LUTTE CONTRE L’ILLETTRISME : L’ACCENT EST MIS SUR LE REPÉRAGE PAR LES PROFESSIONNELS DE L’EMPLOI ET LES EMPLOYEURS.
La ministre du Travail vient de préciser les suites qu’elle entendait donner aux propositions du rapport[1] sur la lutte contre l’illettrisme[2]. Elle a déclaré :
« L’illettrisme et l’illectronisme sont souvent et malheureusement cachés. C’est la responsabilité de tous, et de l’État en dernier ressort, d’aider les personnes concernées à sortir de cette situation. C’est un enjeu de liberté individuelle pour les personnes, de responsabilité sociale pour les entreprises et de protection d’un droit fondamental pour l’État. » – la ministre du Travail
Par rapport aux 20 recommandations du rapport[3], l’accent est mis sur le repérage des personnes concernées, par le SPE et chaque employeur, devant déboucher sur un accompagnement et une formation minimale.
L’évaluation préalable CLéA[4] devrait être mobilisée par tous les conseillers de personnes en insertion ou en recherche d’emploi pour identifier les problèmes, et rester gratuit[5].
Reste à obtenir que l’engagement du salarié, ou du demandeur d’emploi, dans un parcours CléA se fasse sans imputer son CPF, ni son CPF de transition.
Le cas de certains salariés des fonctions publiques n’est malheureusement pas abordé, alors que le problème existe parmi les personnels de catégorie C, ou les contractuels, en particulier de la fonction publique territoriale.
Pour les salariés des entreprise, un diagnostic mettant en évidence les « coûts cachés » importants de l’illettrisme devrait être élaboré et diffusé.
Les branches professionnelles et les opérateurs de compétences (OPCO) devraient être incités à élaborer des politiques de lutte contre l’illettrisme.
Puis, suivent des conditions d’organisation tendant à : « consolider et développer un réseau de correspondants illettrisme[6]», mettre en place, de façon pérenne, « un outil de mesure de la situation de l’illettrisme en France» ou« Renforcer le rôle de l’ANLCI en incluant toutes les Régions et tous les OPCO, et en créant un bureau, instance resserrée de gouvernance».
L’ILLETTRISME CONCERNERAIT 6% DES PERSONNES EN EMPLOI ET 10% DES DEMANDEURS D’EMPLOI.
Le rapport rappelle le constat de l’importance de l’illettrisme parmi la population, scolarisée en France.
« 2,5 millions de personnes, soit 7% de la population âgée de 16 à 65 ans scolarisés en France ne maîtrisent pas les compétences de base nécessaires en lecture, écriture et calcul pour être autonomes dans des situations simples de leur vie quotidienne. », selon les données nationales de 2011.
Ces chiffres ne prennent pas en compte l’analphabétisme qui concerne des personnes n’ont scolarisées en France, ni la problématique du « français langue étrangère (FLE) ».
LA LIAISON AVEC L’ÉDUCATION NATIONALE EN CHARGE DE LA FORMATION INITIALE N’EST PAS ÉVOQUÉE
L’absence de continuité de l’effort entre Éducation nationale et Travail apparait choquante, quand on sait que le taux de jeunes en difficulté sur les savoirs de base à la sortie du système de formation est estimé à 9%[7], à l’occasion de la journée Défense et Citoyenneté.
Les obligations légales figurant dans le Code de l’éducation et le Code du travail[8] ne suffisent pas à répondre à la question de l’illettrisme. La responsabilité du système éducatif apparait entière.
SEULE EST ABORDÉE LA QUESTION DES JEUNES EN APPRENTISSAGE
Par exemple, le rapport rappelle que les jeunes en difficulté avec les savoirs de base rencontrent, de ce fait, des obstacles pour obtenir un contrat d’apprentissage et, lorsqu’ils l’obtiennent, sont fortement exposés au risque de rupture anticipée de ce contrat[9].
Le caractère effectif du financement par le PIC des actions de prévention et de formation[10] des apprentis pour répondre à ces difficultés reste à confirmer dans la pratique. La proposition visant à augmenter si nécessaire, le volume d’heures du contrat d’apprentissage, pour assurer la formation aux savoirs de base, semble de bon sens, mais risque de connaitre des freins.
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La ministre du Travail reconnait bien le problème de l’illettrisme, mais les mesures annoncées par la ministre ne semblent pas à la hauteur de l’enjeu de par leur architecture[11] comme par leur contenu. Rien de bien neuf par rapport à un objectif qui fait consensus.
[1] Mission relative à la lutte contre l’illettrisme – Rapport établi par MM. Yves HINNEKINT et Christian JANIN – Rapporteur de la mission : Mireille GAÜZERE, IGAS – Octobre 2019
[2] À l’occasion de l’Assemblée générale de l’ANLCI lundi 2 décembre 2019.
[3] https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_de_la_mission_relative_a_la_lutte_contre_lillettrisme.pdf
[4] CleA et CleA numérique sont des référentiels travaillés en commun par les partenaires sociaux et l’État permettant de valoriser les savoirs, savoirs faire et savoirs être relatives aux compétences de base. https://www.moncompteformation.gouv.fr/espace-public/clea
Le CLéA est la première certification interprofessionnelle à destination des salariés et demandeurs d’emploi peu qualifiés ou non diplômés. « Reconnue partout en France et dans les entreprises de tous les secteurs, la certification professionnelle CléA permet de valoriser les compétences acquises auprès de vos employeurs et recruteurs, acquérir de nouvelles compétences le cas échéant, avancer dans son parcours professionnel. »
Les 7 domaines de compétences de la certification CLéA sont :
- La communication en français : écouter et comprendre/ s’exprimer à l’oral / lire / écrire / décrire et formuler)
- L’utilisation des règles de base de calcul et du raisonnement mathématique.
- L’utilisation des techniques usuelles de l’information et de la communication numérique.
- L’aptitude à travailler dans le cadre de règles définies d’un travail en équipe.
- L’aptitude à travailler en autonomie et à réaliser un objectif individuel.
- La capacité d’apprendre à apprendre tout au long de la vie.
- La maîtrise des gestes et postures et le respect des règles d’hygiène, de sécurité et environnementales élémentaires..
[5] « Il importe d’inscrire résolument l’illettrisme dans la formation professionnelle en s’appuyant dans toute la mesure du possible sur la modularisation de CléA pour valider chaque étape du parcours d’acquisition des savoirs de base, d’obtenir que CléA soit accessible gratuitement pour tout salarié sans qualification professionnelle. » –Rapport
[6] Ces correspondants seraient, sous la responsabilité de l’ANLCI, sur l’ensemble du territoire métropolitain ainsi que les DOM. Actuellement, sept régions n’ont pas de correspondant : Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, PACA, Pays de Loire, Corse, Guadeloupe et Guyane).
[7] « Les résultats des tests organisés pour l’ensemble des jeunes de 16/17 ans à l’occasion de la journée Défense et Citoyenneté mettent en évidence l’arrivée, chaque année, sur le marché du travail, de cohortes de l’ordre de 30 000 jeunes supplémentaires en situation d’illettrisme et, au total, d’environ 70 000 jeunes, soit 9% de la classe d’âge, en grande difficulté avec les savoirs de base. Faute de remédiation, ces derniers risquent de basculer dans l’illettrisme à l’âge adulte. » – Rapport
[8] « L’inscription tant dans le Code de l’éducation que dans le Code du travail de l’accès aux compétences de base et des actions de lutte contre l’illettrisme organise un mécanisme complet de déploiement et de financement desdites actions au titre de la formation initiale, de la formation tout au long de la vie ainsi que, depuis 2015, des Régions. » – Rapport
[9] « Il est essentiel d’assurer la réussite des parcours en apprentissage pour les jeunes en situation d’illettrisme en développant massivement, comme prévu par le PIC, les capacités en termes de préapprentissage et de GEIQ. Dans les cas où cela est nécessaire, on pourra financer au titre de l’alternance une préparation opérationnelle à l’emploi (POE) en amont du contrat. » – Proposition du Rapport
[10] « La mission propose aussi d’introduire systématiquement une sensibilisation au repérage et à la pédagogie en matière d’illettrisme dans la formation des tuteurs (pour les contrats de professionnalisation) et des maitres d’apprentissage (pour les contrats d’apprentissage) et de former via l’ANLCI (financement via le PIC) des salariés de chaque CFA à la prise en compte des difficultés des apprentis avec les compétences de base. »
[11] Billet : « La lutte contre l’illettrisme tourne en rond » – https://bit.ly/31axSPH
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