La loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République)[1] a près de quatre ans. Une mission parlementaire vient de rendre un rapport d’évaluation de l’impact de cette loi[2].
LE RAPPORT PARLEMENTAIRE SUR L’IMPACT DE LA LOI NOTRe EST TRÈS CRITIQUE.
Il décrit une loi « qui n’a pas atteint ses objectifs ». Sans entrer dans le détail, le rapport note trois points.
- La réforme a été menée à marche forcée et l’objectif principal de réduction des dépenses publiques n’a pas été atteint.
- L’organisation territoriale, plus complexe, a conduit à « une perte de proximité pour les citoyens».
- La répartition des compétences est devenue une source de rigidités[3] et d’insécurité juridique.
Le rapport propose de « rétablir la confiance et renforcer la liberté des collectivités territoriales ». Parmi les 21 propositions qui le concluent, deux d’entre elles concernent l’emploi et la formation.
IL PROPOSE DE CONFIER AUX RÉGIONS L’INTÉGRALITÉ DE LA GESTION DU FSE
Le rapport propose de confier aux régions l’intégralité de la gestion du FSE, « tout en maintenant une délégation de gestion aux départements pour le volet relatif à l’insertion » (Mesure 12).
Les Régions disposent déjà de 35% de l’enveloppe du FSE. Cette mesure reviendrait à enlever cette responsabilité au ministère du Travail (DGEFP), ou du moins la réduire drastiquement. Il n’est pas certain que cela règle les problèmes actuels attachés à la gestion du FSE ni la répartition territoriale à respecter par les fonds européens…
Lire le Billet : « À QUOI SERVENT LES FONDS EUROPÉENS EN MATIÈRE D’EMPLOI ? » 25/11/19 – https://bit.ly/2OijTCF
IL SOUHAITE ÉGALEMENT PERMETTRE À DES RÉGIONS DE COORDONNER L’ACTION DE POLE EMPLOI CONCERNANT LES VOLETS « FORMATION » ET « ACCOMPAGNEMENT DES CHÔMEURS ».
Le rapport affirme que « Les régions demandent aussi une clarification de la répartition des compétences pour la mise en œuvre des politiques publiques d’emploi et d’insertion[4]. » (Mesure 13)
Cette formule reste floue, mais elle est traduite.
Le rapport propose, par conséquent, de permettre aux régions volontaires de coordonner l’action de Pôle emploi concernant les volets formation et accompagnement des chômeurs.
Le rapport reprend ici sur une revendication ancienne de certains Conseils régionaux. L’idée de transférer aux Régions le contrôle des Directions régionales de Pôle emploi a déjà fait l’objet de débats successifs. Pour résumer, « les Régions sont gourmandes ». Cette nouvelle demande vient compléter l’évolution engagée.
En octobre 2019[5], le Premier ministre vient déjà d’annoncer, le lancement d’une expérimentation pour coordonner l’action de Pôle emploi dans le domaine de la formation professionnelle, dans trois régions volontaires en 2020. La perspective est de généraliser cette expérimentation, si elle s’avère probante…
Un gouvernement pourrait avoir l’idée de « noyer l’image du chômage » par une dispersion régionale, comme cela a pu être évoqué (par exemple, chômage en Normandie, en Occitanie, etc.). La responsabilité étant celle des Régions !
Mais dans l’immédiat, l’établissement public national, Pôle emploi, reste défendu par l’État et conforté par le financement croissant de l’Unédic.
Le compromis, adopté par le gouvernement, porte donc sur des délégations ponctuelles de fonctions de Pôle emploi à des régions volontaires (formation professionnelle des chômeurs, etc.).
Il ne faut pas oublier que toutes les régions ne sont pas demandeuses d’une extension de leurs compétences (avec ou sans financements) dans le domaine de la formation et de l’emploi.
L’extension proposée par le Rapport porte ainsi sur la coordination régionale de l’accompagnement des chômeurs. Tout dépend donc sur ce que signifie exactement cette coordination. Le débat est ouvert.
Il importe que l’emploi demeure une compétence nationale.
LA CONCRÉTISATION DE CES PROPOSITIONS POURRAIT SE PRODUIRE EN 2020.
Le rapport estime qu’il est nécessaire de tirer les conséquences des échecs de la loi NOTRe, sans bouleverser à nouveau notre organisation territoriale.
Comme le projet de loi relatif à « l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité » vient d’être adopté, les rapporteurs espèrent donc que leurs propositions pourront alimenter la réflexion sur le futur projet de loi « décentralisation, différenciation et déconcentration (3D) », dont le Gouvernement a annoncé le dépôt au premier semestre 2020[6].
[1] La loi du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) porte principalement sur la réorganisation des compétences des différentes catégories de collectivités et de leurs groupements.
[2] Rapport d’information à l’Assemblée nationale du 18 décembre 2019 – Rapport d’information déposé en application de l’article 145-7 du règlement par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2015-991 du 7 aout 2015 relative a la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) et présenté par MM. Bruno Questel et Raphaël Schellenberger, Députés. http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i2539.pdf
[3] L’intercommunalité et la région à la légitimation ont été trop privilégiées au détriment de la commune et du département.
[4] « Les articles 6 et 7 de la loi NOTRe ont ouvert la possibilité d’une délégation de compétences de l’État pour la coordination des acteurs du service public de l’emploi autres que Pôle emploi (missions locales, plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, Cap emploi et Maisons de l’emploi) et la mise en œuvre de la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences. Des délégations ont été mises en œuvre pour cinq régions (Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur) et pour la collectivité de Corse. »
[5] Lors du congrès des Régions à Bordeaux.
[6] « L’enjeu est essentiel, puisqu’il s’agit de restaurer la confiance et de renforcer la liberté des collectivités territoriales, afin de redonner tout son sens à la décentralisation. »
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