Le ministre de l’Économie a pu déclarer que « la réindustrialisation est prioritaire, la relocalisation est prioritaire ». Le président de la République :
« Nous devons relocaliser et recréer des forces de production sur nos territoires. La souveraineté sanitaire et industrielle sera l’un des piliers du plan de relance. » – Emmanuel Macron.
Mais les résultats en termes d’emplois ne sont pas assurés selon le secteur professionnel :
« Les relocalisations n’ont pas contribué de manière importante à la création d’emplois industriels. » (…) « Les quelques relocalisations plausibles concernent des activités qui sont automatisables et créent donc peu d’emplois directs. » [1]
Certes, une étude récente[2] affirme qu’il existe un potentiel d’emplois : « la relocalisation de seulement 20% de ces importations permettrait déjà de créer plus de 75 000 emplois directs et 220 000 emplois indirects ».
Mais les moyens pour y parvenir semblent faire défaut et le volontarisme manque également[3]. Le discours du gouvernement sur son souhait de relocalisations n’apparait pas convaincant. Les créations d’emploi annoncées ne seront pas au rendez-vous. Tout se mélange dans l’argumentaire : relance verte, maitrise des approvisionnements, emplois, etc. Par exemple, la secrétaire d’État à l’industrie, déclare que :
« Le plan France Relance vise à bâtir une France indépendante, qui maîtrise son empreinte environnementale sur les territoires »[4].
Il s’agit d’un discours politique à vocation pré-électorale avec trois mots clés de communication à destination de l’opinion : « indépendance », « environnement » et « territoires ». L’intention est peut-être présente, mais les moyens budgétaires ne seront pas au rendez-vous avec juste 1 Md€ destiné à contribuer à la fois aux créations d’unités nouvelles et à la modernisation de l’existant.
LA LOCALISATION D’ACTIVITÉ NOUVELLE SEMBLE ÊTRE UNE PRIORITÉ
La priorité semble être de se doter de capacités de production nouvelles en France, et en Europe, sur des marchés émergents ou en transformation[5].
Il s’agirait donc davantage de réussir la « localisation » de nouvelles activités industrielles que de relocaliser de productions délocalisées ces dernières décennies.
L’étude identifie en effet « 58 catégories de produits comme les plus propices et les plus prioritaires pour des relocalisations.
- Pour 20 d’entre elles, qui correspondent à des marchés émergents ou en transformation, il s’agit davantage de se doter de capacités de production nouvelles en France et en Europe que de relocaliser une production mature et délocalisée par le passé.
- Pour les 38 autres catégories prioritaires, il s’agit de rapatrier la production sur des marchés matures. Le montant des importations concernées est d’environ 115 milliards d’euros. Si la production de 20% de ces 115 milliards d’euros de produits importés devait être relocalisée en France, elle permettrait de créer environ 75 000 emplois directs et 220 000 emplois indirects. »
Comme le fait remarquer l’un des auteurs de cette étude :
« La meilleure relocalisation est d’abord de ne pas délocaliser une production.[6] »
PEU D’INDUSTRIELS FRANÇAIS SEMBLENT PRÊTS A RELOCALISER UNE PARTIE DE LEUR PRODUCTION.
Seuls 4% des responsables des entreprises industrielles se déclare prête à rapatrier une partie de leur production en France[7].
Des projets ont été présentés et vont être soutenus financièrement, avec une enveloppe de 140 millions d’euros[8], pour ramener sur le sol français les lignes de production parties à l’étranger. Tous les projets de relocalisations sont ciblés cinq secteurs d’avenir[9] :
- L’agroalimentaire (diversification des approvisionnements, création de capacités de production),
- La santé,
- L’électronique,
- Les intrants critiques pour l’industrie comme les matières chimiques (produits en amont), les principes actifs pour les médicaments,
- L’industrie du mobile, des applications industrielles de la 5G, des objets connectés.
IL NE FAUT PAS NOURRIR D’ESPOIRS EXAGÉRÉS.
Des décisions de relocalisation industrielle en Europe peuvent être prises par des entreprises, mais il ne faut pas nourrir d’espoirs exagérés, car les règles du jeu ne sont pas très favorables.
L’attractivité de la France apparait faible en raison des coûts globaux de production. Le niveau des prélèvements obligatoires sur les industries est supérieur à ceux de nos voisins. Certains experts défendent la nécessité une nouvelle politique fiscale comme indispensable nécessaire pour conserver une industrie et une certaine souveraineté industrielle. Reste au gouvernement la possibilité d’intervenir pour accueillir les industries qui se relocalisent, dans le contexte d’une concurrence accrue entre pays européens. Car sans une politique dynamique en ce sens, les relocalisations risquent de bénéficier davantage à certains de nos voisins européens qu’à la France.
[1] « Relocaliser ne suffira pas à réindustrialiser le pays. » – La Fabrique de l’industrie – 10 septembre 2020.
[2] Le cabinet de conseil et d’audit PwC France et Maghreb (PwC) et le Conseil National des Achats (CNA) ont dévoilé les premiers résultats de leur étude sur la relocalisation des achats stratégiques. 9 juillet 2020. https://www.pwc.fr/fr/espace-presse/communiques-de-presse/2020/juillet/etude-sur-la-relocalisation-des-achats-strategiques.html
[3] Par exemple : « Sur le secteur des batteries, la compétence est présente en France et en Europe, tout le défi est de collaborer. Il y a également un potentiel sur la santé et l’innovation : nous avons les compétences. » Isabelle Carradine, associée chez PwC France et Maghreb
[4] « Mais il est important de pouvoir maîtriser des éléments critiques sur certaines chaînes de valeur stratégiques. »
[5] « Il s’agit, à titre d’exemple, des anticorps monoclonaux dans la santé, des emballages en mono-matériaux recyclables dans l’agroalimentaire, des cellules de batterie lithium-ion dans l’électronique ou encore des services d’usinage de métaux avec fabrication additive dans l’industrie manufacturière. »
[6] Olivier Lluansi, associé au sein de PwC France et Maghreb.
[7] Cinquième baromètre de la compétitivité franco-allemande Randstad/Opinionway.
[8] 600 millions d’euros d’aides ont été prévus par le gouvernement dans le plan de relance sur cet objectif.
« Grâce aux aides que nous avons mises en place, nous allons pouvoir dégager 2 milliards d’euros d’investissement industriels nouveau en France qui vont concerner 500 entreprises et qui vont permettre de relocaliser des activités dans notre pays avec les emplois et les technologies qui vont avec » – Le ministre de l’Économie.
[9] « Si vous avez un projet de relocalisation, si vous êtes capable de réinternaliser une partie de l’activité de vos sous-traitants étrangers dans votre usine (…) alors vous pouvez déposer un dossier un projet dès lors qu’il est dans ces cinq secteurs. Nous avons diffusé le cahier des charges au mois d’août pour permettre aux entreprises de se préparer » – la secrétaire d’État à l’industrie.
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