Le gouvernement lance un appel à projets[1] pour dynamiser la création ou reprise d’activités par des personnes sans emploi, en difficulté sociale, en 2021 et 2022.
Les réseaux d’aide nationaux[2] à la création d’entreprises sont sollicités[3].
L’appel s’intitule : « Inclusion par le travail indépendant des personnes en difficulté d’accès à l’emploi et notamment des jeunes dans le cadre du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique et du plan de relance »[4].
Ce titre illustre bien la communication du ministère du Travail qui cherche à faire du neuf avec des pratiques existantes depuis des décennies.
La question qui se pose est la pérennité des actions en faveur de la création d’entreprise, en particulier la logique des efforts apporté aux sans emploi ayant peu de chance de bénéficier d’une embauche.
L’OBJECTIF EST D’ACCOMPAGNER 40 000 PORTEURS DE PROJET EN INSERTION SUR DEUX ANS
L’action concernerait l’entrée de 15 000 personnes en 2021 et 25 000 en 2022.
La part des jeunes de 18 à 30 ans serait de 15 000, dont 5 000 en 2021 et 10 000 en 2022. Cet accompagnement vise des jeunes, « ayant peu de culture entrepreneuriale et de réseaux ».
Il part d’une affirmation pour le moins discutable :
« En outre, dans le contexte économique particulier généré par les conséquences de la crise sanitaire de la Covid 19, la part des jeunes souhaitant créer leur entreprise pour créer leur propre emploi devrait s’accroître dans les prochains mois, y compris parmi les jeunes présentant des fragilités en termes d’insertion professionnelle. »
LA MOTIVATION DES BÉNÉFICIAIRES DE L’ACCOMPAGNEMENT RESTE FONDAMENTALE.
La condition fondamentale d’une telle opération est la motivation des personnes bénéficiaires de l’accompagnement.
« L’accompagnement doit viser une personne en insertion formulant un projet et adhérant pleinement à la démarche. »
L’expérience prouve que ce n’est pas toujours le cas, dans la mesure ou les prestataires vise un objectif chiffré et que la personne sans emploi tente de suivre cette voie par défaut, même si elle ne l’avoue pas.
LE CHOIX DES CIBLES EST TROP LIMITATIF.
Le ciblage des bénéficiaires de cette campagne semble problématique tant la définition des publics est orienté administrativement[5].
La première cible est claire, elle comprend les bénéficiaires du RSA (socle), les allocataires des ASS ou de l’AAH et les demandeurs d’emploi de longue durée (DELD) de plus de 24 mois de chômage.
Mais ces critères concernent rarement les jeunes, à quelques exceptions près.
Une seconde approche est proposée et elle apparait un peu plus compliquée, puisqu’il faut satisfaire trois critères parmi ceux de la liste suivante :
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Niveau d’étude 3 (CAP, BEP) ou infra,
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Senior de plus de 50 ans,
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Jeunes de moins de 26 ans),
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Sortant de l’ASE,
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DELD entre 12 et 24 mois de chômage,
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Travailleur en situation de handicap[6],
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Parent isolé,
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Personne sans hébergement / hébergée / ayant un parcours de rue,
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Personne récemment arrivée en France : contrat d’intégration républicaine de – 24 mois,
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Résident en ZRR ou QPV.
Pour donner des exemples :
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Un jeune de moins de 26 ans, pour être pris en compte doit avoir un niveau infra bac et habiter un QPV ou une ZRR,
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Un senior de plus de plus de 50 ans doit être inscrit à Pôle emploi depuis plus de 12 mois et ne jamais avoir validé un bac.
C’est pourquoi l’appel à projets fait tout de même état de plusieurs dérogations.
« Toutefois, par dérogation à ces critères, les jeunes de 18 à 30 ans sont éligibles dès lors qu’ils remplissent un critère administratif de niveau 1 ou 1 critère administratif de niveau 2 (autre que l’âge), ou s’ils sont inscrits à une Mission locale. »
Il est même indiqué que :
« les opérateurs pourront disposer d’une marge de manœuvre permettant d’aller vers des publics en difficulté n’entrant pas strictement dans l’une des catégories précitées ».
Mais ils devront justifier leurs choix et se limiter à 20% des places[7]. Ces conditions peuvent apparaitre beaucoup trop limitatives.
LE BUDGET PRÉVU N’EST PAS FORCEMENT SUFFISANT POUR L’OBJECTIF FIXÉ.
L’enveloppe dédiée à cet appel à projets est de 40 millions d’euros[8], ce qui correspond à un coût moyen de 1 000 € par personne accompagnée.
Ce montant peut paraitre faible pour un accompagnement à la création de personnes ayant besoin d’un réel encadrement.
Cela explique que :
« L’ambition collective de cet appel à projets est de pouvoir atteindre des taux de sortie positive vers l’emploi de l’ordre de 85% à 1 an après la fin de l’accompagnement dont 30% au moins via la création ou la reprise d’une entreprise.[9] »
En clair, 55% des sans-emplois accompagnés dans cette action doivent se retrouver en emploi salarié et juste 30% en création, un an après l’accompagnement. L’ambition parait limitée mais réaliste (ou optimiste) au regard des bilans des actions menées depuis des années.
CERTAINS JEUNES DEVRAIENT DISPOSER D’UNE PRIME A LA CRÉATION D’ENTREPRISE DE 3 000 €.
Pour les jeunes de 18 à 30 ans, l’accompagnement, à la création ou reprise d’entreprise pourra, éventuellement être accompagné d’une prime de 3 000 €[10].
Les opérateurs en charge du versement de cette prime seront également sélectionnés dans le cadre de cet appel à projets.
Le plan de relance prévoit de mobiliser 25 millions d’euros, sur deux ans, pour cette prime. Ceci représente un peu plus de 8 000 primes.
[1] Cet appel s’inscrit dans le cadre du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique (IAE) et du plan « 1 jeune, 1 solution ».
Le calendrier de cet appel à projets est le suivant : date d’ouverture : 15 mars 2021 ; date de clôture des candidatures : 23 avril 2021 ; sélection des opérateurs : 21 mai 2021. https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/aap_inclusion-par-travail-independant.pdf
[2] « L’appel à projets vise à sélectionner des opérateurs d’envergure nationale, en mesure de permettre rapidement à un nombre significatif de personnes d’accéder à la création / reprise d’entreprise lorsqu’il s’agit de la solution pertinente pour leur projet et également soutenir la mise en œuvre d’une offre de service renforcée, adaptée à la diversité des besoins et des profils des personnes concernées. »
[3] Les réseaux d’aide à la création d’entreprise : Adie, BGE, CCI France, France Active, Initiative France, Réseau Entreprendre, etc.
[4] « Le pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique, remis au Président de la République le 10 septembre 2019 par le Conseil de l’inclusion dans l’emploi, identifie le déploiement et l’encadrement du travail indépendant comme un vecteur pertinent pour l’inclusion dans une activité professionnelle durable des publics les plus fragiles. » communiqué du 15 mars 2021
[5] « L’entrepreneuriat peut constituer, au même titre que l’emploi salarié, un vecteur d’inclusion sociale et d’autonomisation économique et financière pour des personnes fragilisées sur le marché du travail. » Communique du 15 mars 2021.
[6] Sur attestation reconnaissance qualité TSH
[7] « Ils devront pour ce faire objectiver les difficultés liées à la situation personnelle de ces personnes ou à leur environnement, tenant notamment au fonctionnement sélectif du marché de travail, qui peuvent conduire à en exclure certains publics. Cette marge de manœuvre est plafonnée à 20% des personnes accompagnées, et conditionnée à la réalisation d’un diagnostic socio-professionnel initial. Elle s’apprécie pour chaque opérateur sélectionné au titre de l’appel à projet. »
[8] « Au total, l’Etat mobilisera, à titre exceptionnel, en complémentarité de l’action des régions, 65 millions d’euros sur 2 ans pour financer cet appel à projets qui se déclinent de la manière suivante : 40 millions d’euros pour accompagner 40 000 personnes en insertion à la création d’entreprise tous âges confondus, dont 15 000 jeunes (équivalent à un coût moyen de 1 000 € par accompagnement) ; 25 millions d’euros pour l’octroi de primes à destination des jeunes. Les mesures dédiées aux jeunes sont financées par les crédits dédiés à la « Relance » à hauteur de 40M€. » – texte de l’appel à projets
[9] « L’objectif n’est donc pas de proposer à une personne de créer son entreprise parce qu’elle n’accède pas à l’emploi salarié, mais d’examiner : si elle a déjà un projet de création d’entreprise qu’un accompagnement permettrait de concrétiser ; ou si la création d’entreprise pourrait être pour elle la bonne solution pour concrétiser un projet professionnel qui n’avait jusqu’alors pas été envisagé sous cette forme. »
[10] « Cette mesure vise à soutenir le jeune pour la mise en œuvre de son projet et lui faciliter l’accès aux financements par effet levier dans la phase de démarrage et de développement de son entreprise. »
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