La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) propose 76 mesures dans le cadre de la campagne de l’élection présidentielle d’avril 2022[1], « Cap France PME 2022-2027 ». Elles se trouvent en phase à des détails près avec les propositions du Medef ou de l’UIMM.
Plusieurs de ces propositions concernent les contrats de travail, la formation, le chômage et les acteurs de l’emploi. Elles méritent d’être connue puisqu’il s’agit de :
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Déconstruire Pôle emploi pour confier l’accompagnement des chercheurs d’emploi aux Régions
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Mettre en place des sanctions automatiques à l’égard des demandeurs d’emploi,
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Faire varier la durée des allocations chômage en fonction de la conjoncture,
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Supprimer l’accès à l’indemnisation par Pôle emploi, en cas de refus de CDI en fin de CDD,
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Donner la possibilité aux employeurs de mobiliser le CPF pour la formation de leurs salariés.
D’autres propositions abordent des sujets assez variés.
Ce qui apparait globalement, c’est que l’organisation patronale vise la baisse des cotisations sociales dans tout une série de situation (heures supp, séniors, etc.) et qu’en regard elle prône la baisse de l’indemnisation chômage ou de la liberté d’accès à la formation.
Ce programme concerne l’intérêt supposé des Pme et ne s’inscrit pas dans une vision de l’intérêt général.
Reste à savoir quelles mesures seront reprises par l’un des candidats susceptibles d’être élu à la présidence de la République. Au stade où nous en sommes, les programmes détaillés des candidats ne sont pas connus.
LA CPME PROPOSE DE FAIRE IMPLOSER POLE EMPLOI POUR CONFIER L’ACCOMPAGNEMENT DES CHERCHEURS D’EMPLOI AUX RÉGIONS :
« En confiant la formation et le placement des demandeurs d’emploi aux Régions » « Actuellement, Pôle Emploi est chargé du placement des demandeurs d’emploi tandis que les régions financent les formations de ces mêmes demandeurs d’emploi. La main gauche ne voit pas ce que fait la main droite, ce qui génère une complexité administrative source de retard et d’inefficacité. Confier le placement des demandeurs d’emplois aux régions, déjà chargées de l’appui économique aux entreprises dans les territoires, serait plus logique. Pôle Emploi garderait pour le compte de l’UNEDIC, la gestion administrative des allocataires. » – Proposition Cpme n°30.
L’implosion régionale de Pôle emploi est une rengaine connue et sans grande signification quand on connait le caractère national du marché de l’emploi dans une très grande majorité des cas. La différence de la situation de l’emploi selon les régions actuelles ajoute aux dangers d’une segmentation.
La capacité des Régions a assurer le placement des demandeurs d’emploi semble plus que douteuse. La part actuelle restant aux régions quant à la formation des chômeurs mériterait un audit pour juger tant de sa qualité réelle que des écarts existants entre régions dans leurs choix et priorités.
Les progrès de l’apprentissage, depuis le retrait des Régions, apporte plutôt une impression opposée sur la démarche à suivre.
La part des départements, en charge de la compétence de l’Insertion, semble devoir être prise en compte sérieusement dans une éventuelle évolution des rôles.
La réduction de Pôle emploi à l’indemnisation des demandeurs d’emploi, pour le compte de l’Unédic apparait dommageable.
DE METTRE EN PLACE DES SANCTIONS AUTOMATIQUES A L’ÉGARD DES DEMANDEURS D’EMPLOI.
« En supprimant automatiquement les allocations chômage en cas de refus d’une offre raisonnable d’emploi, tout en offrant à chacun un recours possible pour expliquer sa situation. » « Supprimer les allocations chômage est une décision lourde de conséquences que nul ne veut assumer. Les fraudeurs mettent pourtant en péril la viabilité du dispositif actuel. Instaurer une automaticité de la sanction tout en systématisant le traitement des cas individuels dans un délai court revient à inverser la pratique actuelle. » – Proposition Cpme n°37.
Cette proposition se heurte d’abord au fait de savoir ce qu’est une « offre raisonnable d’emploi ». Cette définition étant impossible, le jugement au cas par cas s’impose d’autant que le retour à l’emploi relève, de plus en plus, de la mobilité professionnelle ou géographique.
DE FAIRE VARIER LA DURÉE DES ALLOCATIONS CHÔMAGE EN FONCTION DE LA CONJONCTURE.
« En modulant la durée des allocations chômage en fonction de la situation du marché de l’emploi et ce suivant des critères objectifs prédétermines. »
Notre système d’assurance-chômage est destiné à servir d’amortisseur social en période de crise économique. En revanche, il n’est pas adapté aux périodes de fortes activités économiques car il n’incite pas suffisamment à la reprise d’un emploi. » – Proposition Cpme n°38.
Cette proposition semble peu sérieuse dans la mesure du marché de l’emploi n’est homogène ni par secteur ni par territoire ni par niveau de qualification. Toutes les statistiques, Dares ou Insee, en font état. Cette proposition ne tient pas compte des différences entre demandeurs d’emploi en fin de contrats durables et contrats courts.
La méconnaissance du sujet chez les rédacteurs est évidente. S’attaquer à la durée d’indemnisation conduirait à la précarité et à la pauvreté d’une part de la population.
DE SUPPRIMER L’ACCÈS A L’INDEMNISATION PAR POLE EMPLOI, EN CAS DE REFUS DE CDI EN FIN DE CDD
« En supprimant l’accès à l’indemnisation par pôle emploi, en cas de refus de CDI en fin de CDD »
« L’indemnisation par Pôle Emploi est conditionnée à la « justification de la recherche d’un emploi ». Or, il n’est plus rare aujourd’hui qu’un salarié en contrat à durée déterminée (CDD) refuse le contrat à durée indéterminée (CDI) que lui propose son employeur sur un même poste. Contre toute logique, il lui est alors possible de s’inscrire et d’être indemnisé par Pôle Emploi. » – Proposition Cpme n°38.
Cette proposition concerne des cas assez rares. Elle revient à contraindre des salariés à rester dans la PME, presque par force…
La question qui se pose est de savoir si le recours au CDD comme période d’essai longue est une méthode opportune.
DE DONNER LA POSSIBILITÉ AUX EMPLOYEURS DE MOBILISER LE CPF POUR LA FORMATION DE LEURS SALARIES :
« En ouvrant aux employeurs la possibilité d’utiliser le CPF des salariés pour les formations certifiantes et qualifiantes inscrites au plan de développement des compétences de l’entreprise »
« Les employeurs sont les plus à même de savoir quelles formations sont utiles au développement des compétences dans les entreprises. Aujourd’hui, ils souffrent du manque de moyens disponibles pour former les salariés alors que l’utilité des formations proposées aux salariés via le compte personnel de formation (CPF) reste, dans bien des cas, à démontrer. » – Proposition Cpme n°29.
Cette demande rejoint celle des autres organisations patronales. Elle met en cause le principe même du CPF accordant aux personnes, salariés comme chômeurs, le choix de leur formation.
Si les entreprises peuvent jouer un rôle, c’est en proposant à leurs salariés de suivre des formations jugées utiles en interne par l’entreprise en les accompagnant d’une part de financements significatif d’au moins la moitié du coût de la formation.
[1] Élection présidentielle en vue, la CPME souhaite que la France mette le cap sur les PME ! Découvrez les 76 propositions de la CPME dans le document « Cap France PME 2022-2027 »
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