LA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’EMPLOI DES JEUNES EST CENTRÉE SUR 15% DE CEUX-CI
Les analyses, qui inspirent les politiques en faveur de l’emploi des jeunes depuis des décennies portent sur une question unique : l’insertion professionnelle des jeunes inactifs, c’est-à-dire n’ayant : « ni en emploi, ni en études, ni en formation », appelé les NEET[1].
Il s’agit d’un problème réel et important. Il concernerait 15% des 15-29 ans, soit 1 700 000 jeunes. Dans le détail, il conviendrait néanmoins de détailler cette population qui, dans la réalité, est beaucoup plus diverse que ce chiffre global ne le laisse entendre.
Mais parmi les 85% des « autres jeunes », beaucoup rencontrent « également des difficultés d’entrées dans la vie active.
C’est le cas de décrocheurs universitaires (infra bac+2 ou licence), des diplômés généralistes titulaires de licences, des jeunes en réorientation dans leur cursus après un Master peu professionnel, etc.
Les parcours de ces jeunes débutent fréquemment par une succession de CDD avant un accès à un CDI, souvent autour des 30 ans.
De prochains Billets seront consacrés à ces jeunes un peu abandonnés par une politique limitée.
Pour apporter un accompagnement à ces jeunes « décrocheurs », des politiques sont mises en œuvre et des acteurs de l’emploi s’y consacrent activement, dont les Missions locales, Pôle emploi au-delà du cap des 25 ans des jeunes, les écoles de la deuxième chance, etc.
Des analyses font porter les causes du décrochage scolaire sur le seul environnement des jeunes[2]. Ce discours est idéologique. Il gomme la responsabilité de certains jeunes (paresse, comportement, problèmes de santé[3], violences, autres occupations non scolaires, etc.) et de leur famille, mais aussi celle d’enseignants et de personnels de l’Éducation nationale.
Avant de cherche ailleurs des solutions, en tirant un trait sur la responsabilité des personnes et de l’école, il importerait de mener une approche critique pour faire évoluer l’École et le Collège, pour réduire drastiquement les sorties par abandon.
Cette démarche rejoint naturellement le récent « #pasdevague », concernant les violences en milieu scolaire.
MAIS LA PRÉVENTION DU DÉCROCHAGE SCOLAIRE PROGRESSE PEU…
Des évaluations des élèves (lire écrire compter) sont engagées, non sans frein au niveau d’une part des enseignants. Elles permettront, peut-être, de limiter le décrochage si la simple prise en compte des retards d’acquisition de chacun débouche sur des remèdes apportés.
La responsabilité dans le décrochage des jeunes, de l’école et du collège voire du Lycée, est énorme et insuffisamment prise en compte.
L’absence de reconnaissance objective des niveaux et des difficultés des élèves, l’abandon du recours au redoublement, la faiblesse des cours de rattrapage, l’absence de classe regroupant des élèves par niveau à peu près homogène, etc. sont des choix politiques et pédagogiques dont les jeunes « fragiles », pour diverses raisons, ont été ou sont les victimes depuis déjà bien trop longtemps.
Quelques déclarations positives du ministre de l’Éducation nationale ouvrent une voie, mais reste à mesurer quel sera le degré d’application réelle, au niveau de chaque établissement scolaire (modification des programmes, évolution des pratiques des enseignants, moyens mobilisés, etc.).
Il faudrait sans doute faire croitre la prévention du décrochage scolaire, pour diminuer le nombre de jeunes « en réparation » au moins de moitié.
LE FOSSÉ EXISTANT ENTRE LE SECTEUR « ÉDUCATION » ET CELUI DU « TRAVAIL » DEMEURE UN OBSTACLE A LA RÉSOLUTION DU PROBLÈME DES JEUNES NON QUALIFIÉS
La séparation historique entre deux politiques : celle de la formation initiale (Éducation) et celle de la formation professionnelle (travail)[4] est, en partie, à l’origine de la situation.
Les rencontres et réunions organisées n’ont pas sauf exception permis de surmonter le fossé existant entre la formation initiale et le monde du travail, en dépit des tentatives multiples qui ont effectivement eu lieu.
Pour illustration, le fossé entre les lycées professionnels (formation initiale) et les Centres de Formation des Apprentis, les CFA (formation par l’apprentissage) demeure en dépit des discours, alors que ces deux systèmes s’adressent aux mêmes jeunes pour les mêmes métiers. La réforme de l’apprentissage (financement, gouvernance, etc.) ne semble pas s’attaquer à ce problème majeur de coordination ou de fusion des systèmes.
Des progrès restent à trouver, en prenant les problèmes par « le bon bout de la raison »[5].
[1] NEET pour « Neither in Employment nor in Education and Training ». Le choix d’un terme anglais pour designer cette population provient, d’une part, du concept de l’Union européenne sur ce sujet et, d’autre part, du refus de désigner ces jeunes et leur parcours.
[2] Le diagnostic, qui suit, illustre assez bien le défaut récurrent qui consiste à exonérer le système éducatif de ses responsabilités. « Les causes de cette impasse dans laquelle se trouvent ces jeunes sont souvent multiples et cumulatives : manque de formation et de compétences, origines sociales et territoriales défavorisées, conditions de vie difficiles, faible mobilité, insuffisante maîtrise du numérique… incapacité d’accéder à des réseaux, pourtant essentiels pour la construction d’un avenir professionnel. » LES ÉCHOS 09/11/18 – https://www.lesechos.fr/amp/26/2220526.php
[3] La disparition progressive d’une réelle « prévention santé » des élèves est à l’origine de problèmes concrets.
[4] Les secrétaires d’État en charge de l’emploi des jeunes ne sont pas parvenus, en leur temps, à surmonter le clivage existant.
[5] In Gaston Leroux
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