LES BESOINS EN MAIN-D’ŒUVRE RESTENT INCERTAINS POUR 2022
La Direction générale de Pôle emploi vient de publier le 5 avril les résultats de son enquête « Besoins en main-d’œuvre (BMO) » des entreprises pour 2022[1].
Des prévisions très optimistes de recrutement y sont présentés pour 2022. Mais deux problèmes sérieux apparaissent.
Le premier problème porte sur la forme, car cette publication intervient 5 jours avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Or les ministères sont tenus, durant cette période, à une retenue en termes de communication et Pôle emploi est un établissement public qui diffuse volontairement des informations, susceptibles de bénéficier au bilan du président sortant.
Le second est de fond. La période de cette enquête annuelle remonte à fin 2021. C’est à dire qu’elle ne prend en compte ni la poursuite de la crise sanitaire début au début de l’année 2022 ni les conséquences économiques de l’invasion russe de l’Ukraine, pourtant reconnues (voir les mesures du Plan de résilience du gouvernement).
Bref, les chiffres de prévisions de recrutement, présentés par Pôle emploi, semblent impérativement devoir être revus en fonction des circonstances actuelles.
Par exemple, les prévisions relatives au tourisme (métiers de l’hôtellerie-restauration), ou perdure des effectifs significatifs en chômage partiel, semblent peu fondées[2], dans un contexte de réduction durable des transports internationaux.
Il en est de même pour le secteur de l’industrie, dont le rythme d’augmentation des embauches de +24% semble improbable à lire les contraintes liées au coût de l’énergie et aux approvisionnements.
Le communiqué de la DG de Pôle emploi peut être assimilé à de la « propagande » pour le candidat président dans le cadre de la campagne électorale, dans la mesure où il affirme :
« Les entreprises font preuve d’optimisme : avec plus de 3 millions de projets, les intentions d’embauche progressent de 323 000 par rapport à 2021, ce qui représente une hausse de +12%. »
Et que cette information est reprise en titre par de nombreux médias, même s’il faut reconnaitre que Pôle emploi précise effectivement que :
« les conséquences, encore inconnues, de la guerre en Ukraine, n’apparaissent évidemment pas dans les projets de recrutement renseignés dans BMO, l’interrogation ayant eu lieu fin 2021 ».
62% DES INTENTIONS D’EMBAUCHE POUR 2022 AURAIENT ÉTÉ CENTRÉES SUR LES SERVICES
Selon l’enquête BMO de fin 2021, les intentions d’embauche pour 2022 auraient pu se répartir comme suit :
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Services aux particuliers : 38% intentions (+11% par rapport à 2021),
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Services aux entreprises : 24% (+11%),
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Commerce : 12% (+16 %),
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Industrie : 9% (+24%),
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Construction : 9% (+22%),
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Agriculture : 8% (-7%).
PRÉCISIONS
Ce billet critique la communication des résultats d’une enquête de Pôle emploi ; elle ne met aucunement en cause les personnels de Pôle Emploi, ni la validité des enquêtes, réalisées à un moment donné.
Les conseillers Entreprises de Pôle emploi se mobilisent activement sur les embauches et ont de bons résultats.
Ma critique porte sur le choix de la Direction Générale de Pôle emploi de mettre en scène des informations dépassées, dans une période légalement protégée.
[1] Enquête « Besoins en main-d’œuvre (BMO) » des entreprises : Des niveaux inédits d’intentions d’embauche et de difficultés anticipées de recrutement pour 2022 – Direction générale de Pôle emploi Paris, le 5 avril 2022 – http://statistiques.pole-emploi.org/bmo
« L’enquête « Besoins en Main-d’œuvre (BMO) » est une enquête réalisée chaque année par Pôle emploi avec le concours du Credoc portant sur près 2,4 millions d’établissements. Elle est utilisée comme outil d’aide à la décision par Pôle emploi pour mieux connaître les intentions des établissements en matière de recrutements. 420 000 établissements ont répondu à l’édition 2022, dont 19 000 à une enquête complémentaire plus détaillée. Elle décrit les besoins des entreprises par métier détaillé (200 « familles professionnelles »), par secteur d’activité (24 secteurs de la nomenclature d’activités française, NAF) et à un niveau géographique fin, le bassin d’emploi (406 bassins). »
[2] « Ce secteur anticipe beaucoup plus de projets de recrutements que l’année dernière (+23,4%) et recrute potentiellement de nombreuses personnes : Serveurs avec 116 000 projets (+27,6% par rapport à 2021), Aides et employés polyvalents de cuisine avec 103 000 projets (+15,1%) ou encore Cuisiniers avec 63 500 projets (+27,6%). » – Pôle emploi.
« Les métiers les plus touchés par cette hausse des difficultés sont ceux de l’hôtellerie-restauration, etc. » – Pôle emploi.
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