Un rapport de la Dares et de France Stratégie, du 10 mars, analyse des prévisions de recrutement d’ici à 2030[1].
Ces estimations sur les évolutions des besoins en recrutement à l’horizon 2030 tentent de prendre en compte des données connues et probables.
D’autres évolutions liées aux politiques publiques à venir, et évidemment aux aléas extérieurs amènent à relativiser.
Bref, c’est un travail très intéressant qui pose correctement les problèmes, mais les chiffres ne doivent être considérés que comme des hypothèses, plus ou moins solides selon les cas.
Cela est tout à fait précisé dans la présentation du rapport[2].
Certains médias présentent ces chiffres sans précaution.
LES PRÉVISIONS D’EMPLOIS DÉPENDENT DE DIVERSES HYPOTHÈSES
Pour prendre un exemple d’actualité, le passage probable de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans ralentira la sortie des actifs en emploi d’ici à 2030. Ce changement n’est pas intégré à ce stade[3], alors que le flux de départ à la retraite est une donnée majeure de cette étude.
De même, le poids de l’inflation sur la consommation n’est sans doute pas pris en compte.
D’une manière globale, le rapport prévoit une stabilité des besoins en recrutement d’ici à 2030, avec une estimation de l’ordre de 800 000 embauches par an.
Le total des créations d’emploi prévus dans le rapport serait d’un million entre 2019 et 2030, dont plus de 380 000 ont déjà eu lieu à fin 2021, d’après les chiffres de l’Insee.
Reste à prévoir des créations de l’ordre de 600 000 emplois pour la période 2022 à 2030.
Dans les éléments pris en compte pour expliquer la demande figurent :
-
La modification des habitudes sociales, liées à la crise sanitaire avec une baisse des activités sociales,
-
Le développement de la vente en ligne au détriment du commerce physique,
-
L’automatisation des métiers avec des suppressions de postes,
-
L’augmentation des besoins dans les domaines de l’informatique,
-
Les besoins en personnel de santé, liée au vieillissement de la population, etc.
Les prévisions reposent sur deux approches, c’est ce qui explique la complexité du projet :
-
D’une part, on prévoit l’évolution du nombre de postes prévues dans une branche ou un métier, stabilité, diminution ou création.
-
De l’autre, dans chacun des cas, il faut prendre en compte l’estimation de la proportion des départs des postes (via la retraite ou une mobilité) et des entrées de jeunes, de personnes ayant déjà occupé un poste ou de personnes en transition professionnelle.
Il est difficile de prévoir l’évolution de chaque variable, mais il est logique de tenter de dresser ce tableau.
Je préfère renvoyer au document de la Dares[4] pour que chacun consulte tel secteur ou tel métier.
Je donne ci-dessous quelques indications significatives
LA CROISSANCE DE L’EMPLOI DEVRAIT ÊTRE FORTE DANS 10 SECTEURS ENTRE 2019 ET 2030.
Les secteurs où la croissance de l’emploi[5] devrait être la plus forte sont les suivants :
-
Santé : +264 000 emplois
-
Activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture, d’ingénierie, de contrôle et d’analyses techniques : +201 000 emplois
-
Construction : +174 000 emplois
-
Services administratifs et de soutien : +172 000 emplois
-
Activités informatiques et services d’information : +160 000 emplois
-
Médico-social et action sociale : +147 000 emplois
-
Autres activités de services : +102 000 emplois
-
Recherche et développement : +80 000 emplois
-
Hébergement et restauration : +51 000 emplois
-
Arts, spectacles et activités récréatives : +29 000 emplois
A contrario, dix secteurs devraient être marqué par un repli de l’emploi entre 2019 et 2030 :
-
Finance et assurance : -98 000 emplois
-
Administration publique : -70 000 emplois
-
Transports et entreposage : -57 000 emplois
-
Agriculture : -39 000 emplois
-
Métallurgie : -34 000 emplois
-
Maintenance et autres industries manufacturières : -28 000 emplois
-
Caoutchouc-plastique : -28 000 emplois
-
Équipements électriques : -27 000 emplois
-
Finance et assurance : -22 000 emplois
-
Administration publique : -17 000 emplois
-
Transports et entreposage : -15 000 emplois
LES CHIFFRES SUR LES MÉTIERS DEVRAIENT VARIER PARALLÈLEMENT
Les métiers où la croissance de l’emploi est la plus forte entre 2019 et 2030, dont des postes d’ingénieurs et de cadres, sont les suivants :
-
Ingénieurs de l’informatique : +115 000 emplois
-
Infirmiers, sage-femmes : +113 000 emplois
-
Aides-soignants : +110 000 emplois
-
Cadres commerciaux et technico-commerciaux : +109 000 emplois
-
Aides à domicile : +98 000 emplois
-
Ouvriers qualifiés de la manutention : +79 000 emplois
-
Cadres des services administratifs, comptables et financiers : +76 000 emplois
-
Ingénieurs et cadres techniques de l’industrie : +75 000 emplois
-
Cadres du bâtiment et des travaux publics : +58 000 emplois
-
Ouvriers peu qualifiés de la manutention : +57 000 emplois
Les métiers où le repli de l’emploi est le plus marqué entre 2019 et 2030 sont les suivants :
-
Employés administratifs de la fonction publique (cat. C et assimilés) : -159 000 emplois
-
Employés de la comptabilité : -67 000 emplois
-
Secrétaires : -55 000 emplois
-
Employés administratifs d’entreprise : -52 000 emplois
-
Employés de la banque et des assurances : -48 000 emplois
-
Techniciens de la banque et des assurances : -39 000 emplois
-
Secrétaires de direction : -25 000 emplois
-
Agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bûcheron : -23 000 emplois
-
Ouvriers qualifiés de la mécanique : -22 000 emplois
-
Ouvriers peu qualifiés des industries de process : -15 000 emplois
Par exemple, cette étude indique que la construction devrait gagner 174 000 emplois, dont 58 000 emplois de cadres du bâtiment et des travaux publics.
Mais une telle hypothèse tient, d’une part, aux priorités des français (logement individuel neuf, rénovations, etc.) et, d’autre part, aux politiques menées en matière de construction (dans un contexte réglementaire et incitatif complexe) durant les 8 années à venir, ces chiffres restent donc assez relatifs…
[1] « Depuis la fin des années 1990, de tels exercices de « Prospective des métiers et qualifications » sont régulièrement menés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail et France Stratégie (service du Premier ministre). Les Métiers en 2030 est un travail réalisé en concertation avec les partenaires économiques et sociaux, les administrations et, d’une manière générale, les experts de l’observation de l’emploi, de l’insertion et de l’orientation professionnelle, réunis dans un comité d’orientation. »
[2] « Dans ce contexte d’incertitude marquée, plusieurs scénarios macroéconomiques post-crise qui tiennent compte à la fois des changements de comportements induits par la crise sanitaire et des efforts de lutte contre le réchauffement climatique qui seront déployés à l’horizon 2030 ont été modélisés.
A l’heure où ce rapport est publié, la situation sanitaire mondiale demeure fragile, c’est pourquoi les hypothèses macroéconomiques qui fondent les scénarios élaborés dans cet exercice – bien qu’elles reposent sur un large consensus – sont davantage entourées d’incertitudes que dans les exercices précédents. »
[3] « On est dans un contexte où la population active ralentit fortement » du fait des départs en retraite, selon le directeur de la Dares.
[4] Les métiers en 2030 (rapport) – 10 mars 2022 – Les métiers en 2030 – La synthèse (PDF, 1.17 Mo)
[5] Champ : France entière – Projections NEMESIS-France Stratégie/Dares, à partir de Insee, Emploi en personnes physiques au sens de la comptabilité nationale (branches).
Pas de commentaire sur “De l’incertitude des prévisions sur l’évolution des recrutements d’ici à 2030…”