LES NÉGOCIATIONS SUR L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL (ANI) CONCERNANT L’ENCADREMENT PIÉTINENT.
Les partenaires sociaux devaient élaborer un texte de synthèse sur l’encadrement, ils y travaillent depuis décembre 2017[1]. La dernière réunion, le 17 janvier 2020, ne semble pas avoir permis d’avancer en particulier sur la « définition de l’encadrement[2] ».
Le dernier texte présenté par le Medef n’aborderait pas « la problématique de la prévoyance des cadres et assimilés sur les modalités de la pérennisation et d’une éventuelle modernisation du dispositif suite à la fusion de l’Agirc-Arrco effective depuis un an »[3]. Le Medef défendrait l’idée que ce sujet doit être traité au niveau des branches professionnelles[4]. Cela pose la question même de l’avenir d’une négociation à caractère interprofessionnel !
La conclusion d’un nouvel Accord national interprofessionnel (ANI) « définissant, valorisant et motivant les salariés de l’encadrement dans l’intérêt des entreprises et de tous les salariés », semble bien en suspens. L’ensemble des organisations syndicales de salariés paraissent attaché de poursuivre les discussions en vue d’aboutir à ANI. Deux nouvelles séances de négociation entre partenaires sociaux devraient avoir lieu les 5 et 28 février 2020.
L’un des enjeux de cette négociation, parmi d’autres[5], est de pérenniser le financement de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec).
POUR 2020, LA COTISATION APEC, QUI EN ASSURE LE FINANCEMENT, EST MAINTENUE.
L’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 17 novembre 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire est appliqué depuis le 1er janvier 2019[6].
Dans l’immédiat, une circulaire AGIRC-ARRCO a confirmé le taux de cotisation APEC en 2019, puis pour 2020[7]. Or c’est cette cotisation qui assure l’essentiel des ressources de l’APEC. Le montant de la cotisation APEC pour 2020 est inchangé. Il s’élève de 0,06%, dont un taux employeur de 0,036% et un taux salarié de 0,024%[8].
L’APEC N’EST D’AILLEURS PAS DIRECTEMENT MISE EN CAUSE.
L’Apec n’est aucunement mis en cause, dans le débat implicite qui est en cours[9].
En 2011, l’Apec a redéfini ses missions, et son modèle économique, pour ne pas risquer de se trouver en concurrence avec des acteurs privés de l’emploi, appartenant au secteur marchand[10]. Les partenaires sociaux ont signé un accord national interprofessionnel (ANI) et un mandat de service public avec le ministère du Travail concernant les missions[11] pouvant être financées par la cotisation obligatoire. Ce mandat, renouvelable tous les 5 ans, l’a été en 2016 pour la période 2017-2021[12].
Récemment encore, l’Apec a été reconnue comme un des acteurs nationaux habilités à assurer un service de Conseil en évolution professionnelle (CEP), dans le cadre de la loi « avenir professionnel » de 2018.
MAIS DES INCERTITUDES SUR L’AVENIR DU FINANCEMENT DE L’APEC PROVIENNENT DE L’ÉVOLUTION DU CONTEXTE EXTÉRIEUR, DONT LA PRISE DE CONTRÔLE DE L’AGIRC-ARCO DANS LA LOI RETRAITE.
Au moins quatre raisons alimentent l’inquiétude sur l’avenir de l’Apec.
- Le régime complémentaire de retraite AGIRC, dont les cotisants de droit étaient également ceux cotisants à l’APEC, a pris fin en 2018. Ce sujet est l’un des objets de la négociation en suspens.
- La volonté apparente du gouvernement comme du Medef est de s’éloigner d’une gestion paritaire, qui fonctionne bien à l’Apec[13].
- Le projet de loi « retraite » prévoit que le gouvernement prenne le contrôle des régimes complémentaires obligatoires, dont l’AGIRC-ARRCO, au détriment des partenaires sociaux ou des organisations professionnelles[14], dès 2022 (article 2 du projet de loi étendant le champ de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS)).
- Les « Ordonnances Macron » de 2017 privilégient l’accord collectif d’entreprise pour traiter des questions d’emploi. Donc un accord de niveau supérieur national ne s’impose plus qu’en l’absence d’accord d’entreprise !
Par conséquent, la CFE-CGC analyse ainsi la situation :
« L’objet de l’APEC concernant l’emploi, la force d’un accord national interprofessionnel fixant une cotisation obligatoire est affaiblie, car un accord collectif d’entreprise peut décider de s’en affranchir. Cette situation menace les ressources financières de l’APEC et les destinataires de ses missions. »
LA PERSPECTIVE D’UNE ABSORPTION DE L’APEC AU SEIN DE POLE EMPLOI RESURGIT.
L’éventualité d’une disparition de financement de l’Apec fait resurgir le fantasme d’une absorption de l’Apec au sein de Pôle emploi si elle venait à perdre son financement. Il est vrai que cette piste a été abordée un moment, lors de la fusion entre ANPE et l’Unédic, avant d’être écartée.
Ce contexte explique le risque de voir se profiler un « rapprochement très étroit » entre l’Apec et Pôle emploi…
Le paradoxe repose sans doute sur le fait que les responsables de Pôle emploi ne sont pas vraiment demandeurs d’une telle opération, en raison de l’écart qui existe entre les deux structures : différences de culture, de types d’activités, de statuts et salaires des salariés (80% de cadres à l’Apec), etc.
[1] Extension ANI 12 juillet 2017 – Arrêté du 31 juillet 2012 portant extension de l’accord national interprofessionnel relatif à l’Association pour l’emploi des cadres
[2] Il s’agirait de redéfinir des critères caractérisant les populations de l’encadrement et d’actualiser des dispositions spécifiques qui leur sont applicables, non revu depuis l’accord de 1983.
[3] CFE-CGC – 22/01/2020
[4] « Les employeurs privés, d’une seule voix – celle du nouveau président du MEDEF -, se lamentent de la difficulté à attirer les jeunes sur les fonctions cadre des entreprises et, « en même temps », font piétiner la négociation interprofessionnelle sur les cadres. Cette dernière est une opportunité de refonder le contrat social élaboré par des accords successifs en 1947, en 1966 puis en 1983. » Laurent Mahieu, Secrétaire général de la CFDT Cadres – 12/09/2018
[5] Par exemple, la CFE-CGC vise pour la suite de la négociation de clarifier la définition de ce qu’est un cadre et un membre de l’encadrement ; réaffirmer le besoin d’un tronc commun interprofessionnel ; considérer les implications pour les salariés de l’encadrement des nouvelles dispositions induites par la loi Pacte ; valoriser les notions d’éthique professionnelle et permettre à l’encadrement de retrouver une capacité à bien faire son travail ; sécuriser la base des cotisants à l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) et prévoir la possibilité d’élaborer un guide d’application de l’accord dédié aux branches professionnelles.
[6] Les missions de service public de l’Apec sont financées par une cotisation obligatoire due pour chaque salarié inscrit au titre des article 4 et 4 bis du régime de retraite et de prévoyance des cadres institué par la convention collective nationale du 14 mars 1947 (ANI du 12 juillet 2011). Cette cotisation est recouvrée par les institutions de retraite complémentaires des cadres en même temps que les cotisations de retraite. Elle se calcule sur le salaire brut limité à 4 fois le plafond de la sécurité sociale.
[7] Références : Circulaire AGIRC-ARRCO n° 2019-16-DRJ du 12/12/2019
[8] Référence : Protocole Agirc-Apec.
[9] « Avec ses 900 salariés et ses 47 centres sur le territoire national, l’Apec intervient auprès de 40 0000 entreprises clientes – TPE/PME et grands groupes – sur l’optimisation du recrutement, la rédaction d’offres d’emploi (60 000 offres quotidiennes sur le site www.apec.fr) et la gestion des compétences internes des collaborateurs. »
[10] Les activités de recrutement, de reconversion, de placement et de formation des demandeurs d’emploi sont considérées comme un marché concurrentiel au sein de l’Union européenne.
[11] Conseils, collectes d’offres d’emploi et études de l’emploi des cadres.
[12] La réunion de suivi entre l’Apec et le ministère du Travail, en juin 2019, aurait confirmé le respect des objectifs et la qualité des prestations délivrées sur la période 2017-2019.
[13] Le conseil d’administration de l’Apec du 18 décembre 2019 a élu Christine Lê (CFE-CGC) à la présidence de l’Apec pour deux ans, dans le cadre de l’alternance patronat-syndicats. Laurent Da Silva (MEDEF) a été désigné vice-président au titre du collège des employeurs.
[14] Exposé des motifs du PJL « Retraite » : Article 2 : Le système universel de retraite couvre l’ensemble des personnes travaillant en France, sans exception, et se substitue ainsi aux 42 régimes de retraite actuellement existants (régimes de base et régimes complémentaires obligatoires).
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