Le décret en préparation au ministère du Travail sur l’assurance-chômage prévoit des mesures de réduction de l’indemnisation (dont le détail est en attente) et une modulation du taux des cotisations patronales d’assurance-chômage visant à inciter la diminution des contrats courts.
Le contenu de ce projet de décret de carence (pris par le ministère du Travail en l’absence d’un accord des partenaires sociaux) doit être connu d’ici la fin du mois de mai, pour prendre effet au 1er juillet 2024.
Au niveau politique, la généralisation du bonus-malus, imposée aux entreprises, viserait à contrebalancer, sur le plan symbolique, la réduction de l’indemnisation des demandeurs d’emploi ; même si les deux mesures sont loin d’avoir le même poids financier au final !
GÉNÉRALISATION DU DISPOSITIF DE BONUS-MALUS DES COTISATIONS D’ASSURANCE-CHÔMAGE
Le ministère du Travail envisage de généraliser à tous les secteurs économiques la modulation du taux de cotisations d’assurance-chômage (de 3% à 5,05%) en fonction de la fréquence des contrats courts[1].
Cette mesure est destinée à inciter les entreprises à réduire la proportion des contrats de courte durée (et très courte durée).
La modulation de la cotisation versée par l’employeur dépend du nombre de fins de contrats de travail rapporté à l’effectif total de l’entreprise, en comparant ce chiffre à celui des concurrentes dans un même secteur.
Cette comparaison, selon le contour du secteur, est sujet à débat.
Actuellement, le bonus-malus s’applique, depuis le 1er septembre 2022 :
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Aux entreprises de plus de onze salariés (donc pas aux TPE) ;
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Dans sept secteurs d’activité précis[2],qui regroupent 30 000 entreprises employant environ 2 millions de salariés.
Reste à connaitre les termes de cette généralisation (montant, calendrier, etc.) pour estimer l’impact financier sur certaines entreprises et les conséquences qui en découleront sur les offres d’emplois.
RÉPONSES DES ENTREPRISES CONCERNÉES
Des entreprises absorbent le coût supplémentaire et le répercute.
Pour ne pas être sanctionnées au niveau salarial, des entreprises font évoluer leurs pratiques, elles peuvent :
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S’organiser en interne et/ou réduire certaines activités,
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Avoir recourt à des petites entreprises prestataires (TPE) non concernées par la mesure,
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Mobiliser des CDI intérimaire ou à des groupements d’employeurs. Mais les chiffres prouvent que ces deux solutions apparaissent rarement disponibles.
CERTAINES BRANCHES PROFESSIONNELLES CRITIQUENT CE DISPOSITIF.
Les organisations patronales et, en particulier, certaines branches professionnelles, sont opposées à l’extension du dispositif de modulation de cette cotisation (bonus-malus) sur les contrats courts.
Ces fortes oppositions expliquent que des branches professionnelles, comme en particulier le Bâtiment, n’aient pas été retenues dans le dispositif initial de modulation en 2022.
Le décret de carence du ministère du Travail, qui doit être opérationnel à fin juin 2024, pourrait généraliser à tous les secteurs d’activité la modulation de cette cotisation, hors TPE.
De plus, dans l’accord de 2023 signé par les partenaires sociaux, les organisations patronales avaient obtenu la suppression de la contribution exceptionnelle de 0,05% appliquée à la cotisation chômage des employeurs[3].
Cette suppression était destinée à compenser la hausse nécessaire de la cotisation AGS de garantie des salaires, souhaitée par les organisations syndicales attachées aux AGS.
Cette mesure ne devrait pas figurer dans le décret de carence par mesure d’économie !
PAS D’ÉVALUATION SÉRIEUSE DE L’IMPACT DU DISPOSITIF
On ne dispose pas encore d’une évaluation sérieuse quant aux effets de cette modulation de la cotisation sur les pratiques des entreprises et sur les emplois (nombre et nature des contrats).
Même si le bilan provisoire du ministère juge que la modulation aurait contribué à réduire la rotation de la main-d’œuvre « dans les entreprises les plus utilisatrices de contrats courts ».
Cette appréciation ne tient pas assez compte du poids de la modification des règles d’assurance chômage qui ont conduit à :
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Une réduction du nombre des candidats prêt à accepter des contrats courts et
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Des métiers devenus de ce fait « en tension », par exemple dans l’hôtellerie-restauration.
Une analyse détaillée prenant en compte tous les paramètres est attendue.
[1] Le taux de séparation est comparé au taux médian du secteur de l’entreprise pour aboutir à un taux de cotisation chômage inférieur à sa valeur actuelle de 4,05% (il y a alors bonus), égal (statu quo), ou supérieur (malus), dans une fourchette de 3% à 5,05%.
[2] Les sept secteurs concernés par le bonus-malus : Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ; Travail du bois, industries du papier et imprimerie ; Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques ; Production et distribution d’eau, assainissement, gestion des déchets et dépollution ; Transports et entreposage ; Hébergement et restauration ; Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques.
[3] Initialement elle a été mise en place en mars 2017, pour trois ans. Sa disparition aurait représenté un manque à gagner pour l’Unédic, de 340, 380, 390 et 400 millions d’euros respectivement sur les années 2024 à 2027, selon les calculs entérinés par les partenaires sociaux. Soit 1,5 milliard en tout.
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