DES CONTRATS D’APPRENTISSAGE 2019-2020 SE TERMINENT DANS UN CERTAIN DÉSORDRE.
La saison 2019-2020 des contrats d’apprentissage se termine en désordre en raison du confinement de 8 semaines qui a généralement entrainé, d’une part, une suspension de la période en entreprise et, d’autre part, une version chaotique de la formation délivrée à distance. Pendant le confinement, les apprentis ont eu du mal à entrer en contact avec les entreprises.
La validation de l’année et l’obtention du diplôme interviendront, au mieux, avec un certain retard pour cette année.
Il apparait probable que le taux d’abandon sera plus élevé qu’à l’accoutumée. On ne pourra le mesurer qu’en fin d’année. Il est donc encore trop tôt pour juger des résultats d’une année marquée par une hausse significative du nombre des inscriptions en apprentissage (+16%[1]).
Comme chaque année au printemps, l’enjeu porte sur le niveau des inscriptions en apprentissage pour l’année 2020-2021.
POUR LA RENTRÉE 2020, DES DIRECTEURS DE CFA S’INQUIÈTENT DE LA BAISSE DES ENTRÉES EN APPRENTISSAGE ET FORMULENT DES PROPOSITIONS.
La FNADIR, Fédération Nationale des Associations Régionales de DIRecteurs de Centres de Formation d’Apprentis[2], estime qu’il existe un risque de diminution brutale des effectifs d’apprentis, faute d’offres de la part des employeurs habituels.
Certains directeurs craignent une baisse de 20 à 40% du nombre d’apprentis dans les CFA et l’apparition d’une crise durable jusqu’en 2021.
La signature du contrat d’apprentissage en entreprise conditionne la scolarité.
Les chefs d’entreprises, ou les services des ressources humaines, sont davantage préoccupés par les contraintes sanitaires, le retour des salariés en chômage partiel, etc. que par les recrutements, en général, et celui des apprentis, en particulier, sauf exceptions.
La situation devrait se décanter d’ici au mois de septembre ou d’octobre, et la signature de contrats d’apprentissage dépendra de la situation de chaque entreprise au quatrième trimestre.
LA BAISSE DU NOMBRE DES INSCRITS EST UNE MENACE ÉCONOMIQUE DIRECTE POUR LES CFA EXISTANTS.
Cette évolution mettrait en cause des CFA compte tenu de leur passage à un financement « coût-contrat ». Le financement dépend désormais du nombre des apprentis inscrits et plus d’une subvention régionale comme jusqu’à l’année dernière.
Les directeurs de CFA souhaitent une amélioration de la relation entre établissements de formation et Opco financeurs. Les directeurs de CFA se plaignent des retards de versement de la part de certains opérateurs de compétences (Opco). Ils attendent avec inquiétude le versement au mois de mois de juin le second et dernier versement de l’année[3].
Ils formulent plusieurs autres revendications comme le retour des aides à l’embauche d’apprentis avec exonération de cotisations pour les premières années, l’augmentation de leur rémunération durant leur cursus en décorrélant âge et niveau de qualification, l’aide à l’acquisition de matériel informatique pour l’enseignement à distance, etc.
Enfin, ils demandent :
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La définition d’un coût-contrat unique, quelle que soit la branche en fonction du niveau de qualification visé[4], et
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L’augmentation des niveaux de prise en charge pour les contrats d’apprentissage menant à des métiers en tension afin d’y attirer les jeunes et les publics en reconversion professionnelle.
Il est vrai que le très long tableau des couts par contrat par métier et diplôme, qui a été finalisé, comprend une diversité de montants des cout-contrat qui ne peut qu’apparaitre surprenante. Elle débouche sur un casse-tête en termes de gestion.
LES CFA VONT CONNAITRE LA CONCURRENCE MONTANTE DES CFA D’ENTREPRISE
Une soixantaine d’entreprises se seraient engagées à créer leur propre centre de formation d’apprentis (CFA) dans le cadre de la loi de 2018, sans contrôle sur simple déclaration en 2020.
Une concurrence, plus ou moins directe selon les métiers, des « CFA d’entreprise » avec les CFA traditionnels va voir le jour dès la rentrée 2020.
Par exemple, on peut citer un CFA interentreprises, « le CFA des Chefs ». Il a été créé par Adecco, Accor, AccorInvest, Korian et Sodexo. Il préparera à des diplômes de cuisinier en alternance (CAP, etc.). Il vise un effectif de 500 jeunes en 2020. Il sera en concurrence avec les CFA existants préparant ces diplômes.
En dehors de métiers peu couverts par l’apprentissage jusqu’à présent (cas peu fréquents), il va surtout se produire un transfert de public des uns aux autres. Les campagnes de promotion des CFA d’entreprises peuvent éventuellement toucher un nouveau public.
Le développement de ces CFA a été freiné par la crise sanitaire, parfois même reporté, mais leur offre de formation en apprentissage émerge clairement.
LE MEDEF PARTAGE CETTE INQUIÉTUDE SUR L’APPRENTISSAGE ET PROPOSE UNE MESURE CHOC.
Côté patronal, le Medef considère que l’incertitude sur le calendrier de la reprise d’activité pourrait inciter des entreprises à reporter ou geler leurs recrutements d’apprentis pour la rentrée 2020[5]. Pour beaucoup d’entreprise la visibilité est encore très faible à début juin 2020.
Le Medef et une association de grandes entreprises[6] appellent donc à une mesure d’urgence pour dynamiser l’apprentissage.
Ils demandent tout simplement la mise en place d’une aide unique de 10 000 euros pour toutes les entreprises qui recrutent un apprenti avant le 31 décembre 2020, quels que soient la taille de l’entreprise (artisans, TPE, PME, ETI et grandes entreprises) et le niveau de diplôme préparé par l’apprenti.
Cette mesure aurait un cout de 3 à 4 milliards d’euros !
Elle revient à proposer à un employeur un « apprenti presque gratuit », ce qui peut poser une question de principe.
Le Medef précise, accessoirement, que cette mesure permettrait aux CFA territoriaux d’avoir un volume de formation « assurant leur pérennité ».
Il reprend, par ailleurs, ses autres propositions pour continuer à développer l’apprentissage, dans un second temps.
LA MINISTRE DU TRAVAIL DEVRAIT RAPIDEMENT PRÉSENTER UN PLAN DE RELANCE DE L’APPRENTISSAGE, RESTE A EN CONNAITRE LE CONTENU !
Il faut néanmoins remarquer la relance de l’apprentissage ne peut être qu’un chapitre du plan de relance global annoncé qui visera à « favoriser le rebond de l’économie, la relance, et engager tous les moyens pour aider les entreprises à repartir » pour permettre d’embaucher à nouveau.
Difficile de prendre des mesures concernant l’apprentissage sans connaitre les perspectives d’activité, les mesures de sauvegarde de l’emploi, etc. en dehors de cas particuliers.
[1] En 2019, 368 000 nouveaux contrats d’apprentissage avaient été signés, soit 16% de plus que l’année précédente.
[2] Créée en 1985, la FNADIR est un Réseau national de 560 directeurs/trices de CFA qui forment plus de 300 000 apprentis à tous les métiers, de tous niveaux, sur tout le territoire. La force de ce réseau est de combiner une dimension territoriale (avec des ARDIR, Associations Régionales de DIRecteur de CFA dans chaque région) et une organisation nationale (la FNADIR).
[3] Ils demandent aux Opco de garantir l’intégralité des paiements convenus « au contrat », dès lors que celui-ci a été exécuté dans sa globalité, ainsi que le respect des délais de paiement.
[4] Cette demande concerne également l’apprentissage dans la fonction publique dont les coûts-contrats fixés par France Compétences sont encore jugés trop éclatés selon les diplômes visés.
[5] Communiqué du Medef – https://www.medef.com/fr/communique-de-presse/article/le-medef-et-le-collectif-pour-une-economie-plus-inclusive-proposent-un-plan-choc-de-soutien-a-lapprentissage
[6] Créé le 18 décembre 2018, le « Collectif pour une économie plus inclusive en France » est une initiative volontaire et spontanée qui réunit les entreprises désireuses de mettre leur puissance économique au service du progrès social et sociétal.
Ce Collectif regroupe : Accenture France & Benelux, Accor, Groupe Adecco, Groupe ADP, AG2R La Mondiale, Axa, BNP Paribas, Groupe BPCE, Carrefour, groupe Casino, Covea, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Crédit Agricole, Groupama, Groupe CRIT, Danone, EDF, Elsan, Engie, International SOS, Kering, Korian, L’Oréal, ManpowerGroup France, Microsoft France, Orange, Groupe Renault, Rexel, Schneider Electric, Sodexo, Sonepar, Suez, Système U, Veolia et Vinci.
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