La lutte contre les discriminations à l’embauche, sur les 27 critères du Code du Travail, au sein des entreprises publiques et privées s’impose à tous par la loi et le bon sens.
La diversité dans les effectifs, et les recrutements, apparait évidemment la bienvenue pour les entreprises et la société.
Il n’y a aucun doute en la matière.
Mais des moyens mis en œuvre au nom de « bonnes intentions » aujourd’hui paraissent parfois contestables de part les contraintes qu’ils sous-tendent.
L’INDEX « DIVERSITÉ ET INCLUSION » SEMBLE UNE INITIATIVE CONTESTABLE.
Une expérimentation d’un « Index Diversité et Inclusion » a été lancé en novembre 2021 par les ministères[1] pour parvenir à :
« une meilleure prise en compte de la diversité et de l’inclusion contribue directement à la performance, à l’attractivité et l’innovation des organisations ».
L’Institut IPSOS a été chargé de sa mise en œuvre et a mobilisé neuf organisations pilotes privées et publiques[2].
Le premier questionnaire Index Diversité et Inclusion a été diffusé auprès de 122 000 salariés. 38 400 réponses ont été reçues.
L’exposé de l’opération porte sur deux points.
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D’une part, des critères sur lesquels la mesure de la diversité (et du niveau d’inclusion) liés au handicap, à l’âge et au genre apparait claire, dans la mesure où les données sont connues et la composition du personnel est mesurable.
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D’autre part, des critères dont les données ne sont pas évidentes, puisqu’elles concernent « la diversité liée aux origines sociales, géographiques ou culturelles». (…) Le communiqué rappelle (avec un regret implicite) que les statistiques ethniques sont « interdites dans notre pays… »[3].
Le but de la démarche est de répondre à la « demande d’une méthodologie simple, utile et sécurisée juridiquement pour y parvenir ».
La ministre du Travail a ainsi déclaré que :
« Nous sommes, avec cet outil de mesure de la diversité, dans la droite ligne des actions engagées par le Gouvernement pour favoriser l’égal accès de chaque personne, quelle que soit son origine, à l’emploi ».
LA RECHERCHE D’UNE MAITRISE DES ORIGINES SOCIALES, GÉOGRAPHIQUES OU CULTURELLES DES SALARIES D’UNE ENTREPRISE VA TROP LOIN.
La connaissance de l’origine sociale d’un salarié, de son origine géographique (souvent complexe) ou de ses caractéristiques culturelles, dont religieuses ou traditionnelles, semble devoir demeurer du domaine privé.
Quant à l’origine ethnique du salarié, abandonnée à regret par l’enquête, constitue-t-elle un critère bien judicieux ?
C’est pourquoi le projet visant à accompagner les employeurs dans leurs projets de mesure de la diversité des origines sociales, géographiques et culturelles de leurs salariés apparait fort contestable.
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Cette démarche ne peut concerner que des grandes entreprises publiques ou privées, pas une entreprise de 37 salariés ! Il ne peut être généralisé.
La protection des données semble difficile à assurer, contrairement aux intentions et des promesses faites[4], puisqu’il s’agit très officiellement
« de disposer d’une photographie de la diversité de ses équipes et, ce faisant, de les doter d’un nouvel outil pour enrichir la gestion des talents ».
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Il faut tenir compte des différents cas. De par leur histoire, chaque entreprise a des profils bien différent allant du personnel d’un fonderie à celle d’une start-up.
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L’usage de cette expérimentation demeure flou, car : « Chaque organisation sera libre d’utiliser ou non cet outil qui ne donnera lieu ni à un score, ni à aucune obligation ».
Les résultats de l’expérimentation sont attendus, avant la poursuite de cette démarche. Ils seront à considérer avec soin pour juger des limites de ce projet.
Une démarche pragmatique en faveur de la diversité semblerait préférable à un fichage précis des salariés d’une entreprise, devant suivre en permanence les évolutions de celui-ci avec des départs et des entrées.
[1] Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, et Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.
[2] Ministère du Travail- Expérimentation de l’Index Diversité et Inclusion dans le monde professionnel – Retour d’expérience – 21/02/22
[3] « Les statistiques ethniques étant interdites dans notre pays, il vise dès lors à accompagner les organisations publiques et privées dans leurs projets de mesure de la diversité des origines sociales, géographiques et culturelles de leurs salariés afin de pouvoir, in fine, transformer leur culture et améliorer leurs pratiques RH, et ce dans le respect de notre droit et de nos valeurs républicaines. » – Communiqué du Ministère du Travail.
[4] « … conforme aux recommandations de la CNIL et aux exigences légales fixées par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et respectant strictement des règles de volontariat, d’anonymat ainsi que de confidentialité des données, cet outil permettra à chaque organisation de disposer d’une photographie de la diversité de ses équipes et, ce faisant, de les doter d’un nouvel outil pour enrichir la gestion des talents. » Communiqué du Ministère du Travail.
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