À lire un éditorial hier, intitulé « Chômage : préserver les recettes qui marchent »[1], d’un quotidien national, je me suis interrogé sur les sens des propos excessifs tenus, pour plusieurs raisons.
La première raison est que, dans le même journal, est paru le même jour un article beaucoup plus nuancé sur le chômage intitulé : « Chômage : les nuages qui se cachent derrière les bons chiffres ». Ce dernier article fait un rapide tour d’horizon assez pertinent de la situation actuelle[2] et les perspectives pour 2020.
La seconde raison est que l’amélioration de la situation évoquée par l’éditorialiste repose bien sûr une diminution du nombre des inscrits à Pôle emploi en catégorie A, depuis le début du quinquennat. Il se chiffre effectivement à une diminution de -190 500 demandeurs d’emploi, soit -5,1%.
Mais la diminution du nombre de l’ensemble des personnes tenues à une recherche (A, B et C) n’a diminué que de 2%, soit 116 300[3]. Cette amélioration est plus faiblement significative. Et encore ne prend-elle pas en compte les transferts de chômeur dans les autres catégories pour passage en formation et orientation vers la création d’entreprises à fin 2019…
La troisième raison est que cet éditorialiste vante la politique menée depuis 2017. Il semble oublier que l’essentiel de l’effet sur la croissance provient de la période antérieure. Le taux de croissance n’a fait que diminuer depuis, avec des conséquences qui commencent à suivre.
Il affirme que les « grandes réformes sociales du début du quinquennat semblent porter leurs fruits : allègement du droit du travail, révision de l’assurance chômage, revalorisation de l’apprentissage, baisse du coût du travail… ».
1. On ne peut qu’être réservé sur l’impact global des « allègements du droit du travail » qui n’ont pas été précisément mesurés en terme d’emploi.
2. On ne peut que s’interroger sur l’influence sur l’emploi de la « révision de l’assurance chômage », mesure destinée à faire des économies sur le régime plus que pour développer l’emploi, et de toute manière quasiment pas encore opérationnelle. L’application des premières mesures remontent à novembre 2019.
3. Reste le dernier argument : la baisse du cout du travail. Il s’agit là sans aucun doute d’un facteur favorable à l’emploi, mais pas exclusivement ! La baisse des cotisations patronales peut être l’un des facteurs favorables à l’emploi, mais l’économie réalisée est aussi employée pour investir, verser des dividendes, etc. De plus, il faut peser le poids des conséquences des transferts fiscaux induits par une baisse de cotisation.
Cet argument met en évidence la motivation de cet éditorialiste enthousiaste en faveur de la politique menée par le gouvernement depuis 2017 en faveur de l’emploi. Le seul but de son propos est de mettre en garde contre une « hausse des cotisations patronales » à l’occasion de la « Conférence de financement des retraites » qui se tiendra le 30 janvier 2020.
Je le cite : « Accepter une hausse du coût du travail serait donc une profonde erreur économique, en même temps qu’un renoncement politique de la part du gouvernement. »
Le cadrage formulé par écrit par le Premier ministre exclut explicitement tout relèvement des cotisations patronales, lors de cette Conférence, mais le patronat demeure apparemment inquiet !
***
Les propos sur l’évolution du nombre des chômeurs et des actifs en emploi méritent un regard critique, dans la mesure où ces sujets font l’objet d’une communication politique permanente qui a pour ambition d’habiller la réalité…
[1] « Chômage : préserver les recettes qui marchent » – Nicolas Beytout – L’Opinion – 27 Janvier 2020 à 19h44
[2] « Chômage : les nuages qui se cachent derrière les bons chiffres » – Jade Grandin de l’Eprevier 27 Janvier 2020 à 17h45
[3] Évolution du nombre des inscrits à Pôle emploi, depuis le début du quinquennat (Chiffres DARES Indicateurs – 27/01/20).
A |
A, B et C |
|
T3 2017 |
3 744 200 |
5 856 500 |
T4 2019 |
3 553 700 |
5 740 200 |
Évolution |
190 500 |
116 300 |
En % |
5,1% |
2,0% |
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