L’APPLICATION CPF, WWW.MONCOMPTEFORMATION.GOUV.FR[1], A ÉTÉ LANCÉE ET COMMENCE À ÊTRE UTILISÉE.
Des témoignages d’utilisateurs commencent à remonter, parallèlement à ceux des responsables d’organismes de formation et des acteurs de l’emploi et de la formation. Il faudra attendre quelques mois pour se faire une première opinion sur l’outil.
Plusieurs experts s’expriment, dès à présent, vis-à-vis de cette plateforme. Bertrand Martinot, ancien DGEFP, y voit :
« l’opportunité de reconfigurer le marché de la formation professionnelle afin qu’il soit plus transparent, avec une pression probable à la baisse sur les prix et un encouragement bienvenu à l’innovation, qui est un enjeu majeur pour ce secteur économique. »[2]
Mais il rejoint l’analyse faite sur ce blog, car il ajoute que cet outil :
« sera fortement concurrencé par les grands opérateurs du numérique dans les prochaines années.
Pour autant, il ne faut pas attendre de cette application plus que ce qu’elle peut donner. Le contact humain, les conseils de professionnels de l’accompagnement restent déterminants au risque de faire de mauvais choix.
Présenter cette appli comme un outil magique (pour reprendre l’expression de la CFDT) ou comme l’alpha et l’oméga d’une politique de développement des compétences serait évidemment absurde ! »
Il pense que cette plateforme va être améliorée :
« Elle est aujourd’hui extrêmement fruste. Pas de conseil, pas d’intelligence artificielle. A ce stade, beaucoup de plateformes d’orientation font beaucoup mieux. Mais la ministre Pénicaud a déjà indiqué qu’il y aurait des évolutions futures. »
L’AUTONOMIE DE CHOIX DU BÉNÉFICIAIRE DU CPF A ÉTÉ MISE AU CENTRE DU DISPOSITIF
La communication de la ministre du Travail a été très claire.
Elle défend le principe de l’autonomie de l’actif, en emploi ou non, en fonction de sa volonté personnelle. Il s’agit d’une approche tout à fait individualiste du CPF[3], par opposition à des formations collectives offertes par les entreprises ou les acteurs de l’emploi.
La notion du contrôle direct de sa formation par le salarié s’affirme comme un élément d’indépendante vis-à-vis de son employeur (ou de ses employeurs successifs) dans le cadre d’une mobilité professionnelle qui apparait comme la règle. Et qui tendra à s’accroitre dans les années qui viennent… Elle traduit une approche idéologique du marché du Travail.
Mais, elle vise des certifications et des diplômes sans que la monétisation acquise par le CPF ne fournisse réellement les moyens d’en assurer le coût !
Les organismes de formation répondent à cette présentation du CPF en développant une communication directe et une offre (adaptée) vis-à-vis des bénéficiaires potentiels avec un argumentaire commercial (déjà présent sur de très nombreux sites en ligne).
MAIS L’ABONDEMENT AU FINANCEMENT DU CPF APPARAIT FRÉQUEMMENT UNE NÉCESSITÉ
La mobilisation des abondements prévus par le Code du travail est indispensable pour faire face aux coûts des formations, car dans la plupart des cas, ils vont dépasser les crédits acquis par les salariés comme les chômeurs.
Un module sur le cofinancement des entreprises devrait être mis en ligne à terme sur la plateforme.
« On sait très bien que le CPF sera le plus souvent insuffisant et donc que son développement sera entravé si l’entreprise n’est pas partie prenante, soit comme co-financeur, soit en donnant l’autorisation à son salarié que tout ou une partie de la formation soit réalisée pendant le temps de travail. »[4]
LES DRH, SELON LES ENTREPRISES, VONT ABORDER LES CHOSES A LEUR MANIÈRE.
- Certains vont ne pas s’occuper du CPF de leurs salariés.
- D’autres vont intervenir comme conseil, lors des entretiens bisannuel[5]. Ils pourront ainsi proposer au salarié des conseils en matière d’évolution professionnelle en fonction de son intérêt personnel ou de celui de son poste dans l’entreprise. Pour les salariés des petites entreprises, qui n’ont pas de service RH à leur disposition, les opérateurs du conseil en évolution professionnelle[6] pourraient être pertinents, ce qui reste à confirmer.
- Enfin, certains vont considérer le CPF comme une part du financement des formations qui souhaitent proposer aux salariés. Ils pourront proposer, dans un cadre personnel ou collectif[7], les modalités du cofinancement du CPF par l’entreprise[8], dans la mesure où le salarié accepte cette mobilisation de ses droits[9].
Un développement prévu de l’application sur les abondements du financement des formations CPF apparait indispensable pour le résultat souhaité.
POUR LES DEMANDEURS D’EMPLOI, LES CONDITIONS SONT DIFFÉRENTES
Les demandeurs d’emploi bénéficient des droits acquis sur leur Compte personnel de formation (CPF)[10]. « Les droits à la formation acquis pendant l’activité sont attachés à la personne active.[11] »
Les abondements éventuels viennent de Pôle emploi, des Régions ou le cas échéant de l’AGEFIPH.
Mais des conditions particulières s’appliquent :
- Les demandeurs d’emploi qui souhaitent mobiliser leur Compte personnel de formation (CPF) doivent s’adresser à leur conseiller Pôle emploi.
- Leur compte n’est pas alimenté, durant la période d’inactivité.
- Lorsque le demandeur d’emploi accepte une formation financée par la Région, Pôle emploi ou l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph), son compte est débité du montant de l’action de formation réalisée, dans la limite des droits inscrits sur son compte, et après en avoir été informé.
[1] Mon compte formation est un service mandaté par le ministère du travail. La Caisse des dépôts gère le site du compte formation : conception, animation, maintenance, traitements informatiques et assistance technique.
[2] L’App CPF – Bertrand MARTINOT, directeur du conseil en formation et développement des compétences. – www.mon-compte-formation.fr – https://bit.ly/36gfLcB
[3] « Cette application mobile a vocation à devenir une « place de marché », sur laquelle se réaliseront à l’avenir les achats d’action de formation financées via le CPF en mettant en relation directe prestataires et bénéficiaires. »
[4] « C’est pour moi un point de vigilance absolue. Il faudrait que cette fonctionnalité soit prête le plus vite possible, avant la fin du premier semestre 2020, sinon l’engouement sera réduit et les entreprises renonceront à s’engager. »
[5] L’entretien professionnel bisannuel prévu par la loi est l’outil naturel pour aborder les questions avec le salarié et évoquer la mobilisation éventuelle de son CPF. Il a lieu à partir de l’entrée dans l’entreprise, puis de la date de l’entretien précédent.
« Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle. » Article L6315-1 du Code du Travail.
[6] Ils ont été désignés et seront financées par l’État à partir de début 2020.
[7] « Un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d’abondement par l’employeur du compte personnel de formation des salariés. » Article L6315-1 du Code du Travail.
[8] Lorsque le coût de la formation est supérieur au montant des droits du salarié ou aux plafonds d’alimentation, l’employeur peut financer à la demande du titulaire des abondements en droits complémentaires pour assurer le financement de cette formation (L6323-4, II).
Un accord d’entreprise ou de groupe peut prévoir parmi les actions de formation éligibles au CPF celles pour lesquelles l’employeur s’engage à financer, dans les conditions définies par cet accord, de tels abondements (L. 6323-11, al.5). Dans ce cas, l’entreprise peut prendre en charge l’ensemble des frais et peut demander le remboursement à la Caisse des dépôts et consignations des sommes correspondantes dans la limite des droits inscrits sur le CPF de chaque salarié.
[9] Le CPF ne peut être utilisés qu’avec l’accord exprès de la personne.
« L’entreprise doit s’assurer auprès des salariés, que les salariés susceptibles d’être positionnés ont donné un accord exprès à la mobilisation de leur CPF conformément aux dispositions de l’article L. 6323-2 du code du travail.
Il est rappelé, aux termes de cet article, que le refus du titulaire du compte de mobiliser son compte ne constitue pas une faute. L’entreprise ne peut donc imposer la mobilisation du montant inscrit sur le Compte Formation à son salarié et devra en cas de refus, financer intégralement l’action de formation du salarié / des salariés concernés par abondement. »
[10] Compte personnel de formation (CPF) – 06/12/19 – https://travail-emploi.gouv.fr/formation-professionnelle/droit-a-la-formation-et-orientation-professionnelle/compte-personnel-formation
[11] De ce fait, leur portabilité est assurée, y compris lorsque la personne change de statut, passant du statut de salarié à celui de personne en recherche d’emploi, qu’elle soit inscrite ou non à Pôle emploi.
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