UNE CONDAMNATION POUR DISSIMULATION SYSTÉMIQUE D’EMPLOIS DE LIVREURS.
La plateforme de livraison de repas, Deliveroo, a été condamnée, le 19 avril, « travail dissimulé »[1], par le Tribunal correctionnel de Paris[2].
En effet, elle a employé des milliers de livreurs sous le statut d’indépendants, alors qu’ils auraient dû être salariés.
Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet.
La procureure avait évoqué que Deliveroo avait mis en place « une instrumentalisation et un détournement de la régulation du travail », dans le but d’organiser une « dissimulation systémique » d’emplois de livreurs.
Le lien de subordination entre l’entreprise et ses livreurs a été établi, il implique un rapport de salariat.
Le procès a été celui du système monté par l’entreprise britannique, Deliveroo, pour bénéficier de « tous les avantages de l’employeur (…) sans les inconvénients ».
Même si Deliveroo décide de faire appel, cette première condamnation pénale de « l’ubérisation » marque une date[3].
Ces livreurs devraient pouvoir bénéficier, via un recours aux prudhommes : de congés payés et de salaires rétroactifs à hauteur du Smic.
On ne peut que s’interroger sur le comportement du ministère du Travail vis-à-vis des pratiques d’uberisation, connues et reconnues, ces dernières années.
D’autres entreprises de livraison de repas ont choisi d’employer leurs livreurs sous contrat salarié. Évidemment, le coût est supérieur, mais les droits des travailleurs sont respectés. La dualité actuelle des systèmes, salariat ou indépendant, fausse les règles de la libre concurrence de manière problématique.
UNE DIRECTIVE EUROPÉENNE EST EN PROJET SUR CETTE THÉMATIQUE
Pour renforcer l’Europe sociale, la Commission européenne a présenté une proposition de Directive pour instaurer une présomption de salariat pour les travailleurs indépendants liés aux plateformes numériques.
Elle concerne des plates-formes[4], comme Uber ou Deliveroo, pour lesquelles les conditions de travail dépendent très largement d’un algorithme.
Le nombre de livreurs et chauffeurs répertoriés comme indépendants, mais qui ne le sont pas, est estimé à 5,5 millions dans l’UE[5].
Pour la Commission, une plate-forme « est présumée être employeur et ses travailleurs sont présumés être salariés » si elle remplit deux des cinq critères suivants :
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Elle fixe la rémunération,
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Elle supervise le travail par un moyen électronique,
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Elle impose au travailleur ses heures de travail,
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Elle lui dicte la manière dont il doit se comporter avec le client,
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Elle l’empêche de travailler pour un autre donneur d’ordre.
La proposition de directive de l’exécutif européen doit maintenant être examinée par les États membres et par le Parlement européen. Ce projet ne semble pas, a priori, en phase avec la politique actuelle du gouvernement en la matière. La version définitive de cette Directive reste donc encore difficile à prévoir.
[1] « Le délit de travail dissimulé » est établi – la présidente de la 31e chambre du tribunal judiciaire en annonçant la décision.
La plateforme a été condamné mardi à 375 000 euros d’amende ; Deux ex-directeurs généraux à un an de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende et un ex-directeur des opérations à quatre mois de prison avec sursis. Elle devra afficher un message de condamnation pendant un mois sur son site.
Deliveroo a été condamné à verser 50 000 euros de dommages et intérêts à chacun des cinq syndicats qui s’étaient portés parties civiles pour « préjudice moral » : CGT, Union Solidaires, Sud commerces et services, Sud commerces et services Ile-de-France et Syndicat des transports légers.
[2] La plateforme avait déjà été condamnée en 2020 pour « travail dissimulé ».
[3] « C’est une première bataille de gagnée et un résultat que nous attendions depuis des années », selon l’avocat de plusieurs dizaines de livreurs Delivroo.
[4] « Cette proposition constitue une avancée majeure qui permettra d’intégrer l’économie des plates-formes dans le modèle social européen. Nous proposons des mesures claires pour permettre à ceux qui sont effectivement des salariés d’accéder à la protection sociale à laquelle ils ont droit » – le commissaire à l’emploi.
[5] Les 22,5 millions de travailleurs, mis en contact avec leurs clients par l’intermédiaire de plates-formes, ont un statut qui correspond bel et bien à la pratique de leur activité (par exemple, des traducteurs ou des codeurs).
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