LES « EMPLOIS FRANCS » VONT ÊTRE GÉNÉRALISÉS AUX HABITANTS DE L’ENSEMBLE DES QUARTIERS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
Un décret doit généraliser, à partir du 1er janvier 2020, le dispositif « Emplois francs »[1] à l’ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) du territoire national, pour une durée d’un an.
La phase expérimentale a été conduite entre le 1er avril 2018 dans 194 QPV, puis depuis la fin mars 2019, dans 740 quartiers. Elle se trouvera étendue à 1 438 quartiers début 2020.
De plus trois ajustements sont introduits.
- L’une prévoit l’éligibilité des jeunes accompagnés par les Missions locales, et qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi (Article 1).
Le nombre de jeunes suivis par les Missions locales, sans être inscrit à Pôle emploi, ne m’est pas précisément connu. Le projet de décret avance le chiffre d’« environ 54 000 jeunes » relevant des Missions locales et résidant dans des quartiers, dans cette situation.
Est-ce une reconnaissance implicite d’un camouflage du chômage de ces jeunes sans-emploi non comptabilisés ?[2]
- L’autre prévoit, pour le département de La Réunion, l’ouverture d’une expérimentation sur l’ensemble du territoire réunionnais[3] au-delà des seuls quartiers, pour des personnes inscrites dans un parcours d’insertion, en application du « plan Pétrel – 20 mesures pour l’emploi »[4] (Article 12 du chapitre III)[5].
- Enfin, la possibilité pour un employeur de cumuler l’aide « emploi franc » et celles attachées aux contrats de professionnalisation[6] est reconnue (Article 5 du projet de décret).
LA FIN DE LA PHASE EXPÉRIMENTALE DES « EMPLOIS FRANCS » CORRESPOND AUX FAIBLES RÉSULTATS QUANTITATIFS DE CE DISPOSITIF
Le motif mis en avant par le ministère du Travail pour présenter ces mesures est que :
« Cette généralisation rétablira l’égalité entre les territoires et permettra de communiquer plus largement sur ce dispositif à l’échelle nationale. »
La vraie raison est le faible résultat de ce dispositif « emplois francs ». Cette généralisation du dispositif à l’ensemble des QPV, pour une durée d’un an à compter du 1er janvier 2020, correspond au souhait de consommer les crédits dédiés…
Faits significatifs, d’une part, le nombre des « emplois francs », signés ou en cours, ne figure pas dans les tableaux de suivi des politiques de l’emploi, et, d’autre part, la poursuite est explicitement limitée à une durée d’un an !
Au 10 mars 2019, les chiffres présentés par le ministère du Travail étaient de 4 544 « emplois francs », acceptés sur une année, dont 82% des contrats signés en CDI (montant un peu plus incitatif), avec des entreprises (87%) ou des associations (13%). Une moitié dans les quartiers et l’autre en dehors de ceux-ci.
Ce premier bilan apparaissait faible et ne pas avoir atteint les objectifs initiaux.
On attend les chiffres officiels pour la période d’avril à décembre 2019.
CE DISPOSITIF « EMPLOIS FRANCS » EST TOUT CE QU’IL RESTE DU VOLET EMPLOI DE LA POLITIQUE DE LA VILLE.
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Lire une analyse détaillée sur les « emplois francs » dans le Billet : « Le retour du fantôme des emplois francs » – 5 mars 2017 – http://bit.ly/2mtyCh3
[1] Toute entreprise ou association, où qu’elle soit située sur le territoire national, doit pouvoir bénéficier d’une aide pour l’embauche en CDI ou en CDD d’au moins 6 mois d’un demandeur d’emploi résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Pour les CDI l’aide s’élève à 5 000 € par an sur 3 ans, tandis qu’elle est de 2 500 € par an sur 2 ans maximum pour les CDD d’au moins six mois.
[2] « Ils étaient alors incités par les missions locales à s’inscrire à Pôle emploi, ce qui représentait une contrainte administrative supplémentaire, susceptible de constituer un frein pour ces publics. »
[3] « Ce plan prévoit une extension de l’éligibilité au dispositif aux personnes issue d’un parcours d’insertion –qu’ils soient résidents ou non d’un QPV. Le projet de décret prévoit donc la mise en œuvre opérationnelle de cette mesure sous la forme d’une expérimentation d’une durée de trois ans » selon le projet de décret
[4] Lire : POURQUOI LA SITUATION DE LA RÉUNION APPARAIT COMME UN RÉVÉLATEUR DE L’INSUFFISANCE DE LA POLITIQUE DE L’EMPLOI ? https://bit.ly/2MTdgq3
[5] La mesure 3 du plan Pétrel prévoit pour La Réunion que : « les entreprises auront la possibilité de recruter en emploi franc soit un salarié issu des quartiers de la politique de la ville, soit issu d’un des parcours d’insertion suivants : sortie d’entreprises adaptées, insertion par l’activité économique, Ministère du Travail garantie jeune, école de la deuxième chance, RSMA, Académie des Dalons, etc. Le recours à ce dispositif ne sera pas plafonné ».
[6] A ce jour, un employeur peut solliciter l’aide emploi franc dès lors qu’il renonce au bénéfice des aides attachées au contrat de professionnalisation, à savoir : l’aide forfaitaire à l’employeur (AFE) de Pôle emploi pour le recrutement d’un demandeur d’emploi de plus de 26 ans en contrat de professionnalisation (2 000 euros ) ou l’aide de l’État pour le recrutement d’un demandeur d’emploi de plus de 45 ans en contrat de professionnalisation (2 000 euros, cumulable avec l’AFE).
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