Un nouveau bac devrait voir le jour en 2021. Les recruteurs peuvent s’interroger sur les effets de la future réforme, au-delà de toute prise en considération de ses motifs d’économie budgétaires, de révision pédagogique, amélioration de l’orientation vers le supérieur, etc.
LES RECRUTEURS PRENNENT EN COMPTE LES RÉSULTATS DU BAC
La grille croisée des séries et de mentions du bac est un des éléments d’appréciation des candidats qui postulent sur un emploi, quelques années plus tard. Ce n’est pas le seul, bien évidemment, mais l’information de la série du bac, et de la mention obtenue, ou pas, figure dans le CV et constitue une référence.
L’âge d’obtention du bac est également apprécié, bac à 17 ans ou à plus de 20 ans. Il en est de même de l’âge d’obtention d’un BTS, d’une licence ou d’un master, en prenant en considération le parcours des études.
Pour les recruteurs, ce résultat constitue un repère parmi d’autres ; il est rarement négligé pour l’embauche d’un jeune de moins de 30 ans.
Ce « repère bac » est actuellement lisible et connu. Il constitue un élément de comparaison à la consultation des CV des candidats sur un poste. Un recrutement reste avant tout une sélection parmi des candidats.
QUELLE LISIBILITÉ AURA POUR LES RECRUTEURS LA NOUVELLE VERSION DU BAC ?
Il est difficile de savoir si la prise en compte des résultats du « nouveau bac », en gestation, sera aisée pour des recruteurs. Le schéma de ce nouveau diplôme, tel qu’il a été évoqué, est apparemment plus complexe.
En effet, il offre davantage de parcours possibles et une individualisation de ceux-ci débouchant sur un diplôme à « géométrie variable » au lieu des trois bacs généraux actuels par exemple (voir « les considérations sur le bac » ci-dessous).
Il est probable que demeureront des notes et des mentions, mais le mélange annoncé des matières et « l’individualisation des parcours » pourraient faire craindre quelques difficultés pour apprécier le profil des bacheliers.
La réforme vise à mieux organiser les entrées dans l’enseignement supérieur (la liaison entre bac-3 et bac+3), ainsi une part des résultats du nouveau bac devrait participer aux conditions d’admission dans les filières du supérieur[1].
Par contre, il pourrait être plus difficile à un recruteur d’apprécier le « niveau » du bac obtenu par un candidat figurant sur son CV, quelques années plus tard, lors de l’entrée sur le marché du travail ou le début de carrière. Rassurons-nous, la nature a horreur du désordre, et il est fort probable qu’à terme des « assemblages d’épreuves » apportent très clairement des informations sur les profils examinés …
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CONSIDÉRATIONS SUR LE BAC DE 2018 ET CELUI DE 2021
LA SITUATION DU BAC ACTUEL SE RÉSUME À QUELQUES DONNÉES SIMPLES ET CONNUES.
La situation du bac, selon les résultats connus, se résume à quelques données simples.
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Le nombre de reçus au bac est important : 633 500, en 2016, soit de l’ordre de 80% d’une classe d’âge.
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Le taux de reçus à l’examen du bac est très élevé (environ 88%)[2].
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Environ 10% d’une classe d’âge échoue à son bac[3], se trouvent sans diplôme autre que le Brevet des collèges et doivent soit repasser le bac, soit se réorienter vers d’autres études, soit chercher un emploi.
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Une majorité des bacheliers (54%) décroche une mention au bac[4]. 24% ont une mention très bien (8%) ou bien (16%) ; 30% ont une mention « assez bien » ; 46% aucune mention.
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En l’absence d’un contrôle rigoureux dans les enseignements, ainsi que d’une absence de redoublements, ou de remise à niveau nécessaire, une part des jeunes bacheliers s’avèrent ne pas avoir un niveau de connaissances suffisant et/ou la motivation nécessaire pour réussir des études supérieures. Cette situation conduit à un taux élevé d’échecs universitaires (absence de diplôme à bac+1, +2 ou Licence pour environ 100 000 bacheliers). La conséquence est l’arrivée sur le marché du travail de profils de jeunes disposant du seul bac, de toutes les séries.
Aujourd’hui, des corrélations statistiques existent entre les résultats du bac et la réussite aux diplômes supérieurs avec, évidemment, une petite part d’exceptions et de parcours atypiques. Certaines statistiques sont rendues publics (admis aux concours d’enseignement par exemple), d’autre non…
Par exemple, les étudiants de PACES admis en seconde année de médecine disposent aujourd’hui, pour la très grande majorité, d’un bac S, avec une mention « bien » ou « très bien ». Reste évidemment des exceptions.
LA REFORME DU LYCÉE ET DU BAC SE DESSINE PROGRESSIVEMENT
Il semble acquis que le nombre de bacheliers demeure du même ordre, car socialement l’obtention du bac par 80% d’une génération apparait comme une « conquête sociale ou sociétale » sur laquelle nul ne souhaitera revenir[5].
La réforme concerne à la fois l’organisation du lycée, les programmes, la pédagogie et le diplôme du bac.
Le projet[6] apparait, de prime abord, comme assez compliqué, même pour les professionnels de l’éducation…
Il semble devoir se concrétiser par :
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Le choix donné aux lycéens en classe de première, parmi plusieurs matières, de deux matières « majeures »[7] et deux matières « mineures »,
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Le maintien d’épreuves de Français (un oral et un écrit) en fin de classe de première,
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la fusion des bacs généraux et technologiques (sous une forme à préciser),
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La disparition des filières générales existantes (S, ES, L)
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Une prise en compte importante (40%) du contrôle continu (sous une forme à préciser),
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Le choisi d’un « parcours » par chaque lycéen ; Il serait centré sur deux disciplines, une « majeure » et une « mineure », et pourraient changer tous les semestres, ce qui conduirait à une individualisation des parcours, Il y aurait, au moins, une dizaine de bac généraux au lieu de trois …
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Un nombre limité à 4 épreuves terminales faisant l’objet d’un examen[8], dont : deux disciplines choisies par le lycéen, une épreuve obligatoire de philo et un « grand oral »[9] qui reste à définir.
Au total, le rapport Mathiot préconise que le français et la philosophie comptent chacun pour 10 %, le grand oral pour 15 % et les deux disciplines de la majeure pour 25 % (l’une 10% et l’autre 15%) pour arriver à un total de 60% (par rapport à un contrôle continu à 40%).
La redéfinition des programmes dans chaque matière, qui est indissociable de cette réforme, n’a pas été abordée dans le rapport.
Remarque : la démarche engagée ne semble pas prendre en compte le baccalauréat professionnel, à ce stade de la réflexion.
[1] Ce qui semble un progrès par rapport à la situation actuelle où les résultats du bac 2018 ne seront pas pris en compte dans la procédure PARCOURSUP. Comme il ne l’était pas non plus jusqu’à présent dans Admission Post Bac (APB).
[2] Tableaux des taux de réussite aux bacs en 2016
Série | Taux de réussite (%) | Présents | Admis |
Général | 91,5 | 357 649 | 327 078 |
Technologique | 90,7 | 139 520 | 126 578 |
Professionnel | 82,5 | 218 041 | 179 841 |
Toutes séries | 88,6 | 715 210 | 633 497 |
[3] 82 000 lycéens ont échoué au bac en 2016.
[4] Tableau de la répartition des bacheliers par mention (en %) en 2016
Baccalauréat | Très bien | Bien | Assez bien | Sans mention |
Général | 14% | 19% | 27% | 40% |
ES | 10% | 18% | 29% | 43% |
L | 10% | 17% | 29% | 45% |
S | 17% | 21% | 26% | 36% |
Technologique | 2% | 12% | 33% | 53% |
Professionnel | 2% | 12% | 35% | 51% |
Toutes séries | 8% | 16% | 30% | 46% |
[5] En conséquence, pour bien faire il faudrait conduire un effort indispensable pour élever le niveau des élèves les plus faibles, dans le secondaire, pour prévenir les échecs dans le supérieur. Le niveau gagnerait à être assuré dans le secondaire avec des professeurs appropriés et non par des « bricolages » de remise à niveau en première année d’enseignement supérieures par des enseignants chercheurs, dont ce n’est pas la mission.
[6] Le rapport rendu par Pierre Mathiot, ex-directeur de Sciences Po Lille, à la demande du gouvernement, précise des pistes de réforme. Elles ont été reprises par le ministre.
[7] Les « majeures nationales » proposées dans le rapport Mathiot sont les suivantes :
- Mathématiques et physique-chimie,
- Sciences de l’ingénieur et mathématiques,
- SVT et physique-chimie,
- Informatique et mathématiques,
- Mathématiques et Sciences économiques et sociales,
- Sciences économiques et sociales et histoire-géographie,
- Littérature et art,
- Littérature et langues anciennes,
- Littérature étrangère et 2 langues étrangères.
Elles ne semblent pas devoir bénéficier des mêmes effectifs lycéens…
S’ajouteraient des « majeures » reprenant l’organisation des séries technologiques.
[8] Cela est supposé représenter une économie par rapport au nombre de matières proposées aujourd’hui.
[9] « L’oral serait une épreuve de trente minutes, passée devant un jury de trois personnes dont une qui n’enseignerait pas au lycée. Le candidat présenterait seul un travail préparé en amont, adossé à une ou plusieurs disciplines, et ce, éventuellement depuis la première. J’étais au départ favorable à une préparation collective, multidisciplinaire, mais passée individuellement. C’est la solution que je recommande dans le rapport, mais rien n’empêche qu’il soit réalisé de manière individuelle et monodisciplinaire. » (Pierre Mathiot)
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