LA GÉNÉRALISATION DU TÉLÉTRAVAIL N’EST PAS NEUTRE SUR L’EMPLOI.
Les opinions sur le télétravail sont assez partagées, elles vont de l’incantation en faveur du travail à domicile à des avis très mitigés des salariés sur leur expérience du printemps 2020.
Cette possibilité semble devoir être examinée dans tous ses aspects dans une période normale en fonction des situations personnelles et de l’activité des entreprises.
Beaucoup d’activités imposent la présence physique à commencer par les activités de production (agriculture, construction, industrie, artisanat, etc.), mais également dans le secteur tertiaire comme dans le commerce et une part des services.
Dans une période de crise, les choses sont évidemment différentes puisque l’impératif sanitaire prime sur celui de l’entreprise comme du salarié.
Plus généralement, l’implication sur l’emploi d’une telle tendance ne peut pas être négligée.
Des emplois peuvent apparaitre à un employeur peu utile ou trop couteux à l’occasion d’exercice du télétravail à temps plein (ce qui n’est pas le cas du télétravail à 40/60 par exemple). L’absence physique du salarié peut avoir un impact à termes sur le maintien des postes de travail ; il ne faudrait pas négliger ce risque.
La tendance à passer des activités totalement en ligne peut constituer une étape dans l’automatisation des tâches dans certains cas.
La période de recours au chômage partiel et/ou au télétravail conduit assez logiquement à une réorganisation interne aux entreprises (restructuration) et à la réduction du nombre des postes.
La politique menée n’a sans doute pas été conçu pour cela, mais cela va produire cet effet.
UNE NÉGOCIATION EN VUE D’ABOUTIR A UN ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL (ANI) SUR LE TÉLÉTRAVAIL VIENT DÉBUTER.
Les syndicats ont demandé une négociation en vue d’aboutir à un Accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail, suite au recours massif à cette formule au printemps 2020. 1,8 million français étaient encore en télétravail en octobre.
Des réunions de travail de négociation, en visioconférence, ont été programmées entre les centrales syndicales et les organisations patronales sur ce thème en novembre. Cette démarche est encouragée par la ministre du Travail[1].
LA NATURE ET LA PORTÉE DE LA DÉMARCHE FAIT DÉBAT ENTRE SYNDICATS ET PATRONAT
Les organisations patronales semblent favorables à un accord souple ni normatif ni prescriptif ni contraignant, compte tenu de la diversité des situations des entreprises[2]. Elles souhaitent une sorte de « guide de bonnes pratiques »[3].
La CPME souhaite que la réflexion porte sur le télétravail en situation d’urgence sanitaire, environnementale, accident industriel, etc. mais sans revoir les règles encadrant le télétravail en situation « normale ».
Le Code du Travail détaille effectivement les dispositions actuelles concernant le télétravail[4]. Sa rédaction est l’objet de diverses critiques, mais elle a le mérite d’exister.
Les organisations syndicales demandent un accord prescriptif et normatif[5]. Ils expriment l’urgence à déboucher sur un accord compte tenu de la situation[6].
LE TÉLÉTRAVAIL EST DÉJÀ ENCADRÉ.
La situation actuelle est la suivante. Le ministère du Travail a décidé que le télétravail doit être systématiquement privilégié (obligation, sauf conditions propres au métier).
L’employeur peut imposer à un salarié le télétravail, car l’article L. 1222-11 du Code du travail[7] mentionne la « menace d’épidémie » comme pouvant justifier le recours au télétravail sans l’accord du salarié.
Pour refuser le recours au télétravail, il doit être en mesure de démontrer que la présence sur le lieu de travail est indispensable au fonctionnement de l’activité[8].
LES PRIORITÉS A TRAITER DIVERGENT.
Côté patronal, les attentes portent sur le volontariat, la réversibilité du télétravail, l’anticipation de sa mise en place, la diversité des lieux de travail (coworking, tiers lieux), la formation des manageurs et les pratiques managériales, l’intégration des nouveaux collaborateurs, etc.
Côté syndical, les points prioritaires portent la charge de travail, au droit à la déconnexion, à la prise en charge des frais liés au télétravail, etc.
Toutes ces questions semblent importantes à aborder.
Point d’accord : il existerait un consensus pour reconnaitre les risques psychosociaux, liés au télétravail : isolement, absence de relation sociales, difficultés à surmonter des tâches en ligne (situation échec), difficulté d’organisation du temps, conciliation avec le contexte familial, etc.
Le Medef doit présenter dans les jours qui viennent un projet à l’ensemble des partenaires sociaux.
[1] Pour « avancer rapidement sur cet accord » qui « pourra donner des repères à toutes les entreprises sur le télétravail ».
[2] Le Medef considère le « corpus de règles et de normes juridiques parfaitement applicables ».
[3] La négociation doit aboutir « à un guide de bonnes pratiques, afin que chaque employeur puisse s’emparer du télétravail avec une marge de manœuvre au plus près de sa situation », (Union des entreprises de proximité, U2P).
[4] Code du travail numérique : https://code.travail.gouv.fr/fiche-ministere-travail/teletravail – Source : Fiche Ministère du travail – Mis à jour le 05/10/2020.
[5] « Je ne vois pas pourquoi il faut dissocier télétravail en situation de crise et télétravail classique. Nous ne signerons pas n’importe quel accord » – le Président de la CFE-CGC.
[6] « On ne va pas prendre un mois et demi ou deux mois dans cette période de télétravail massif pour se mettre d’accord », Laurent Berger (CFDT)
[7] Article L1222-11 Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 – art. 21
« En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. »
[8] L’employeur peut refuser le télétravail à un salarié qui le demande, s’il considère que les conditions d’activité sont conformes aux consignes sanitaires sur le lieu de travail. Dans ce cas, il doit motiver son refus.
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