LE NOMBRE DES CAS DE PÉNURIES DE MAIN-D’ŒUVRE A AUGMENTÉ.
La proportion d’entreprises déclarant des « pénuries de main-d’œuvre » aurait fortement augmenté en France au cours des trois dernières années. Elle atteindrait un point haut mi-2019 de 20%, selon les résultats de l’enquête de l’Insee[1].
« Au 4e trimestre 2019, 20% des entreprises en France déclarent, dans les enquêtes de conjoncture, être limitées dans leur activité en raison d’un manque de main-d’œuvre. »[2] –
Le terme de « pénurie » désigne un effet précis : un frein aux activités lié au manque de main-d’œuvre[3]. Ce chiffre a augmenté, à fin 2016, seuls 10% des entreprises signalaient de telles « pénuries de main-d’œuvre ».
« Depuis 2018, d’après les enquêtes de conjoncture, le manque d’une main-d’œuvre compétente est la principale barrière à l’embauche signalée par les entreprises, loin devant l’incertitude économique, le coût du travail et la réglementation (éclairage de la Note de conjoncture de décembre 2018). »
MAIS CES PÉNURIES DE PERSONNEL RESTENT PONCTUELLES.
Maintenant pour apprécier le chiffre de 20%, il convient de lire qu’une entreprise sur cinq connait ces pénuries pour certains des postes sur lesquels elles recrutent. Cela pose problème, mais de manière ciblée et non générale. En résumé, il existe des pénuries de main-d’œuvre, elles ont tendance à augmenter, mais elles restent ponctuelles.
IL FAUT SE GARDER DE CONFONDRE PÉNURIE DE PERSONNELS, DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT ET STOCK D’EMPLOIS VACANTS
Les titres des médias sur ce sujet ou les propos de responsables politiques paraissent porter des confusions, volontaires (mise en cause de la volonté de travailler des chômeurs) ou non , sur ce sujet.
Il convient de distinguer la proportion de pénuries de personnels de deux autres données souvent présentées, par erreur, comme imbriquées. Ces deux autres indicateurs conjoncturels, liés à l’emploi, portent sur les « difficultés de recrutement » ou les «emplois vacants ».
- Les difficultés de recrutement mesurent la proportion des entreprises déclarant rencontrer des difficultés pour recruter[4]. Mais ce ressenti ne signifie l’absence de candidatures[5]. « Un recrutement peut être difficile sans forcément freiner l’activité de l’entreprise. »Les causes des difficultés peuvent être diverses comme le lieu de travail, le salaire, les conditions de travail, les perspectives professionnelles dans l’entreprise, etc.
- Le nombre d’emplois vacants mesure le nombre des postes libres, ou sur le point de se libérer, pour lequel des démarches actives sont entreprises pour trouver un candidat extérieur à l’établissement[6]. « Un emploi vacant n’est pas nécessairement synonyme de frein pour l’activité ».Cette donnée dépend en grande partie des flux d’embauche et de la mobilité sur le marché du travail et sur le temps de recrutement. Le nombre d’emplois vacants traduit souvent plutôt un marché porteur. Il dépend également des calendriers de recrutement annoncés plus ou moins en avance par rapport aux dates de recrutement effectif.
Les chiffres attestent que l’indicateur de « pénurie de main-d’œuvre » est en partie corrélé à ceux des « difficultés de recrutement » et des « emploi vacants », mais ces trois chiffres désignent des sujets bien différents ayant une signification distincte en matière d’emploi.
LES DIFFICULTÉS À RECRUTER ET L’EXISTENCE D’EMPLOIS VACANTS N’IMPLIQUENT PAS UNE PÉNURIE DE MAIN-D’ŒUVRE.
IL CONVIENT DE DÉNONCER LA CONFUSION QUI RÈGNE TROP SOUVENT.
La note de l’Insee présente comme un paradoxe, d’une part, la baisse du taux de chômage (qui demeure un chômage de masse) et, d’autre part, la hausse des pénuries de personnels sur des métiers et des fonctions. La pénurie baisse généralement en raison de celle du chômage, avec le flux des personnes entrées en emploi. Or, « Sur la période récente (2017- 2019), les pénuries de main-d’œuvre sont en effet nettement plus dynamiques que ce que l’évolution du chômage suggère. »
L’explication tient, sans doute en grande partie, au fait que la pénurie concerne des métiers et fonctions émergentes pour lesquels on ne trouve pas de « réserve » dans la population inscrite à Pôle emploi.
Par exemple, parmi ces postes, figurent les suivants[8] : délégué à la protection des données, ingénieur en intelligence artificielle, responsable du succès client[7], Community Manager, Ingénieur en fiabilité de site (SRE), spécialiste en cybersécurité, ingénieur DevOps, ingénieur Data, data scientist, consultant Data, développeur Big Data, analyste en capital investissement, etc., mais aussi des responsables de recrutement compétents sur ces métiers émergents.
La seule solution est le développement de formations pertinentes, initiales ou professionnelles. Ce mouvement semble à accélérer rapidement …
[1] Éclairage – « Quel lien entre pénuries de main-d’œuvre et chômage en France et en Europe ? » – Note de conjoncture Insee – 17/12/2019 – https://www.insee.fr/fr/statistiques/4268781?sommaire=4268833
[2] Note de conjoncture Insee du 17 décembre 2019
[3] « Les pénuries de main-d’œuvre mesurent la demande de travail des entreprises non satisfaite par la population active, tandis que le chômage représente l’offre de travail qui n’a pas trouvé preneur du côté des entreprises. » – Note de conjoncture Insee – 17/12/2019
[4] Ce taux est issu des enquêtes de conjoncture de l’Insee.
[5] « Les pénuries de main-d’œuvre sont plus « limitantes » que les difficultés de recrutement. » Note de conjoncture Insee – 17/12/2019
[6] Source : enquêtes Acemo de la Dares
[7] Ou Customer Success Specialist : un nouveau métier autour de la fidélisation des clients.
[8] Source : France 2020 : les métiers les plus recherchés – LinkedIn – https://business.linkedin.com/fr-fr/talent-solutions/emerging-jobs-report/emerging-jobs-report-france/3qc
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