Une nouvelle Note du Conseil d’analyse économique (CAE) sur le marché du travail français vient de paraitre[1].
Elle affirme deux notions de base tout à fait pertinentes, à mon sens.
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D’une part, « le marché du travail a globalement bien résisté à l’épreuve de la crise sanitaire : il a retrouvé une situation proche de ce qu’on observait avant la crise, avec des difficultés de recrutement persistantes et un chômage qui reste élevé. »
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D’autre part, « ces problèmes structurels ne sauraient être expliqués par l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail en termes de métiers ou de localisation, mais par des problèmes d’information qui rendent les processus de recrutement longs et coûteux. »
C’est pourquoi la note prône « des politiques plus systématiques d’aide au recrutement à destination des PME » (…), « plutôt que de chercher à rapprocher offre et demande par la formation ».
LE CAE PROPOSE DE DÉVELOPPER DES SERVICES D’AIDE PRIVES AU RECRUTEMENT A DESTINATION DES ENTREPRISES[2].
Pour y parvenir l’idée est « d’organiser un marché de l’accompagnement pour ces entreprises, avec des aides à la recherche et à la sélection de candidats ».
C’est à ces fins que la note recommande de :
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« Développer les services d’aides au recrutement à destination des entreprises.
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Organiser la concurrence entre des prestataires choisis par le service public pour l’emploi : les entreprises choisiraient sur la base d’indicateurs de performance rendus publics, et de leurs propres besoins.
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Concentrer les moyens pour aider les petites et moyennes entreprises dans leur démarche d’embauche. »
Cette proposition tend évidemment à modifier le rôle de Pôle emploi en matière de relations avec les employeurs concernés en procédant à une externalisation de tout ou partie de cette fonction.
La question de l’organisation, du choix au contrôle[3], des prestataires privés mandatés par le SPE se pose…
Des prestataires privés seraient mis en concurrence sur ce marché.
La présence d’acteurs publics est évoquée, mais semble peu probable, pour des raisons d’égalité financières.
Dans ce domaine, tout est possible en bien ou en beaucoup moins bien…
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Des entreprises de travail temporaire ont pu suggérer cette offre de services.
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D’autres acteurs privés, associatifs ou marchands, pourraient se développer à cette occasion.
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Les cabinets de recrutements semblent globalement hors de ce jeu compte tenu de leur tarification.
LE CAE PROPOSE DE CONCENTRER LA FORMATION PROFESSIONNELLE SUR LES PUBLICS MOINS QUALIFIES ET PLUS ÉLOIGNÉS DE L’EMPLOI
Pour la formation, la note recommande également de « concentrer la formation professionnelle sur les publics moins qualifiés et plus éloignés de l’emploi, plutôt que d’en accroître le volume » pour augmenter l’impact sur l’emploi.
« Dès lors, si la formation professionnelle doit faciliter les réorientations, elle ne peut suffire à faire baisser de manière significative le niveau de chômage agrégé. »
Cette orientation s’inscrit dans un débat récurrent sur le choix des travailleurs à former et sur le mode de financement des formations par catégorie ! Ce débat ignore trop souvent la question de savoir qui est réellement motivé pour suivre une formation longue et y parvenir.
ENFIN, LE CAE S’INTERROGE SUR LES RÉSULTATS DES POLITIQUES DE L’EMPLOI MENÉES PENDANT LA CRISE SANITAIRE.
Les prêts garantis par l’État ont conduit à une hausse de l’endettement des entreprises, mais « ne semble pas être un facteur d’inquiétude pour l’avenir ». Ce point se discute.
L’activité partielle semble avoir protégé efficacement ses bénéficiaires, mais « il est nécessaire de faire attention aux effets d’aubaine et à la concentration du dispositif sur des entreprises peu efficaces ».
C’est pourquoi le CAE recommande d’« intégrer l’activité partielle à un dispositif de bonus-malus réformé prenant en compte directement les dépenses d’assurance chômage et élargi à l’ensemble des secteurs et entreprises. »
Pour les baisses de charge, elle recommande aussi de « Concentrer les politiques de baisse de charge en période de crise sur des publics spécifiques, aux faibles niveaux de salaire et de manière limitée dans le temps. »
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Lire : Le marché du travail français à l’épreuve de la crise sanitaire[4] – François Fontaine[5] et Roland Rathelot[6] – https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note071.pdf
[1] CAE – Le marché du travail français à l’épreuve de la crise sanitaire – 14 03 2022 – https://www.cae-eco.fr/le-marche-du-travail-francais-a-lepreuve-de-la-crise-sanitaire
[2] « Les entreprises connaissent des problèmes d’informations sur les caractéristiques des candidats à leurs offres d’emploi. Le développement d’interventions ciblées sur les employeurs pourrait améliorer l’efficacité du marché du travail en réduisant les durées où les emplois restent vacants et en accélérant les sorties du chômage. En pratique, il s’agirait de développer des services d’aide au recrutement à destination des entreprises. Ces services devraient cibler essentiellement les petites entreprises disposant de moins de moyens à consacrer au recrutement et pourront être déployés en organisant la concurrence entre des prestataires choisis par le service public de l’emploi. »
[3] « Des indicateurs de performances seraient affichés. »
[4] Les notes du conseil d’analyse économique, n° 71, Mars 2022
[5] École d’économie de Paris (PSE) et Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne
[6] CREST, ENSAE, Institut polytechnique de Paris.
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