UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES ENTRÉES EN CONTRAT D’APPRENTISSAGE A EU LIEU DEPUIS LA RENTRÉE 2019.
Selon le ministère du Travail, on constate une hausse significative des entrées en contrat d’apprentissage, en 2019[1]. 368 000 contrats d’apprentissage dans les secteurs public et privé ont été enregistrés, soit un flux en hausse de 16%[2] par rapport à 2018 (317 000)[3] ; avec une augmentation de +16,9% dans le secteur privé et une réduction de -2,7% dans le secteur public.
L’apprentissage dans les fonctions publiques ne démarre toujours pas avec 14 780 apprentis inscrits en 2019, il ne représente que 4% de l’ensemble.
Cette augmentation de +50 750 contrats d’apprentissage signés s’est concentrée sur la période de rentrée 2019 (+47 500 signatures de septembre à décembre 2019)[4].
Ces chiffres bruts seront sans doute revus[5] dans les prochains mois.
D’AUTRES CHIFFRES RESTENT À CONFIRMER
La plaquette très publicitaire (dossier de presse) du ministère du Travail du 4 février 2020 : « L’APPRENTISSAGE EN 2019 » annonce 485 800 apprentis en France au 31 décembre 2019 (contre 437 000 un an à fin 2018).
Mais, bizarrement, ces chiffres ne figurent pas dans les statistiques que vient de publier la DARES à la même date, contrairement aux effectifs des personnes en contrats de professionnalisation sont consultables !
Le nombre total d’apprentis en poste comprend ceux en première année et ceux dans les années suivantes, moins le nombre des abandons en nombre généralement élevé, cités par la ministre du Travail. Le nombre des signatures de contrats et celui des apprentis en poste ne connaissent pas forcément un développement parallèle.
AUTRE INDICATEUR, LA CAMPAGNE DE JUIN 2018 A MAI 2019 SE SITUE AVEC UNE AUGMENTATION DE MOINS DE 5% PAR RAPPORT A LA PRÉCÉDENTE.
L’habitude « historique » est de compter les contrats d’apprentissage par saison scolaire et non par année calendaire. À ce titre, on relève que de juin 2018 à mai 2019, ce sont 321 000 contrats publics et privés qui ont été enregistrés[6], soit une hausse de +4,7% par rapport à la même période de 2017/2018[7].
On devra attendre les chiffres de l’année 2019/2020 pour confirmer la forte montée en charge qui semble s’annoncer !
PLUSIEURS RAISONS EXPLIQUENT CES BONS RÉSULTATS.
1. La capacité d’accueil d’apprentis (CFA) et d’offres de contrats d’apprentissage (employeurs) a dû augmenter, a priori. Le ministère du Travail aurait recensé 1 200 Centres de formation des apprentis (CFA) au 31 décembre 2019, contre 965 l’année précédente, donc +235 nouveaux CFA[8]. Sans que l’on connaisse le détail de la répartition entre anciens et nouveaux CFA.
2. L’élévation de l’âge d’accès à l’apprentissage de 25 à 29 ans a sans doute joué en apportant une frange de public qui peut désormais profiter de la formation.
3. Un transfert semble avoir eu lieu du contrat de professionnalisation vers le contrat d’apprentissage en matière d’alternance des jeunes.
4. La campagne de communication du gouvernement en faveur de la voie de l’apprentissage a probablement pu avoir une influence sur l’orientation des jeunes.
MAIS RÉGIONS DE FRANCE (ARF) A RÉAGI VIVEMENT EN DÉNONÇANT LES « MENSONGES DE LA MINISTRE DU TRAVAIL ».
Région de France[9] rappelle l’importance du rôle joué par les régions ces dernières années dans la dynamique de l’apprentissage[10], ce qui est un fait incontestable pour les chiffres de 2019.
L’association considère que la réforme de l’apprentissage fait peser un risque majeur sur le système lui-même en raison de la concurrence entre les acteurs :
« Les « 554 intentions de création d’un CFA » dont se prévaut Mme Pénicaud se heurteront à la réalité du terrain, avec des fermetures ou des restructurations de très nombreux CFA, en particulier les CFA interprofessionnels, ceux en zones rurales ou ceux qui forment aux métiers rares. » – Région de France
Il s’agit là également d’un fait incontournable.
Régions de France estime surtout que le financement de la réforme de l’apprentissage n’est pas garanti.
« Encore un mensonge : France Compétences, agence nationale de régulation de la formation, qui versera demain, via les Opérateurs de compétences (OPCO), les subventions aux CFA, est en déficit prévisionnel de 3,6 milliards d’euros à fin 2020 ! » – Région de France
« De nombreuses incertitudes subsistent pour les aides aux apprentis à partir de la prochaine année scolaire en septembre 2020. Le développement de l’apprentissage dans le secteur public n’est pas financé. » – Région de France
La mission IGAS-IGF déclenchée par Bercy à ce propos prouve que le doute s’installe sur la « soutenabilité » budgétaire de la réforme engagée. Les arguments de Régions de France mériteraient d’être sérieusement pris en compte[11].
CONTEXTE 2019 : LE NOMBRE DE NOUVEAUX CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION A DIMINUÉ DE 3,5%.
De janvier à octobre 2019, le total des nouveaux contrats de professionnalisation a baissé de 3,5% par rapport à la même période de 2018[12] qui avait été une bonne année. La réduction du nombre de contrats de professionnalisation pour les jeunes (-5,9%) n’est pas compensée par l’augmentation du nombre de contrats pour les adultes (+3,1%).
Ce recul peut être expliqué par des transferts de jeunes vers les contrats d’apprentissage.
Les effectifs en contrat de professionnalisation stagnaient en octobre 2019 à hauteur de 244 600 (+0,6%).
[1] DARES – PoEm : le tableau de bord des politiques de l’emploi – 04/02/20 – https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapports-poem-dec-2019.pdf
[2] « +16% d’apprentis en 2019. C’est historique ! Il n’y a jamais eu autant d’apprentis en France La réforme de l’apprentissage a levé tous les freins pour permettre aux acteurs de terrain de développer cette voie royale vers l’emploi. Quelle bonne nouvelle pour notre jeunesse » – Tweet de Muriel Pénicaud
[3] Nouveaux contrats d’apprentissage dans les secteurs privé et public et évolution sur un an.
Mois | 2018 | 2019 | Évolution | En % |
Janvier | 22 029 | 21 143 | -886 | -4,0% |
Février | 9 812 | 11 182 | 1 370 | +14,0% |
Mars | 6 510 | 7 209 | 699 | +10,7% |
Avril | 4 342 | 5 782 | 1 440 | +33,2% |
Mai | 3 753 | 4 833 | 1 080 | +28,8% |
Juin | 8 491 | 7 967 | -524 | -6,2% |
Juillet | 26 351 | 28 078 | 1 727 | +6,6% |
Aout | 31 997 | 30 389 | -1 608 | -5,0% |
Septembre | 59 335 | 63 093 | 3 758 | +6,3% |
Octobre | 70 317 | 75 492 | 5 175 | +7,4% |
Novembre | 47 032 | 58 951 | 11 919 | +25,3% |
Décembre | 27 475 | 54 080 | 26 605 | +96,8% |
Année 2019 | 317 444 | 368 199 | 50 755 | +16,0% |
Source : chambres consulaires, traitement Dares – Données brutes
[4] « En décembre 2019, en France entière, 54 000 nouveaux contrats d’apprentissage du secteur privé et public ont été enregistrés (dont 52 800 sur le champ privé), soit un niveau en forte augmentation par rapport à décembre 2018 (+96,8% pour le champ total), les entrées en secteur privé et public augmentant respectivement de 99,3% et 29,8% ».
[5] « A compter du 1er janvier 2020, la gestion des contrats d’apprentissage est transférée aux opérateurs de compétences (Opco). Le mois de décembre 2019 est donc le dernier point de la série en date d’enregistrement par les chambres consulaires. Une nouvelle série sera prochainement publiée en date de début de contrat. » – DARES
[6] Dont 306 000 dans le secteur privé.
[7] Soit +4,9 % pour le seul secteur privé.
[8] Une autre annonce du ministère du Travail évoque « 554 projets de nouveaux CFA, dont 200 déjà réalisés ».
[9] Régions de France – « Chiffres de l’apprentissage : les mensonges de la ministre du Travail » – 4 février 2020 – https://bit.ly/31qIURe
[10] « Les Régions ont financé l’apprentissage à hauteur de 9 milliards d’euros sur les 5 dernières années, dont près d’un milliard d’investissements. En cinq ans, les Régions ont aidé les apprentis à hauteur de 350 millions d’euros : transport, hébergement, restauration, aides sociales, promotion de l’apprentissage… » – Région de France
[11] « Les Régions attendent les explications de la ministre du Travail, dans l’intérêt de nos jeunes et de nos territoires ! » – Région de France
[12] « En octobre 2019, 40 500 contrats de professionnalisation ont été enregistrés en France entière, effectif en baisse de 11,6% par rapport à celui enregistré en octobre 2018. » – DARES
Pas de commentaire sur “Comment analyser l’augmentation des entrées en apprentissage, depuis la rentrée 2019 ?”