Une nouvelle organisation du marché du transport public s’engage avec le développement du covoiturage et la multiplication des lignes intérieures d’autocars dans un contexte de transport à bas cout. Le trafic ferroviaire devrait donc diminuer. Toute prévision en termes d’emploi dans le secteur des transports semble aujourd’hui illusoire.
EMMANUEL MACRON ANNONCE LA CRÉATION DE 700 EMPLOIS EN UN MOIS.
MACRON vient de « se félicite de la forte croissance de l’offre de transport collectif par autocar longue distance et des créations d’emplois dans le secteur »[1]. Selon un communiqué confirmé par les propos du ministre, « Un mois après la promulgation de la loi pour la croissance, l’activité, et l’égalité des chances économiques, 700 emplois ont été créés et près de 250 000 passagers ont été transportés dans toute la France. 75 villes françaises sont aujourd’hui desservies par une ligne et 274 autocars assurent chaque jour des liaisons en France.»[2]
Cette annonce de la création de 700 emplois dans le secteur des transports laisse évidemment la place au doute. N’a-t-elle pas autant de sérieux que ses propos sur le statut des fonctionnaires » ? À moins qu’il ne s’agisse que de « propagande primaire », suite à l’adoption de la loi qui porte son nom…
Il est évident que l’ouverture de nouvelles lignes d’autocars longue distance en France, suite à l’adoption de la loi Macron, va modifier la répartition de l’usage des différents types de transports : voiture, moto, covoiturage, TER, TGV et autocars.
UNE NOUVELLE ORGANISATION DU MARCHE DU TRANSPORT PUBLIC EST ENGAGÉE
Ces évolutions auront sans aucun doute un impact sur l’emploi dans le secteur des transports. Mais, il est bien trop tôt pour dire lequel. On ne saura effectivement que dans quelques années à quel équilibre on est arrivé en matière d’emploi[3].
- La SNCF, établissement public[4], conduit une modification de ses tarifs ferroviaires ainsi que des diversifications dans le domaine des lignes de cars (avec OuiBus[5]), dans le secteur du co-voiturage (iDVroom) ou dans la location de véhicules entre particuliers (OuiCar).
- Plusieurs sociétés privées étrangères comme Megabus (filiale du Britannique Stagecoach) ou Flixbus (groupe allemand qui fédère des autocaristes indépendants) ou des sociétés françaises, comme Eurolines (groupe Transdev) ou Starshipper, se sont engagées à ouvrir de nombreuses lignes intérieures à la France, de plus de 100 km. Elles se heurteront à certains freins, telle l’absence fréquente de gares routières, mais vont s’installer.
- Les entreprises animant le covoiturage, comme Blablacar[6], vont tenter de maintenir leur avance récente en se positionnant sur les créneaux restants ou en innovant à nouveau pour réduire l’impact sur leur activité de la libéralisation des transports par car.
Il apparaît que l’ouverture de cette concurrence va conduire à une baisse des couts de transports pour les particuliers. Cela représente un avantage incontestable en termes de pouvoir d’achat.
L’augmentation de la mobilité existera, mais elle devrait rester limitée. La proportion de déplacements supplémentaires générés par le covoiturage et ses tarifs ne représenterait que 22% du recours à cette formule.
Avec une augmentation assez limitée de la fréquentation et une nette baisse du cout des trajets, le chiffre d’affaires global du transport des personnes n’est pas destiné à exploser. Le nombre d’emplois générés non plus.
L’AVENIR D’UNE PARTIE DE l’ACTIVITÉ FERROVIAIRE EST CLAIREMENT REMIS EN CAUSE.
La question qui surgir à terme sera celle de l’avenir même de l’activité ferroviaire de la SNCF, dans un contexte concurrentiel renforcé.
L’avenir économique de ses actions de diversification reste incertain. Le niveau de la masse salariale de la SCNF est plombé par le niveau des salaires et les conditions générales de travail avantageuses de son personnel.
La mise en cause du transport ferroviaire des personnes par l’apparition d’offres concurrentes de transport semble évidente. Le TGV et les trains Intercités seront les principales victimes du développement du transport longue distance par autocar. Ils devraient perdre des dizaines de millions d’euros de chiffres d’affaires.
Les interrogations des présidents de conseils régionaux sur leur participation au financement des lignes Transport Express Régional (TER) vont naturellement croitre avec la mise en place progressive de lignes de cars concurrentes aux lignes de train.
Des voies ferrées risquent de perdre une grande part de leur trafic. Certaines lignes, sauvegardées avec peine par l’intervention des collectivités locales, courent le risque d’être fermées, pour devenir de simples chemins de randonnée, des pistes cyclables ou des voies pour trains à vapeur touristiques.
LA FABRICATION DES CARS GÉNÉRERA TRÈS PEU DE NOUVEAUX EMPLOIS EN FRANCE.
Le dernier site industriel de production d’autocars en France est celui d’IVECO. Cette société est une filiale du groupe italo-américain CNH industrial. Le site d’Annonay, en Ardèche, est l’un des plus gros sites européens de production d’IVECO. Cette société espère conserver sa part de marché estimée actuellement à 20%. Autant dire que de l’ordre de 80% des autocars commandés pour rouler sur des nouvelles lignes seront produits par des entreprises étrangères.
Enfin, les propos du ministre Emmanuel Macron, tenus lors de sa visite de l’usine d’Iveco laisse rêveur. Le ministre a suggéré aux transporteurs publics ou privés d’acheter des véhicules fabriqués en France. Ignore-t-il les règles des marchés publics ou la présence de nouveaux autocaristes majoritairement étrangers ?
DES PRÉVISIONS EN TERMES D’EMPLOI DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS SEMBLENT ILLUSOIRES A CE JOUR.
En l’état actuel de l’évolution engagée de l’offre de transport, il semble difficile de faire des prévisions sur la situation à moyen terme en termes d’usage comme de termes d’emploi dans le secteur des transports.
[1] Communiqué du Ministère de l’économie – Premier bilan de la mise en œuvre de la réforme du transport par autocar – 21 septembre 2015 – N° 841 – http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/19704.pdf
[2] Le communiqué poursuit avec le pronostic suivant : « D’ici fin 2016, près de 200 lignes et la création de 2 000 à 3 000 emplois directs sont envisagées par les professionnels. ». On ignore à quels professionnels il est fait allusion.
[3] Même les projections de France Stratégie me semblent bien peu fondées sur ce domaine précis.
[4] La Société nationale des chemins de fer français (SNCF) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) depuis 1983. Depuis le 1er janvier 2015, elle est constituée de 3 établissements EPIC : l’EPIC « SNCF » chargé du pilotage stratégique du groupe, « SNCF Réseau » propriétaire et gestionnaire du réseau ferré national et « SNCF Mobilités » chargé de l’exploitation des trains. La SNCF exerce à la fois le métier d’exploitant (voyageurs et marchandises) et celui de gestionnaire d’infrastructure ferroviaire. En 2015, le réseau ferré national, propriété de SNCF Réseau, compte environ 30 000 km de lignes dont 15 687 km de lignes électrifiées et 2 024 km de lignes à grande vitesse. C’est dire toute l’importance stratégique de l’établissement.
[5] OuiBus (SNCF) annonce l’ouverture de 130 liaisons dès 2016, desservant 35 destinations en France avec un objectif de 4 millions de voyageurs en 2016. Elle achète 80 cars et forme 200 personnes. Rappelons néanmoins que la filiale autocar de la SNCF (IDBUS précédemment) a perdu près de 25 millions d’euros en 2013, après 16,2 millions l’année précédente.
Pas de commentaire sur “L’annonce de « 700 nouveaux emplois en un mois » dans le secteur des transports est illusoire.”