Le statut et les conditions de travail des intervenants des plateformes numériques reste en suspens.
Sont concernés le secteur d’activités des VTC (conduite d’une voiture de transport avec chauffeur) et celui des livraisons à vélo, scooter ou tricycle.
« DES CONDITIONS TRÈS PRÉCAIRES, PARFOIS INDIGNES »
La ministre du Travail a déclaré que :
« Si le développement des plateformes numériques présente de nombreux aspects positifs, force est de constater que certains travailleurs, et particulièrement les livreurs des plateformes de livraison, évoluent dans des conditions très précaires, parfois indignes ».
Cette formule résume bien la situation actuelle.
Les remontées des services de contrôles ont mis en évidence des :
« Situations d’abus et de fraudes liées à la sous-location irrégulière de comptes (travail illégal, sous-traitance irrégulière, conditions de travail indignes) et l’exercice illégal de la profession ».
La ministre avait demandé aux représentants des plateformes de présenter les actions envisagées pour « corriger ces pratiques, mettre en œuvre leurs obligations de contrôles vis-à-vis des livreurs et améliorer les conditions de travail de ces derniers ».
Les représentants des plateformes de livraison : Uber, Deliveroo, Frichti et Stuart, ont été réunis pour faire un point.
Ils ont présenté plusieurs pistes visant à mettre un terme aux situations d’abus et de fraudes dans ce secteur : mise en place par eux-mêmes de mécanismes plus performants permettant de mieux déceler les anomalies et les fraudes, renforcement de la collaboration avec les services de l’État et élaboration d’une charte d’engagement des plateformes[1].
La ministre a demandé une concrétisation rapide des mesures envisagées par les plateformes[2].
« Le plan d’actions présenté par les différentes plateformes concernées est une première étape qui devra être suivie d’effets rapides et concrets pour offrir de meilleures conditions de travail aux livreurs et mettre fin aux pratiques inacceptables qui ont été observées dans le secteur »
LE GOUVERNEMENT A PERMIS LE DÉVELOPPEMENT DE MÉCANISMES, DONT ON POUVAIT ANTICIPER LA FRÉQUENCE DES CAS D’IRRÉGULARÉS
Le gouvernement a permis, sans exercer le contrôle nécessaire, le développement d’un système, dont on pouvait anticiper la fréquence des cas d’irrégularité, pour en arriver, a postériori, à « avancer sur l’amélioration des droits des travailleurs des plateformes[3] ».
Tout cela aurait pu, ou dû, être anticipé.
Le rapport de Jean-Yves Frouin a analysé les problèmes rencontrés et proposé des solutions[4].
La situation est teintée d’ambiguïté puisque, par exemple, le ministre délégué chargé des Transports a tenu à rappeler sa vision positive du dossier :
« Le développement des plateformes dans le secteur de la mobilité a permis d’investir de nouveaux champs de l’économie et de créer de nouvelles formes d’emploi. »
Il s’agit désormais de passer de l’acceptation de ce nouveau type d’emploi développés par les plateformes à leur entrée dans le cadre du Code du travail[5].
Le statut de ces travailleurs qui ne sont ni totalement salariés ni complètement indépendants aurait dû être tranché, à mon sens dans le sens d’une forme de salariat. Cela a déjà été le cas dans plusieurs pays.
L’AUTORITÉ DES RELATIONS SOCIALES DES PLATEFORMES D’EMPLOI (ARPE) DOIT DE METTRE EN PLACE EN 2022…
Une ordonnance[6] d’avril 2021 devrait permettre aux travailleurs indépendants des plateformes de mobilité (VTC et livreurs à deux roues) de désigner leurs représentants en 2022. Elle crée l’ « Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) ».
Ce nouvel établissement public chargé de réguler les relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants.
Un premier scrutin national devrait être organisé au premier semestre 2022 pour permettre aux travailleurs des plateformes de désigner des représentants pour construire un dialogue social entre employeurs et travailleurs.
Des organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, etc.) ont déjà développé des syndicats de livreurs[7]. Parallèlement à des « collectifs de travailleurs »[8] regroupant ces profils de travailleurs.
CETTE DÉMARCHE NE CONDUIT PAS A DES EMPLOIS SALARIES EN CDI ET A TEMPS PLEIN.
Le paradoxe réside dans le fait que le ministère du Travail affiche sa détermination à lutter contre l’abus de contrats courts, dans la réforme de l’assurance chômage, tout en encourageant ceux-ci dans les emplois proposés par les plateformes de livraison !
[1] Des piste ont été évoqué : La mise en place par eux-mêmes de mécanismes plus performants permettant de mieux déceler les anomalies et les fraudes : système de reconnaissance faciale, contrôles de données bancaires, lutte contre les annonces de trafiquants sur internet, mise en place de contrôles des comptes de livreurs… ; Le renforcement de la collaboration avec les services de l’État : direction générale du Travail, direction générale des Transports, ministère de l’Intérieur ; L’élaboration d’une charte d’engagement des plateformes afin de susciter une dynamique vertueuse dans le secteur intégrant des actions communes de lutte contre les fraudes.
[2] « Des réunions de suivi et de bilan des actions engagées seront réalisées avec les services des différents ministères concernés. »
[3] « Ces sujets ont vocation à être traités par les travaux en cours sur la construction d’un dialogue social entre les plateformes et leurs travailleurs – une première élection nationale sera organisée en 2022 – ainsi que sur la protection sociale des travailleurs. »
[4] Rapport – Réguler les plateformes numériques de travail – https://www.gouvernement.fr/partage/11921-rapport-reguler-les-plateformes-numeriques-de-travail
[5] « Je suis convaincu que le développement de ce modèle passe par le plein exercice de la responsabilité des plateformes vis à vis des livreurs. Le Gouvernement sera à leurs côtés pour les appuyer dans cette démarche » – Le ministre délégué chargé des Transports.
[6] Ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation – https://www.vie-publique.fr/loi/279617-ordonnance-21-avril-2021-representation-travailleurs-plateformes
[7] La CGT développe un syndicat « à même de défendre leurs revendications : augmentation des rémunérations, accès à la protection sociale, droit à la représentation, régularisation des sans-papiers… » – Syndicat CGT des livreurs de Paris
[8] Par exemple, le Collectif des livreurs Autonomes de Paris (CLAP).
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