Pour lutter contre le recours aux contrats courts et répétés, la réforme de l’assurance chômage[1] a prévu une modulation du taux de cotisation patronale d’assurance chômage, dit « bonus-malus ». Mais cette mesure ne concerne que les entreprises de 11 salariés et plus, dans seulement sept branches professionnelles.
Pour inciter les entreprises à faire évoluer leur pratique en matière de contrats de travail, une modulation du taux de cotisation patronale d’assurance chômage actuellement de 4,05% doit être fixé entre à 3% (bonus) et 5,05% (malus).
POUR FIXER LE TAUX DE COTISATION PATRONALE D’ASSURANCE CHÔMAGE, UN « TAUX DE SÉPARATION » SERA CALCULÉ POUR CHAQUE ENTREPRISE.
Ce taux correspond :
« au nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim, assorties d’une inscription à Pôle emploi, hors démissions et autres exceptions prévues par la réglementation, rapportée à l’effectif annuel moyen ».
Le taux de cotisation d’indemnisation chômage[2], pour chaque entreprise, sera calculé par les Urssaf et la MSA en fonction des données dont elles disposeront sur les salariés pour l’année 2020. Puis, il sera notifié aux entreprises concernées et appliqué au 1er mars 2021[3] et recalculé chaque année[4].
Parallèlement à cette mesure concernant les employeurs, pour les salariés en contrat court et répétés, de nouvelles règles d’indemnisation du chômage[5] ont été mises en place en novembre 2019 et d’autres seront effectives le 1er avril 2020.
Le cumul de l’effet des nouvelles règles d’indemnisation (pour les salariés) et du système de bonus/malus (pour les employeurs) est encore difficile à prévoir.
Pour les salariés, il peut, soit déboucher sur une amélioration de leurs contrats de travail, soit, a contrario, sur un accroissement de la précarité avec travail non déclaré, renvoi vers l’indemnisation chômage ou les aides sociales (ASS, RSA, etc.).
CE DISPOSITIF DE BONUS MALUS CONCERNE SEPT SECTEURS D’ACTIVITÉ
Ce dispositif de bonus-malus est ciblé sur sept secteurs d’activité dont le « taux de séparation » moyen a été estimé, a priori, comme supérieur à 150%.
Il concerne plus de 20% des effectifs du secteur privé, soit près de 4 millions de salariés[6] dans les secteurs suivants[7] :
- Production et distribution d’eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution,
- Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac,
- Travail du bois, industries du papier et imprimerie,
- Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques,
- Transports et entreposage,
- Hébergement et restauration,
- Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques.
LE MINISTÈRE DU TRAVAIL PROPOSE AUX ENTREPRISES DES SOLUTIONS SELON LES DIFFÉRENTS CAS.
Au-delà de la sanction possible (malus), une incitation faite aux entreprises de changer leur politique de recrutement et le type de contrat de travail apparait.
Pour cela, le ministère du Travail illustre la démarche en donnant des exemples précis[8] :
- Une PME du secteur de l’exploitation forestière qui recourt à beaucoup de CDD d’usage en raison du caractère variable de son activité.
- Une PME du secteur de la restauration collective qui fait appel à de nombreux remplaçants afin de répondre aux exigences de continuité de service ou d’activité et en raison d’un taux d’absentéisme important.
- Une PME du secteur de la restauration mobilisant des salariés saisonniers pour faire face aux pics d’activité liés au tourisme et aux salariés en contrats d’extra pour s’adapter à des pics ponctuels d’activité difficiles à prévoir (facteurs météorologiques, réservations de dernière minute, autres facteurs exogènes).
- Une PME du secteur de l’agroalimentaire ayant recours aux saisonniers pour répondre aux besoins de la production agricole.
- Une Entreprise de Taille Intermédiaire (ETI) du secteur de la plasturgie très utilisatrice d’intérimaires.
- Une PME du secteur de la logistique faisant appel à de nombreux intérimaires pour faire face aux pics d’activité.
Des fiches du ministère proposent, en fonction de leur situation, des outils que chaque entreprise peut mobiliser afin de réduire son nombre de « séparations suivies d’une inscription au chômage » :
- Recours à un groupement d’employeurs,
- CDI intérimaire,
- Contrat de travail intermittent,
- Contrat à durée déterminée de chantier ou d’opération ou
- CDD multi-remplacement.
Mais aussi aménagement du temps de travail, complément d’heures pour les salariés à temps partiel, heures supplémentaires pour les salariés à temps complet ou négociation collective.
Elles renvoient, si besoin, vers les « Services aux entreprises » des Direcctes, vers les partenaires sociaux de branche s’agissant de la négociation collective et vers la consultation de ressources documentaires.
LE DISPOSITIF DE BONUS/MALUS INVENTÉ PRÉSENTE DES LIMITES ÉVIDENTES.
Outre sa complexité, le dispositif bonus/malus mérite plusieurs remarques.
Le choix des sept secteurs apparait assez limitatif. Le fait que les activités du secteur du BTP et de certains secteurs industriels ayant recours fréquent à l’intérim ne soient pas concernés, apparait comme un choix politique (c’est-à-dire d’un accord implicite entre gouvernement et organisations patronales),
La non-application aux TPE (moins de 11 salariés) écarte tout un champ d’employeurs mobilisant des contrats courts du dispositif, comme dans le secteur de la restauration par exemple.
La faible variation de la cotisation de 4,05% à 5,05% (+1 point) apparait à la plupart des employeurs comme peu significative et donc non dissuasive ! Idem pour un bonus d’un -1,05 point ! Il est vrai qu’une trop forte pression inciterait au recours plus fréquent au travail au noir, déjà assez fréquent.
Mais par contre, les suggestions faites en faveur de solutions plus pérennes semblent intéressantes, dans la mesure où elles peuvent inciter des entreprises à s’engager dans la fidélisation des personnels concernés. Même si les solutions évoquées ne semblent pas évidentes à adopter dans la pratique…
[1] Décret du 26 juillet 2019 modifié.
[2] Un simulateur indicatif est proposé aux entreprises pour qu’elles puissent anticiper le taux de cotisation d’assurance chômage, en fonction du par le bonus-malus. L’entreprise pourra ainsi avoir une estimation du taux de contribution modulé qui pourrait lui être appliqué. https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/bonus-malus/article/simulateur-pour-les-entreprises
[3] « Toutes les fins de contrats à partir de cette date seront prises en compte pour le calcul du taux de contribution, dont la première modification interviendra au 1er mars 2021. »
[4] « Chaque année, le taux de contribution sera recalculé à partir des fins de contrat de travail ou de missions d’intérim constatées dans les entreprises concernées l’année précédente. »
[5] « Les règles d’indemnisation seront revues de façon à ce qu’il ne soit plus possible d’avoir une indemnisation chômage qui soit supérieur à la moyenne des revenus du travail. Les indemnités chômage seront désormais calculées sur le revenu mensuel moyen du travail, et non sur les seuls jours travaillés comme aujourd’hui. Les indemnités chômage obéiront à un principe simple, clair et équitable : à travail égal, allocation égale. Le capital de droits ne diminuera pour personne. Les indemnités chômage ne pourront jamais être inférieures à 65 % du salaire net mensuel moyen. Elles ne pourront jamais dépasser le montant du salaire net mensuel moyen, alors qu’elles. Par exemple, tous les salariés, qui ont gagné en moyenne 1 200 € par mois (soit l’équivalent du SMIC) sur une période d’un an, auront une indemnité de 960 € par mois pendant 12 mois. »
[6] Secteurs concernés par le bonus-malus et effectifs au 3e trimestre 2019.
Intitulé |
Effectifs |
Production et distribution d’eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution |
191 100 |
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac |
586 200 |
Travail du bois, industries du papier et imprimerie |
172 000 |
Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques |
262 700 |
Transports et entreposage |
1 409 600 |
Hébergement et restauration |
1 122 300 |
Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques |
218 600 |
Ensemble |
3 962 500 |
Part des effectifs du privé |
20,2% |
[7] « Conformément à l’arrêté du 27 novembre 2019 relatif aux secteurs d’activité et aux employeurs entrant dans le champ d’application du bonus-malus, l’affectation d’une entreprise dans l’un de ces secteurs d’activité est effectuée en fonction de l’activité économique principale qu’elle exerce (code APE) et de la convention collective qu’elle applique (code IDCC), les deux critères étant cumulatifs. »
[8] https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/bonus-malus/article/cas-types-bonus-malus
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