La gouvernance et le financement de l’assurance-chômage posent de graves questions. Des mesures nouvelles et rapides semblent s’imposer pour sortir de l’impasse actuelle où se trouve engagé le régime ; C’est-à-dire une nouvelle politique pour le prochain quinquennat.
UNE NOUVELLE POLITIQUE POUR LA SURVIE DE L’ASSURANCE CHÔMAGE
Dans son rapport annuel 2021[1], la Cour des comptes vient de formuler des « recommandations » aux ministères chargés du Travail et des Comptes publics et à l’Unédic concernant l’assurance chômage, sous le titre :
« L’assurance chômage face à la crise sanitaire : un déficit historique, une trajectoire financière à définir. ».
Ces recommandations sont en phase avec les opinions que j’ai pu exprimer, depuis des mois, sur ce blog à propos de l’intervention directive de l’Etat sur l’assurance-chômage.
Quatre recommandations sont faites :
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Recaler les rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux dans la gestion de l’Unédic,
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Redéfinir une trajectoire financière du régime permettant de tendre à une logique d’équilibre,
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Reprise par l’État d’une partie de la dette du régime d’assurance chômage[2] compte tenu des dépenses exceptionnelles que l’Etat a imposé à l’Unédic durant la crise 2020-2021 (financement du tiers du chômage partiel[3] et exonération de cotisations[4]), et, enfin,
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Redéfinir le niveau de participation de l’Unédic au budget de Pôle emploi, qui est défini dans un cadre différent.
Ces recommandations me semblent tout à fait justifiées.
ELLES METTENT EN CAUSE LA RESPONSABILITÉ DES MINISTÈRES DU TRAVAIL ET DE L’ÉCONOMIE DANS LA DIFFICILE SITUATION DU RÉGIME A TERMES.
Elles mettent implicitement le ministère du Travail devant les responsabilités des choix en phase avec le ministère de l’Économie pour porter une part de la dette de l’État, liée à des mesures gouvernementales, sur un régime social.
La Cour des comptes expose très bien la situation :
« Si la dette reste encore soutenable actuellement au plan financier, cela résulte du niveau très bas des taux d’intérêt et de la bonne notation financière de l’Unédic. »
« Cependant le régime n’a pas vocation à porter ni à financer une dette structurelle, dont le poids des charges annuelles pourrait devenir insoutenable financièrement en cas de remontée des taux d’intérêt. »
La Cour des compte juge que :
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D’une part, « Structurellement déséquilibré au plan financier, le régime d’assurance chômage ne peut plus jouer son rôle d’amortisseur conjoncturel. En outre, sa cohérence a été altérée, sur le plan des recettes comme des dépenses. En matière de recettes, son mode de financement initial a été profondément modifié en 2018. »
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D’autre part, « S’agissant des dépenses, le poids de celles qui ne concernent pas l’indemnisation des salariés ayant perdu involontairement leur emploi a nettement augmenté, qu’il s’agisse du financement de Pôle emploi, de l’extension de l’activité partielle comme de la création de nouveaux droits. »
LES RECOMMANDATIONS DE LA COUR DES COMPTES SONT TRÈS CLAIRES.
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La CC appelle à préciser les rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux « en matière de détermination et de prise en charge des dépenses, de fixation des recettes et d’amortissement de la dette et clarifier le cadre de gouvernance du régime ».
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La CC pense indispensable de « redéfinir une trajectoire financière du régime permettant de sortir du régime de carence, de renouer avec la logique d’équilibre de moyen terme du régime et d’amortir à terme la dette laissée à la charge du régime ».
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Elle demande à l’État de reprendre « une partie de la dette du régime d’assurance chômage afin de ne laisser à la charge du régime qu’un niveau de dette susceptible d’être apuré par ses propres excédents à venir » en fixant le niveau et les modalités de reprise de la dette.
Fin 2019, l’endettement du régime d’assurance chômage atteignait 36,8 Md€ et à fin 2021 il est passé à environ 65 Md€. La CC fait le constat suivant :
« En effet, compte tenu du montant global de la dette, même en retenant des mesures fortes pour renouer avec les excédents et en comptant sur une amélioration de la conjoncture économique, il ne semble pas que cela puisse suffire à l’amortir en totalité. »
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La CC juge nécessaire de redéfinir le niveau de participation de l’Unédic au budget de Pôle emploi[5], sur la base d’une trajectoire financière de Pôle emploi et non plus d’un pourcentage des recettes du régime.
Cette dernière question mérite débat, mais elle doit être traitée.
[1] Rapport public annuel 2021 de la Cour des comptes – https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-03/20210318-RPA-2021-synthese.pdf
[2] « Une partie de cette dette étant liée à la mobilisation du régime en faveur du soutien des entreprises et des emplois pendant la crise sanitaire, la question de son traitement se pose. » Rapport CC.
[3] « Financement d’un tiers du coût du dispositif exceptionnel d’activité partielle mis en œuvre par le Gouvernement pour protéger les entreprises et les emplois pendant la crise … » Rapport CC.
[4] « …baisse de ses recettes liée au placement massif de salariés en activité partielle ou en arrêt maladie, au report des cotisations et, plus généralement, à la baisse de la masse salariale constatée en 2020. » Rapport CC.
[5] Cette redéfinition se ferait dans le cadre pluriannuel de la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi.
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