Dans le développement du CPF, au-delà des opérations douteuses, quant au contenu des formations (sujet et qualité), au mode de fonctionnement « en ligne » à partir de l’envoi d’une simple clé, etc., des opérations d’escroqueries ont été mise en évidence et donné lieu à des poursuites judiciaires à l’encontre de pseudos organismes de formation.

LE COMPTE PERSONNEL DE FORMATION (CPF) A DONNE LIEU A DES ESCROQUERIES

Dès l’été 2020, TRACFIN a été alerté par des signalements révélant des escroqueries dans l’application du dispositif associé au CPF[1].

La fraude reposait au départ sur des usurpations d’identité, facilitées par les failles du dispositif[2], dans la majorité des cas.

« Les mécanismes de fraude mis à jour impliquent l’organisation de formations fictives avec usurpation de l’identité des stagiaires ou avec leur éventuelle complicité, permettant d’obtenir le déblocage des fonds disponibles au titre du CPF. » – TRACFIN.

En 2021, TRACFIN a constaté un développement de la fraude au CPF, en dépit des nouvelles dispositions mises en place[3].

La procédure s’est adaptée au renforcement du dispositif par le déploiement d’une authentification renforcée grâce au portail France Connect[4], permettant de circonscrire les risques d’usurpations d’identité.

Le constat est explicite.

« La fraude au CPF se manifeste désormais par des mécanismes de fraude plus protéiformes :

• Inscription de plusieurs personnes appartenant au même réseau à des formations fictives ou non réellement suivies,

• Démarchage et incitations aux inscriptions par des offres de rétrocessions aux stagiaires bénéficiaires du CPF sous la forme de cadeaux,

• Cartes prépayées ou commissions de parrainage.

Les profils des fraudeurs se révèlent eux-mêmes plus diversifiés. » Rapport TRACFIN 2021.

L’analyse du service de renseignement du ministère de l’Économie, TRACFIN, est très claire :

« Le dispositif intéresse de nombreux acteurs de la délinquance financière et notamment, au-delà de fraudeurs opportunistes agissant pour leur propre bénéfice, des réseaux de criminalité organisée, dont des affairistes déjà connus dans le cadre de fraudes aux certificats d’économie d’énergie ».

LA PROPORTION DU NOMBRE DES ESCROQUERIES S’EST ACCRUE ENTRE 2020 ET 2021[5].

Le montant des « déclarations de soupçon liées à une potentielle fraude au CPF » est de 51 M€[6].

Il a été multiplié par plus de 5 entre 2020 et 2021 : 7,8 M€ en 2020, puis 43,2 M€ en 2021.

« La vigilance de TRACFIN a permis de transmettre à la justice, entre 2020 et 2021, 20 dossiers sur ce thème totalisant un enjeu global de 51 M€, soit une moyenne de 2,5 M€ par dossier »[7].

Ce montant ne concerne que les procédures judiciaires engagées et non le total des cas en suspens.

Parmi les 20 dossiers transmis, dix mettent au jour des réseaux de fraudeurs particulièrement structurés et rattachés à des groupes criminels organisés[8].

Ces dix dossiers représentent un montant global de 41,2 M€.

Plusieurs de ces dossiers ont donné lieu à des saisies pénales effectives pour un total de 3,5 M€.

DES PRÉCAUTIONS PRÉALABLES INDISPENSABLES AURAIENT DÛ ÊTRE MISES EN ŒUVRE.

Pour prévenir les escroqueries, TRACFIN appelle maintenant les déclarants à maintenir une vigilance particulière sur plusieurs caractéristiques des dossiers :

« 1. Les sociétés de création récente ou ayant enregistré récemment un changement d’activité pour la formation continue pour adultes, ou un changement de dirigeant/associé ;

2. Les dirigeants/associés sans qualification particulière pour la formation pour adultes et une absence de salariés déclarés ;

3. La domiciliation de la société chez un prestataire de services et l’absence de locaux dédiés à la formation (ou de dépenses liées) ;

4. L’explosion du chiffre d’affaires sur une courte période, résultant exclusivement ou principalement de virements émis par la CDC au titre du CPF ;

5. Les transferts de fonds rapides maintenant un solde du compte proche de zéro »[9].

La question reste de savoir pourquoi ces précautions logiques n’ont pas été mise en œuvre dès l’origine du dispositif CPF et qui doit en assumer la responsabilité.

[1] TRACFIN, Rapport d’activité et d’analyse, année 2020, pp. 44-46.

[2] « En effet, le CPF était consultable et mobilisable en associant simplement le numéro de sécurité sociale et le mot de passe saisi lors de l’inscription. Les mécanismes de fraude mis au jour impliquaient l’organisation de formations fictives avec usurpation de l’identité des bénéficiaires du CPF ou avec leur éventuelle complicité, permettant ainsi d’obtenir le déblocage des fonds. Ces derniers étaient ensuite rapidement transférés vers des comptes tiers, domiciliés en France ou à l’étranger, ou retirés en espèces. Ils pouvaient également servir à acquérir des biens de consommation (type matériels électroniques et informatiques, téléphonie, etc.) qui étaient soit distribués, soit revendus contre des espèces. » TRACFIN.

[3] Rapport Trafin – « Fraude au compte personnel de formation (CPF) : une aggravation du phénomène qui a évolué au gré du renforcement du dispositif » – https://www.economie.gouv.fr/files/2022-07/Tracfin_2021_Web.pdf?v=1658933771

[4] France Connect est un système d’identification et d’authentification qui repose sur des fournisseurs d’identité numérique et offre un accès universel aux administrations en ligne.

[5] « Le nombre de déclarations de soupçon liées à une potentielle fraude au CPF a été multiplié par plus de 11. » TRACFIN.

[6] « Cette hausse démontre la vigilance accrue portée par les professionnels assujettis et résulte notamment des actions de sensibilisation menées par le Service avec la communication d’une fiche signalétique auprès des déclarants. En parallèle, TRACFIN a poursuivi sa collaboration avec la CDC afin d’endiguer le phénomène grâce à l’échange d’informations opérationnelles relatives à des organismes compromis. » TRACFIN.

[7] « Le Service constate une recrudescence des cas de fraude au CPF en 2021 : le nombre de notes transmises à l’autorité judiciaire en 2021 a été multiplié par trois par rapport à 2020 (15 en 2021 contre 5 en 2020) et le montant total des enjeux financiers a été multiplié par plus de cinq, passant de 7,8 M€ à 43,2 M€. » TRACFIN.

Enjeu financier moyen en 2020 et 2021.

[8] 5 en 2020 et 5 en 2021.

[9] Une attention particulière doit également être portée sur les flux débiteurs lorsque ceux-ci sont sans lien avec l’activité de formation (virements vers des sociétés tierces sans cohérence d’activité, vers des comptes étrangers ouverts auprès de néobanques) ; exclusivement ou principalement au bénéfice du dirigeant, des associés ou de leur entourage familial ; émis au bénéfice de centres d’appel ou call-centers (en France ou à l’étranger) ; ou bien servent à acheter des biens de consommation sans lien avec l’activité ou, si le lien est envisageable, dans des proportions excédant les besoins attendus au regard de la connaissance du client ; ne font apparaître aucun versement de rémunération, qu’il s’agisse de salaires ou de prestations externalisées.