fiable ». Rapport du 8 septembre de la la Cour des comptes.
[6] Ce sujet « donne lieu à des fantasmes, à l’utilisation polémique, politique, abusive » des statistiques.
[7] Suite aux dépôts de deux amendements (l’un sénatorial et l’autre gouvernemental) qui ont été adoptés.
[8] Pour détecter des fraudes, les agents de Pôle emploi peuvent consulter le fichier national des comptes bancaires (FICOBA) et vérifier les informations dans le fichier national des interdictions de gérer (FNIG), à la base nationale des données patrimoniales (BNDP) et aux transactions immobilières pour aider à estimer la valeur d’un bien immobilier (PATRIM).
[9] Les indus sont des sommes perçues en trop par le demandeur d’emploi, à la suite d’erreurs qui peuvent dépendre de Pôle emploi.
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