Les difficultés rencontrées dans le secteur de la formation professionnelle se confirment depuis mise en vigueur de la réforme depuis le 1er janvier 2015.
LES RESPONSABLES DES ORGANISMES DE FORMATION CONSTATENT L’ATTENTISME DES ENTREPRISES.
Suite à la mise en route de la réforme de la formation professionnelle, les responsables des organismes de formation constatent l’attentisme des entreprises. Cette attitude à plusieurs causes :
- une méconnaissance des nouvelles dispositions (avec une parution tardive des décrets seulement au début de l’année 2015),
- l’organisation de la transition d’un système à un autre,
- la perception généralement négative de la réforme par les responsables formation dans les entreprises.
En particulier, le Compte Personnel de Formation (CPF) est encore mal compris, il impose une augmentation de budget. Le processus d’autofinancement des programmes de formation par les entreprises doit être engagé. La plupart des professionnels ne croient pas à la réussite du Compte Personnel de Formation (CPF), c’est-à-dire à un recours massif des bénéficiaires potentiels à ce dispositif.
Les responsables des organismes de formation connaissent l’importance stratégique de la formation dans la majorité des entreprises, ils constatent l’affaiblissement de cet axe en 2015 pour des causes probablement diverses : réforme de la formation professionnelle, mais aussi doute sur les commandes et sur l’avenir de l’entreprise en général.
Les acteurs de la formation professionnelle constatent que les responsables formation des entreprises doivent mettre en place de nouvelles politiques de formation, choisir de nouvelles formations et diversifier les approches et les moyens. Ils notent aussi que beaucoup de services en charge de la formation dans les entreprises ont vu leurs effectifs réduits.
Bien évidemment les regards varient entre :
- les organismes privés (organismes de formation consulaires, liés aux organismes professionnels de branche ou interprofessionnel ou purement privés), et
- les structures publiques ou parapubliques (le GRETA, l’AFPA avec sa réforme statutaire engagée, ses établissements d’enseignement secondaire et supérieur plus ou moins engagés dans des actions de formations professionnelle, etc.).
Les mesures découlant de la loi relative à la formation professionnelle et les décrets tendent à renforcer les organismes publics par rapport au secteur privé. Ce choix politique participe à la déstabilisation du secteur de la formation professionnelle.
LA FORME PRISE PAR LA FORMATION PROFESSIONNELLE ÉVOLUE PROGRESSIVEMENT
La formation professionnelle collective classique apparait en net recul. Dans un contexte général de réduction des coûts, de nouveaux axes apparaissent dans les entreprises :
- Le développement de la formation interne, réalisé par le personnel de l’entreprise, tournant le dos à la mutualisation de la formation (c’est-à-dire à des formations communes à des personnels de différentes entreprises) avec la diminution de la mutualisation des moyens
- Le recours à des outils numériques pour passer à la formation digitale en bénéficiant d’outils en ligne, récemment créé
- La croissance de l’accompagnement individuel mobilisant le tutorat, le coaching ou un travail d’équipe au sein de l’entreprise.
LE FINANCEMENT PAR LES ORGANISMES COLLECTEURS A CHANGÉ.
La baisse du financement des formations proposées par les entreprises à leurs salariés, par les OPCA, provient de la diminution des fonds collectés[1], de l’évolution de leur pratique et le recentrage du financement sur des formations certifiâtes ou diplômantes (plus longues et couteuses)[2] et le ciblage de personnels à faible qualification. Les personnels des OPCA hésitent fréquemment avant de donner des réponses à leurs interlocuteurs des entreprises.
La diminution des fonds collectés et la réorientation vers la formation des demandeurs d’emploi et des jeunes sans qualification changent l’ordre des priorités du financement mutualisé.
Les responsables d’entreprise préfèrent souvent des formations « immédiatement rentable » pour le bon fonctionnement de leur propre activité, sans plus avoir un recours probable à la mutualisation comme c’était encore possible précédemment. Les formations souhaitées de leur personnel n’entrent fréquemment plus dans le processus de financement par les OPCA, et renvoie vers le recours aux formations autofinancées. Les formations mutualisées vont tendre à diminuer au profit de formations directement utile pour chaque entreprise.
LA SITUATION DES SALARIES EST DIRECTEMENT IMPACTÉE PAR LA REFORME
La position des salariés est directement impactée par la réforme, car le positionnement du Compte personnel de Formation est orienté vers :
- des salariés ayant des bas niveaux de qualifications prioritairement[3],
- des formations hors du temps de travail,
- le choix de formation, diplômantes ou qualifiante, plus longues,
- un co-investissement personnel dans la formation, etc.
Ceci conduit, dans l’immédiat, à un désengagement de très nombreux salariés vis-à-vis de leurs projets de formation.
Ce phénomène est d’autant plus compréhensible quand on sait qu’une majorité de salariés ne sont pas naturellement « demandeurs » pour suivre une période de formation professionnelle, l’essentiel, de leur point de vue, ayant été acquis en formation initiale. Même si bien évidemment, ce n’est généralement pas le cas.
LES ORGANISMES DE FORMATION SE TROUVENT DANS UNE SITUATION DE CRISE EN 2015
Pour les organismes de formation, ces éléments se traduisent par une évolution progressive de l’offre de formation, faite aux entreprises.
Pour l’année 2015, les professionnels estiment, à ce jour, une baisse de leur activité de 15% à 30% selon les opérateurs.
Les conséquences pour les entreprises privées de formation, marchandes ou associatives, sont brutales. On assiste à des regroupements imposés par la situation et à la disparition d’intervenants. Il faudra attendre 2016, voire 2017, pour savoir comment se stabilise la situation après une année 2015 de crise.
[1] Baisse des cotisations obligatoires.
[2] La recherche de la qualité des formations prodiguées est tout à fait naturelle, mais le fait de réduire la qualité à la délivrance de formations adossées aux seuls diplômes de l’éducation nationale ne correspond pas aux besoins réels et semble peu sérieux dans beaucoup de cas. Certes, il faut chasser les formations apportant une faible plus-value ou hors sujet par rapport à la profession (elles existent), mais il faut admettre la valeur de formations de quelques jours (voire d’une journée) portant sur un sujet précis avec une pédagogie intensive.
[3] Ce choix politique est de nature idéologique. Tous les salariés ont besoin de formation professionnelle au niveau de compétences qui est le leur. Il ne faut pas abandonner des profils sans qualification, mais il ne faut pas écarter les autres personnels non plus. Il semble judicieux de faire respecter une égalité des droits à la formation professionnelle sans tri sur le niveau de qualification ou sur l’âge.
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