Les risques psychosociaux sont un sujet prioritaire pour le monde du Travail, mais pas les difficultés psychologiques des chercheurs d’emplois.
En amalgamant demandeurs d’emploi peu efficaces et fraudeurs, les propos du Ministre du Travail ont suscité l’indignation des organisations syndicales, des associations de chômeurs et des personnes concernées elles-mêmes. Bien sûr, il existe des fraudeurs, mais les statistiques montrent qu’il ne s’agit que d’un petit pourcentage des inscrits à Pôle Emploi.
Peut-être faudrait-il plutôt s’interroger sur les raisons de ce manque d’efficacité dans la recherche d’emploi de ces demandeurs.
De façon non exhaustive, je voudrais aborder un volet du problème trop souvent passé sous silence. En période de crise économique, quand elles embauchent, les entreprises sont frileuses et ne prennent pas de risque dans leurs recrutements. Elles ciblent prioritairement les candidats ayant déjà une expérience professionnelle, de préférence très proche du poste à pourvoir. Mais, attention, cette expérience ne doit pas non plus être trop importante, ce serait le signe que le candidat n’est plus si jeune, et sous-entendu plus dynamique. Cette façon de procéder élimine ainsi les extrémités de la chaine : les juniors et les seniors.
- Les jeunes débutants n’ont pas de diplôme, ou n’ont pas le bon diplôme, ou ont un diplôme trop élevé pour le poste, et de toute façon ils ont en commun, de n’avoir pas assez d’expérience !
- Les seniors ont trop d’expérience, ils sont considérés comme pas assez mobiles, pas assez flexibles ou pas assez adaptables, et parfois n’ont pas non plus le bon diplôme puisque l’enseignement a évolué ces 30 dernières années…
Au bout de quelques mois de recherches infructueuses, les juniors et les seniors finissent par se retrouver égaux dans un domaine : une perte de confiance en eux.
- Les jeunes diplômés ont investi dans leurs études, certains se sont même parfois endettés pour cela, et, au bout de plusieurs mois de recherches infructueuses, le moral baisse et les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles.
- Les seniors ont passé des années dans leur emploi, parfois dans la même entreprise pendant 15 ans, 20 ans ou plus, et brusquement cet emploi disparaît. C’est une partie de leur identité qui disparait alors, leur identité professionnelle. Dans une société où beaucoup de personnes existent principalement à travers cette identité professionnelle, le coup est rude.
Les uns et les autres se retrouvent chez Pôle Emploi, dont l’objet est le placement (en sus de la gestion de l’indemnité chômage) pour y chercher un emploi, chose à laquelle ils étaient peu ou pas préparés. Pôle Emploi accompagne les demandeurs d’emploi plus ou moins réellement, selon leurs profils[1], mais, de toute manière sur un plan purement informatif, technique et mécanique. La fonction consistant à assurer le lien social est absente.
Or, pour être efficaces dans leur recherche, les demandeurs d’emploi doivent aussi avoir un minimum d’estime d’eux-mêmes, de confiance en eux.
La destruction de l’identité professionnelle de beaucoup de seniors licenciés, la perte de confiance en soi de beaucoup de jeunes diplômés à qui les entreprises n’entrouvrent même pas leurs portes, ont un effet au niveau psychologique et limitent sérieusement l’efficacité des recherches d’emploi.
Alors que de plus en plus d’entreprises agissent en faveur du bien-être au travail de leurs salariés, que les risques psychosociaux sont un sujet prioritaire pour les partenaires sociaux et le Ministère en charge du Travail, qui se soucie des difficultés psychologiques des sans-emploi ? Ces difficultés freinent l’efficacité de la recherche d’emploi, en particulier des jeunes et des seniors, à qui l’on ne fait pas, ou plus assez, confiance pour leur donner l’occasion de prouver leurs capacités professionnelles et leurs compétences.
La prise en compte des difficultés psychologiques des sans-emploi passe par la relance du lien social par des acteurs existants ou des associations à inventer.
[1] Selon la « Stratégie 2015 » de Pôle Emploi.
Un commentaire to “Qui se soucie des difficultés psychologiques des chercheurs d’emploi ?”
4 janvier 2016
MahdiJe suis en recherche d’emploi depuis que je suis sorti de ma dernière longue mission en décembre 2014 avec entre parenthèse une mission de 3 semaines en février 2015. Depuis, je galère. Je réponds aux annonces et j’envoie des candidatures spontanées.Sans résultat probant. Mis à part quelques rendez-vous qui n’aboutissent le plus souvent jamais. J’ai 43 ans et je ne fais partie d’aucune des 2 catégories de demandeurs d’emplois: jeunes diplômés ou séniors. J’ai eu un CDI puis j’ai repris une formation comptable avec un bac professionnel et un BTS et par la suite j’ai enchaîné les missions dans différentes entreprises comme comptable avec entre chacune des périodes de 2 à 8 mois de chômage. Mais là, c’est plus long. C’est difficile. Psychologiquement, c’est difficile, car j’ai l’impression que tout ce que j’entreprends pour retrouver un emploi est voué à l’échec. Est-ce à cause de mon C.V. ou de ma lettre de motivation ou simplement de mes multiples missions de comptable? Je n’en sais rien. Je n’ai en plus de celà pas de réseau. Je dois chercher sur les sites des agences intérim, du Pôle Emploi et des sites d’emploi (Keljob, JobisJob, 1Taf, RegionJob, Jobs.lu, ou Monster, … J’aurais sans doute besoin de conseils de personnes averties. Merci.