Des organisations syndicales (CFDT[1], CGT, puis FO) ont demandé un report de la phase 2 de la réforme de l’assurance chômage qui devrait débuter au 1er avril[2].
UN DOUTE EXISTE SUR L’APPLICATION DE LA REFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE EN AVRIL
La ministre du Travail a déclaré réfléchir à une modification du dispositif initial[3] :
« D’ici quelques jours, on annoncera ce qu’on fait pour les chômeurs qui sont aussi des travailleurs précaires, on est en train de regarder différentes options. » (…) « Il y a un contexte nouveau, je suis pragmatique, il faut qu’on fasse ce qui est plus efficace pour les travailleurs précaires. »
La réforme du calcul de l’indemnisation chômage des travailleurs, qui alternent pour un temps contrats courts et courtes périodes de chômage, doit diminuer significativement l’allocation chômage pour les personnes, dont la fin de contrat de travail interviendra après le 1er avril. Son effet sera donc progressif… Elle doit, selon l’estimation officielle, se traduire par une économie de 1,1 milliard d’euros à partir de 2021.
Selon l’Unédic, quelque 850 000 nouveaux entrants auraient une allocation mensuelle plus faible de 22% en moyenne (de 905 à 708 euros).
Je fais le choix de ne pas utiliser le qualificatif de « travailleurs précaires » ou de « permittents », car ces qualificatifs visent isoler des salariés dans une catégorie à part de l’ensemble, alors qu’il n’y a aucunement lieu de le faire.
Une grande partie d’entre eux travaillent dans les secteurs qui sont les premiers impactés par la crise sanitaire dû à l’épidémie de COVID-19 : le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel, etc. pour lesquels l’activité chute ou disparait. Cette réduction résulte de la baisse de la demande et des décisions politiques de réduction des activités sociales, telle l’interdiction des rassemblements de plus 100 personnes.
La disparition incontournable de ces contrats courts, dans l’immédiat, sur ces secteurs va faire basculer la plupart de ces salariés dans le chômage, sans aucun contrat court, et la diminution de leur indemnisation sera plus pesante[4].
MAIS RIEN DE CONCRET N’A ENCORE ÉTÉ DÉCIDÉ PAR LA MINISTRE.
Mais le principe d’une remise en cause de la réforme de l’indemnisation chômage, devant l’évolution du contexte économique, ne s’accompagne jusqu’à présent d’aucun engagement de reporter les mesures relevant de l’application du Décret.
Les professionnels de l’emploi craignent une mise en scène par le ministère du Travail d’un nuage de fumée, valorisant simplement des mesures déjà programmées, depuis longtemps :
- Des « mesures d’accompagnement » par des prestataires privés (déjà sélectionnés sur appels d’offres régionaux),
- Des programmes de formation (financés par le PIC ou les PRIC) et
- Un site dédié, conçu par Pôle emploi.
La portée de ces mesures apparait marginale en temps ordinaire et pratiquement sans effet en période de crise.
Rien n’est décidé au niveau du ministère, l’incertitude prime donc à deux semaines de l’application du décret de réforme…
[1] « Les travailleurs précaires et les chômeurs seront parmi les premières victimes des conséquences économique du coronavirus. Le gouvernement doit renoncer à l’entrée en vigueur au 1er avril des règles d’assurance chômage qui vont durement impacter les allocations » – Laurent Berger – CFDT
[2] « Le chômage n’est pas un choix. Ces mesures de baisse des droits auront plus pour effet d’accentuer la précarité des demandeurs d’emploi que de les inciter à un retour plus rapide à l’emploi durable » – Communiqué CFDT : https://bit.ly/38PR6wk
[3] Le ministère du Travail affirme vouloir mettre fin à une situation plus favorable, pour la même quantité de travail, à des personnes alternant contrats courts et inactivité qu’à celles travaillant en continu. Il considère que ces salariés ne sont donc pas incités à accepter un contrat long. Mais il n’apporte pas la preuve que de tels contrats existent. Les mesures concernant de rares catégories d’employeurs (bonus/malus en 2021) ne sont pas incitatives et ne conduiront pas à une modification des habitudes de recrutement des employeurs.
[4] La base de l’indemnisation (le salaire journalier de référence) est calculée en divisant la somme des rémunérations perçues dans les 12 mois précédant la fin du contrat par les seuls jours travaillés pendant cette période. À partir du 1er avril, cette somme (calculée non plus sur 12 mais 24 mois) sera divisée par l’ensemble des jours, travaillés ou non, entre le début du premier contrat et la fin du dernier.
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