LE SERVICE CIVIQUE VA FÊTER SES 10 ANS
A l’occasion des 10 ans du Service Civique en 2020, l’Agence du Service Civique (ASC)[1] a mis en ligne une plateforme consultative pour collecter des témoignages et des propositions d’axes de développement. Les contributions seront prises en compte jusqu’au 10 mars 2020, puis feront l’objet d’une synthèse et donneront lieu à un rapport intitulé « Dix ans de Service Civique – Constats et perspectives » destiné aux décideurs politiques, à fin mars 2020.
L’ASC projette de choisir une « grande cause », ainsi que des causes prioritaires, pour l’année 2020-2021. A cette fin, elle a lancé une consultation sur une liste fermée de 10 « propositions de thématiques sociétales fortes »[2].
Ce mode de choix de « grande cause » apparait assez contestable compte tenu du choix proposé. Il aurait été préférable de rester sur un choix ouvert, d’autant que les 10 propositions interfèrent pour la plupart !
DE L’ORDRE DE 80 000 CONTRATS DE SERVICE CIVIQUE SONT SIGNES PAR AN.
345 000 contrats de service civiques ont été signés en 9 ans (2010 à 2018)[3].
Le nombre de contrats signés chaque année à progressivement augmenté.
2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 |
6 008 | 13 403 | 19 481 | 19 945 | 21 925 | 38 139 | 63 044 | 79 080 | 83 904 |
En incluant 2009, la présidente de l’ASC[4] annonce que plus de 425 000 volontaires se sont engagés en Service Civique ; ce qui suppose environ 80 000 contrats signés en 2019.
Le nombre de service civique annoncés sur un an comptent les contrats d’une année et de la suivante, car la plupart des missions se situe à cheval sur deux années. Ils sont donc « gonflés ». Pour 2018, par exemple, le ministère parle de 140 265 « volontaires en mission dans l’année » (stock) pour 83 904 « contrats signés au cours de l’année » (flux).
En 2020, le budget du Service Civique est de 508 M€, soit une progression de 13 M€ (+2,6%)[5]. Il est le principal dispositif du programme « Jeunesse et vie associative », dont il mobilise 77% des crédits, pour permettre l’accueil de volontaires en 2020. La place prise par le financement du service civique dans le programme 163, Jeunesse et vie associative, est écrasante[6].
Son objectif reste de « Favoriser l’engagement et la mobilité de tous les jeunes »[7]. Mais son indicateur de performance porte bizarrement uniquement sur la « Part des jeunes considérés comme éloignés parmi les jeunes engagés dans une mission de service civique »[8].
Il existe une confusion dommageable entre la logique générale d’engagement de la jeunesse et une fonction sociale ciblée sur un public, depuis 10 ans.
LE JEUNE EN SERVICE CIVIQUE A UN STATUT SPÉCIFIQUE DE JEUNE VOLONTAIRE.
Il n’est ni salarié, ni stagiaire, ni bénévole. Il perçoit mensuellement :
- Une indemnité minimale de 473 €,
- Une prestation d’un montant minimum de 107 €, en nature ou en espèces, correspondant aux frais d’alimentation ou de transports.
Le cumul des deux est d’environ 580 €, c’est-à-dire du même ordre que le montant du RSA (560 €).
En cas de « situation sociale ou financière difficile », un supplément de 108 € peut être versé aux étudiant bénéficiaire d’une bourse sur critères sociaux de 5è, 6è ou 7è échelon ainsi qu’aux bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA jeune actif). Ces circonstances restent rares.
LES TRANSITIONS ENTRE EMPLOI OU CHÔMAGE ET SERVICE CIVIQUE SONT FACILITÉES.
Une rupture de contrat de travail pour effectuer un service civique est considérée comme une démission légitime, donc à une indemnisation éventuelle après la mission.
Les droits à l’indemnisation chômage, en cours, sont rétablis à la fin du SC[9]. Le volontaire reste inscrit à Pôle emploi, mais en catégorie D (personnes sans emploi, non immédiatement disponibles et à la recherche d’un emploi).
LE PRINCIPE FONDATEUR DE LA NON-SUBSTITUTION DU SERVICE CIVIQUE A L’EMPLOI NE SEMBLERAIT PAS PLEINEMENT RESPECTÉ.
Sur le principe, la formule du service civique répond à des attentes et des besoins incontestables des jeunes et de la société[10].
Mais des questions se posent au niveau du rapport entre le service civique et l’emploi. Elles méritent réflexion.
- Les motivations initiales des jeunes sont diverses. Une part d’entre eux considèrent en partie, ou même totalement, le service civique comme une simple source de revenu (ce qui n’exclut pas la motivation purement citoyenne). En l’absence d’un accès au RSA, des jeunes de moins de 25 ans signent une mission de SC pour un montant du même ordre.
- Les besoins des employeurs publics ou de l’économie sociale sont, parfois, celui de pourvoir un emploi. Il suffit de consulter les offres de SC pour se rendre compte de cette réalité. La disparition des jeunes en emploi aidé, ces trois dernières années, a suscité des stratégies de remplacement pour répondre à des besoins de fonctionnement des activités.
- Une mission de service civique apporte normalement une assurance, expérience et des compétences comportementales en milieu de travail (une ligne sur le CV), mais elle ne constitue pas une préparation à l’insertion professionnelle, dans la majeure partie des cas. La question de la préparation de l’après-service civique reste généralement de mise (car ce n’est pas le métier des associations ou établissements d’accueil).
Un regard plus critique sur les offres de mission me semble indispensable pour prévenir les détournements du service civique. Derrière les intitulés de façade se trouvent des missions qui ressemblent souvent à des emplois, à temps partiel, nécessitants des qualifications implicites ou explicites comme secrétariat, communication, numérique, évènementiel, etc.
Après une phase de démarrage, à peu près vertueuse mais lente, l’augmentation du nombre de mission a été permise par certain laisser-aller du contrôle de la nature des mission proposées par rapport à des emplois.
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RAPPEL SUR L’ACCÈS DES JEUNES AU RSA ET SON MONTANT.
Le RSA concerne des jeunes de 25 ans et plus et, ponctuellement, certains jeunes de moins de 25 ans :
- Femmes enceintes ou ayant au moins un enfant à charge.
- Jeunes sans enfant, ayant exercé une activité à temps plein, durant au moins 2 ans sur les 3 dernières années[11].
Le montant du RSA de base est actuellement de 560 €[12]. Ces règles sont susceptibles d’évoluer au terme de de la concertation institutionnelle et citoyenne sur le Revenu Universel d’Activité (RUA), débutée en juin 2019 par la ministre des Solidarités et de la Santé.
[1] L’Agence du Service Civique, constituée sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP), a été créée en 2010. Elle assure à la fois la mise en œuvre du Service Civique, engagement volontaire de 6 à 12 mois ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans, et jusqu’à 30 ans pour les jeunes en situation de handicap, et, depuis 2016, la déclinaison française des volets Jeunesse & Sport du programme européen Erasmus+ et du Corps européen de solidarité. www.service-civique.gouv.fr
[2] Les choix proposés sont les suivants : Égalité femmes-hommes, Transition écologique, Inclusion des personnes en situation de handicap, Lutte contre l’isolement des personnes âgées, Lutte contre l’échec scolaire, Favoriser une société interculturelle et ouverte sur le monde, Inclusion numérique, Lutte contre les discriminations, Lutte contre l’exclusion et Citoyenneté européenne.
[3] Source : ELISA (au 27 mai 2019). Traitement : Agence du Service Civique
[4] Présidente de l’Agence du Service Civique, Béatrice Angrand.
[5] PLF 2020 – 11 Sport jeunesse et vie associative – Présentation de la programmation pluriannuelle Mission Programme 163.
[6] Autorisation d’engagement « Jeunesse et vie associative » demandé en 2020
PROGRAMME 163 | Montant | Part en % |
Développement de la vie associative | 53 944 402 € | 8,1% |
Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire | 71 610 327 € | 10,8% |
Développement du service civique | 508 150 735 € | 76,6% |
Service National Universel | 30 000 000 € | 4,5% |
Ensemble « Jeunesse et vie associative » | 663 705 464 € | 100,0% |
[7] « Le service civique s’inscrit dans un objectif de développement des politiques de jeunesse innovantes en favorisant notamment l’insertion des jeunes à travers leur engagement, tout en leur permettant de développer leurs compétences. Il a vocation à faire émerger une génération de citoyens engagés souhaitant consacrer du temps au service de la collectivité à travers une expérience reconnue et valorisée dans leur parcours. »
[8] Part des jeunes en mission de service civique, en difficulté : Indicateurs
Part des jeunes : | 2017
Réalisation |
2019
Prévision actualisée |
2020
Prévision |
Sorti du système scolaire sans aucun diplôme | 17% | 18% | 19% |
Percevant l’indemnité complémentaire | 8% | 7,5% | 7,5% |
Résidant dans les quartiers politiques de la ville (QPV) | 13% | 14% | 15% |
[9] Le versement des allocations chômage est suspendu pendant la durée de la mission et reprend lorsqu’elle est terminée. La mission n’a pas de conséquence sur le montant et la durée des allocations chômage.
[10] « Le service civique s’inscrit dans un objectif de développement des politiques de jeunesse innovantes en favorisant notamment l’insertion des jeunes à travers leur engagement, tout en leur permettant de développer leurs compétences. Il a vocation à faire émerger une génération de citoyens engagés souhaitant consacrer du temps au service de la collectivité à travers une expérience reconnue et valorisée dans leur parcours. » Rapport 2018 ASC
[11] Sont prises en compte : les activités salariées et non salariées, les heures d’activité occasionnelle ou réduite accomplies pendant des périodes de chômage et ayant donné lieu au maintien des allocations chômage et les heures d’activité accomplies dans le cadre d’un contrat de volontariat dans les armées, sauf les heures de formation.
[12] Personne seule sans enfant à charge.
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