Les propositions sur le contrôle des chômeurs et la réduction de leurs droits peuvent-elles améliorer la situation de l’emploi ?
L’ensemble des discours de ces dernières semaines concernant le contrôle et la réduction des droits des chômeurs méritent d’être rapprochés.
D’une part, on annonce, avant même que le rapport soit rendu public, qu’une enquête ponctuelle sur la recherche active d’emploi par des personnes inscrites à Pôle Emploi aurait révélé que 20% environ des demandeurs d’emploi interrogées n’aurait pas mené de recherche d’emploi récemment et que 5 à 10% d’entre elles pourrait être sanctionnées par une suspension provisoire de leurs allocations chômage. Ce résultat, monté en épingle par la plus grande part des médias sur le mode « scandale », n’a rien pour étonner les acteurs de l’emploi[1]. Oui, une part des demandeurs d’emploi se lassent, dépriment et fléchissent dans leurs efforts de recherche à un moment donné, souvent suite à de nombreux échecs de leurs démarches, mais chacun sait que la réponse à apporter réside dans la remotivation et l’accompagnement vers l’emploi.
De réels abus existent, comme le cumul des allocations et du travail au noir, mais ceux-ci ne sont pas décelés par une enquête déclarative adressée à des demandeurs d’emploi. D’autres démarches doivent être mises en place en ciblant peut-être d’abord certains secteurs, connus de l’inspection du travail, pour la fréquence des cas de travail non déclaré .
La vraie révélation de cette enquête est que Pôle Emploi a besoin d’enquête spécifique pour connaitre la situation de ses inscrits parce que, depuis l’abandon du principe du contrôle mensuel, le service public de l’emploi ne suit plus vraiment l’ensemble de ses inscrits.
Quand Pôle Emploi envisage que, pour 2015, seuls 4 000 agents[2], sur environ 52 000 salariés, mèneront des actions d’accompagnement renforcé auprès d’une centaine de milliers de demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion sur un nombre d’inscrits d’environ 3 700 000 en catégorie A (pour ne compter que ceux-là). Même avec la relance de l’action complémentaire d’opérateurs privés de placement en 2015, moins de de 15% des demandeurs d’emploi seront concernés.
Ceci conduit à constater que les résultats de l’enquête sur le contrôle des chômeurs ouvre plus le procès de Pôle Emploi que celui des chômeurs.
En résumé, si Pôle Emploi suivait l’ensemble des demandeurs d’emploi, il connaîtrait leur situation et n’aurait pas besoin de les contrôler… L’accompagnement effectif vers l’emploi des chômeurs est nécessaire.
D’autre part, certains appellent de leurs vœux la réduction des droits à indemnisation des demandeurs d’emploi : diminution de la période d’indemnisation et diminution progressive des montants d’indemnisation. Ces propos sont inspirés par une seule logique budgétaire liée au déficit bien réel du régime, déficit accentué par la croissance du chômage depuis 2008. Peu importe que la décision politique ou la négociation paritaire, ait lieu en 2014 ou en 2016, l’intention est bien là. Le débat est ouvert. L’approche « techno simpliste » est en marche et les calculs politiques abondent bien loin de la réalité de terrain et de l’intérêt des gens. La mise en cause de l’existence même de l’UNEDIC, en période de négociation sur le dialogue social, laisse pensif sur le sérieux de certains.
Le sujet est complexe et mérite une approche globale.
Sans épuiser le débat, rappelons qu’il faut prendre en compte :
- la nature de l’assurance chômage, qui n’est pas une aide publique mais une assurance solidaire, les salariés, aujourd’hui au chômage, ont payé des années durant leurs cotisations sociales,
- un contexte du marché de l’emploi caractérisé par très peu d’offres d’emploi pérennes en ce quatrième trimestre 2014,
- la présence d’un système d’aides publiques (dont le RSA) qui sera appelé à prendre la suite pour nombre de personnes non indemnisées en « transférant la dépense. »
Pour prendre un exemple récent : Qui a calculé le coût lors du passage de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans du transfert du régime retraite vers l’allocation chômage ? Beaucoup de personnes entre 60 et 62 ans bénéficient de l’allocation chômage, faute de retraite, avec des montants d’indemnité supérieurs à celui qu’aurait eu le montant de leur retraite… et ces personnes n’ont que très peu d’opportunités d’emploi. Cette dépense participe au déficit actuel de l’assurance chômage.
Ajoutons enfin, que déjà nombre de chômeurs ne sont pas inscrits comme des demandeurs d’emploi. Le nombre de cas personnes en difficulté s’accroît avec l’allongement de la durée de la crise sans perspective sérieuse de redémarrage économique.
Dans ce contexte, les propos tenus vis-à-vis de demandeurs d’emploi, dans un contexte de pénurie de l’offre, ne peuvent que concourir à l’inquiétude et au découragement.
[1] A contre courant des annonces sur le scandale des 20%, il faut noter l’excellent article du 10 octobre 2014, de Jean-Baptiste CHASTAND : « 20 % des chômeurs ne cherchent pas de travail ? Une étude partielle » – http://emploi.blog.lemonde.fr/2014/10/10/20-des-chomeurs-ne-cherchent-pas-de-travail-une-etude-partielle/
[2] 3 400 en 2014 avec des portefeuilles de 70 demandeurs d’emploi.
Un commentaire to “Contrôle des chômeurs et réduction de leurs droits”
14 octobre 2014
TanguyTrès intéressant!