UNE ANALYSE CRITIQUE DE LA LOI DE 2018 SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE VIENT D’ÊTRE PUBLIÉE
La Cour des Comptes vient de publier un rapport sur la mise en œuvre de la loi du 5 septembre de 2018 pour « la liberté de choisir son avenir professionnel »[1].
Il comporte une analyse critique (apprentissage, CPF, etc.) et des recommandations pour soutenir l’amélioration de la formation professionnelle des salariés.
L’enjeu est important compte tenu du budget concerné : 17,5 Md€ en 2020 [2].
Sans entrer dans le détail, assez complexe, les critiques de la Cour des Comptes sont les suivantes :
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La simplification et la mise en cohérence du cadre de la formation professionnelle a été contrarié par la crise sanitaire
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Le développement de l’accès à la formation professionnelle a progressé mais « au prix de dérives ».
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La qualité de l’offre de formation nécessite un renforcement des exigences
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L’absence de soutenabilité financière reste « un problème majeur non résolu ». « La loi du 5 septembre 2018 ne s’est fondée sur aucune prévision sérieuse de sa soutenabilité financière. » précise le rapport de la CDC[3].
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Le pilotage stratégique de la formation professionnelle a marqué les limites de la réforme de 2018.
DES RECOMMANDATIONS DE 2022 SONT RESTÉS EN SUSPENS
Ces recommandations du rapport de la Cour des Comptes viennent compléter les recommandations déjà émises en 2022 « à l’issue de l’enquête sur la formation en alternance et du contrôle de France compétences pour contribuer à atteindre l’équilibre financier du système d’alternance et de formation ».
Les principales recommandations déjà formulées restent à mettre en œuvre :
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« Inscrire dans la prochaine convention d’objectifs et de performance (2023-2025) de France compétences une trajectoire financière pluriannuelle soutenable, assortie des principaux leviers pour y parvenir en dépenses et en recettes ;
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Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante ;
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Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants;
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Recentrer les financements au titre du compte personnel de formation sur les formations les plus qualifiantes pour répondre à l’objectif initial du dispositif ».
LA CAISSE FORMULE DE NOMBREUSES RECOMMANDATIONS POUR 2023
Les recommandations du rapport CC 2023 éclairent mieux encore la situation les faiblesses de la situation actuelle de la politique de formation professionnelle.
Elles concernant à la fois la gestion et la politique publique, c’est à dire la gestion des dispositifs, la qualité de l’offre de formation, la gouvernance et les moyens financiers.
Selon les cas, ces recommandations 2023 concernent le ministère du Travail, les opérateurs de compétences (OPCO), France compétences et/ou la Caisse des Dépôts et Consignations.
Le rôle des OPCO devrait être relancé. Il s’agit de !
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« Développer au sein des opérateurs de compétences les actions communes à tout ou partie des branches professionnelles adhérentes ainsi que la mutualisation des moyens,
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Encadrer les frais de gestion des opérateurs de compétences dans les conventions d’objectifs et de moyens pour la période 2023-2025 sur la base d’objectifs négociés plus exigeants portant sur les moyens de fonctionnement, l’exercice des missions et la maîtrise des risques » et
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Prendre à termes d’autres attributions[4].
La CC recommande de remettre les partenaires sociaux dans la boucle :
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« Mieux associer les partenaires sociaux à la définition d’objectifs stratégiques nationaux en matière de formation professionnelle et adapter le cadre institutionnel à cet effet
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Assurer la participation des partenaires sociaux à la définition des orientations concernant les dispositifs gérés par la Caisse des dépôts et consignations »,
en conservant « au niveau national un pilotage stratégique de la transition professionnelle » et sa déclinaison territoriale.
Le ministère du Travail devrait :
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« Unifier la gestion financière du compte personnel de formation (CPF) et du CPF de transition professionnelle »,
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« Présenter régulièrement la dépense de formation des entreprises, globalement et par taille, en particulier celle de 50 à 299 salariés, dans l’annexe au projet de loi de finances sur la formation professionnelle ».
La lutte contre les fraudes est confiée au ministère du Travail. Il s’agit de :
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De « mieux prendre en compte la lutte contre la fraude dans la certification et le contrôle qualité en renforçant, de manière formalisée, les exigences vis-à-vis du Cofrac, des organismes certificateurs et des financeurs institutionnels ; en tirer un bilan d’ensemble en 2024 »
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D’arrêter en 2023 « un plan de lutte contre les fraudes à la formation professionnelle ciblant particulièrement la certification Qualiopi et le compte personnel de formation, et comportant des indicateurs et des échéances ».
France compétences devrait bénéficier d’une « dotation pérenne de l’État » « affectée au financement de l’apprentissage afin de redonner des marges de manœuvre à son conseil d’administration pour financer des priorités cohérentes avec la transformation des métiers ».
France Compétences devrait pouvoir assurer la qualité des formations.
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En faisant « converger les critères à prendre en compte pour l’enregistrement des certifications professionnelles aux répertoires nationaux, quel que soit le certificateur, et harmoniser d’ici 2030 les procédures d’enregistrement elles-mêmes afin que toutes les certifications, quel que soit le certificateur, soient examinées par la commission de la certification professionnelle de France compétences » et
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En assurant « la mise en cohérence des blocs de compétences entre certifications pour faciliter le passage d’une certification à une autre ».
[1] « La formation professionnelle des salariés » – Cour ses comptes – 30/06/2023
[2] « Les dépenses de formation des salariés du secteur privé ont représenté 17,5 Md€ en 2020 en France métropolitaine. Cette-année-là, 40% des salariés ont eu accès à une formation (20% seulement dans les entreprises de moins de 50 salariés). Ces dépenses comprennent les dépenses directement exposées par les entreprises (11,9 Md€) et les dépenses dites « intermédiées » (6,5 Md€), dont il faut retrancher 0,9 Md€ de remboursements et aides perçues par les entreprises. »
[3] « Ce déséquilibre entre recettes et dépenses se traduit par des déficits dans les comptes de France compétences. En 2022, les ressources de ce dernier, issues des contributions versées par les entreprises, ont à peine suffi à couvrir les dépenses liées aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation, privant les autres postes de dépenses consacrés à la formation professionnelle de financement pérenne. Le coût du CPF s’est en revanche situé en-deçà des prévisions en raison d’une chute du nombre de dossiers fin 2022. »
[4] « Organiser le rapprochement opérationnel des réseaux territoriaux des opérateurs de compétences et des associations Transitions professionnelles et prévoir, à terme, le transfert des attributions de ces dernières aux Opco en conservant le principe de l’examen des projets de transition professionnelle par une commissions paritaire régionale. »
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