LE PROJET DE QUOTAS POUR L’IMMIGRATION ÉCONOMIQUE CONDUIT À S’INTERROGER SUR LA LISTE DES MÉTIERS EN TENSION.
Le ministère du Travail a engagé la concertation relative à l’immigration professionnelle, en présence des huit organisations syndicales et patronales représentatives, et de l’Association des Régions de France (ARF)[1]. Elle doit se prolonger jusqu’à l’été 2020[2], avec une étape en mars 2020[3].
Un débat au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration devrait avoir lieu chaque année, comme cela vient d’être le cas bizarrement avec un débat sans vote !
La critique du système français d’immigration professionnelle porte sur :
- Les procédures en matière d’autorisation de travail,
- La « liste des métiers en tension ».
Les procédures sont critiquées pour leur manque d’efficacité économique et leur complexité.
« Ces obstacles pénalisent particulièrement les petites et moyennes entreprises, qui sont au cœur de la création d’emploi ; elles mériteraient d’être refondues et modernisées pour aboutir à une simplification des démarches administratives pour l’employeur. »
La « liste des métiers en tension » est remise en cause de manière franche :
« Certains critères apparaissent périmés : par exemple, l’appréciation, avant de délivrer une autorisation de travail, de la situation locale de l’emploi, repose sur une « liste des métiers en tension » pour laquelle l’OCDE estime que 15% seulement des métiers inscrits sur la liste sont encore véritablement en tension (et inversement, certains métiers comme « développeur / codeur », ne sont pas pris en compte). »
Cette affirmation peut surprendre, quand on pense à tous les discours tenus par les ministres sur les métiers en tension et les pénuries en personnel, pour arriver à reconnaitre aujourd’hui que le sujet n’est pas du tout dominé par le ministère du Travail ! Mieux vaut tard que jamais…
LA LISTE ACTUELLE DES MÉTIERS EN TENSION APPARAIT PÉRIMÉE
La dernière liste en vigueur de ces métiers en tension actuellement[4] remonte, en effet, de l’arrêté du 11 août 2011[5].
LA CONSTITUTION D’UNE NOUVELLE LISTE APPARAIT COMME UNE NÉCESSITÉ POUR LES POLITIQUES DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION DANS LEUR ENSEMBLE
Une liste à jour des métiers en tension, avec ses déclinaisons régionales, semble pourtant un préalable pour éclairer la politique de l’emploi et celle de la formation professionnelle et initiale dans leur ensemble
Cette nouvelle liste, tenue à jour, pourrait servir à orienter :
- Les mises en relation entre chômeurs et employeurs,
- La formation professionnelle des demandeurs d’emploi,
- Les évolutions de la formation initiale, qui en a bien besoin sur de nombreux secteurs.
Cette liste peut conditionner, dans un second temps
- L’embauche de travailleurs originaires des pays de l’Union européenne : embauche directe par une entreprise en France ou travailleurs détachés en situation légale et, enfin,
- Les choix d’entrée de travailleurs hors UE au titre de l’immigration économique.
La ministre du Travail admet d’ailleurs tout à fait clairement cette position[6] :
« Si dans certains territoires, ces efforts ne permettent pas de répondre aux difficultés de recrutement, alors recourir à l’immigration professionnelle est utile et légitime pour la France ».
Reste à en tenir compte dans la pratique.
En clair, le repérage et le suivi des métiers ou des fonctions pour lesquels existent des pénuries en France, lors des recrutements, a une importance beaucoup plus large que la seule immigration économique.
Le chiffre annoncé par la ministre de 33 000 titres de séjours à délivrer, à des étrangers hors UE, apparait bien trop précis avant toute estimation réelle des besoins !
LES ORGANISATIONS SYNDICALES FORMULENT DES CRITIQUES DIVERSES SUR CE PROJET DE QUOTAS D’ACCUEIL D’ÉTRANGERS HORS UNION EUROPÉENNE
Les organisations syndicales ont fait preuve d’une grande réserve quant à l’ouverture de cette concertation sur les « quotas professionnels »[7].
Les réactions des organisations font état de préoccupations de nature diverse, mais tenant compte de la situation des actifs déjà sur notre territoire : priorité à donner au retour à l’emploi des chômeurs, résidant en France, inscrits à Pôle emploi (français ou étrangers), régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière, etc.
En arrière-plan, apparait surtout une certaine incapacité des organisations syndicales à identifier les pénuries de candidats sur certains postes ou fonctions, accompagnée du refus de le reconnaitre !
UN TRAVAIL SÉRIEUX ET PRÉCIS DE CLARIFICATION DES MÉTIERS ET FONCTIONS EN TENSION RESTE ATTENDU POUR LA POLITIQUE DE L’EMPLOI ET CELLE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE.
PRÉCISION BMO
L’ENQUÊTE BESOINS EN MAIN-D’ŒUVRE MESURE UNE PRÉVISION QUANTITATIVE DES RECRUTEMENTS, MAIS PAS LES PÉNURIES DE CANDIDATS PAR POSTE.
L’enquête BMO sur les Besoins en Main-d’œuvre[8] est menée, chaque année, par Pôle emploi afin de connaître leurs besoins en recrutement par secteur d’activité et par bassin d’emploi. Elle donne une mesure de la demande prévisionnelle des entreprises[9]. Elle contribue à la connaissance du marché du travail. C’est ou outil précieux.
Mais elle ne mesure pas les difficultés de recrutement rencontrées.
Par exemple pour le BMO 2019, les projets de recrutement, non saisonniers par métier, ne correspondent pas forcément à des pénuries, mais à un juste à un nombre important de recrutements escomptés[10].
[1] « Cette concertation s’inscrit dans la continuité des annonces faites le 6 novembre dernier par le Premier ministre et la ministre du travail. »
[2] Communiqués de Muriel Pénicaud – Lancement de la concertation sur l’immigration professionnelle – 28/11/2019
[3] « La réunion a permis d’établir une méthode de travail et un calendrier pour trouver des solutions à ces problèmes. Il s’agira en particulier, d’ici mars 2020, de construire des outils et discuter avec les parties prenantes d’objectifs quantitatifs, ou quotas, par métiers ou familles de métiers, pour notre politique d’immigration professionnelle. Un point d’étape se tiendra au mois de janvier prochain. »
[4] Cadre de l’audit et du contrôle comptable. Conduite d’équipement de fabrication de l’ameublement et du bois et intervention technique en ameublement et bois. Conception et dessin produits mécaniques ou de produits électriques et électroniques. Dessin BTP. Inspection de conformité. Ingénieur production et exploitation des systèmes d’information. Conduite d’équipement de transformation du verre. Pilotage d’unité élémentaire de production mécanique. Conduite d’équipement de production chimique et pharmaceutique. Intervention technique en méthodes et industrialisation. Marchandisage. Téléconseil et télévente.
[5] Arrêté du 11 août 2011 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse
[6] Phrase de son communiqué.
[7] « La CGT refuse de s’inscrire dans une logique de tri sélectif des migrants et dans une concertation qui occulte la réalité sociale et économique du pays ! » Communiqué du 28/11/2019
[8] https://statistiques.pole-emploi.org/bmo/
[9] La base est un questionnaire adressé à 1,7 million d’établissements. Elle permet entre autres d’anticiper les difficultés de recrutement, d’améliorer l’orientation des demandeurs d’emploi vers des formations ou des métiers en adéquation avec les besoins du marché du travail, d’informer les demandeurs d’emploi sur l’évolution de leur marché du travail et les métiers porteurs.
[10] Agents d’entretien de locaux ; Aides à domicile et aides ménagères ; Aides-soignants ; Aides et apprentis de cuisine, employés polyvalents de la restauration ; Ingénieurs et cadres d’étude, R&D en informatique, chefs de projets informatiques, Employés de libre-service ; Ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires ; Conducteurs routiers ; Artistes (musique, danse, spectacles) ; Serveurs de cafés restaurants.
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