Les propos sur les « pénuries de personnel » sont souvent fallacieux. Dans la pratique, les difficultés concernent des secteurs et des fonctions bien différentes.
La durée, jugée trop longue, du recrutement d’un profil donné, ne doit pas être confondue avec l’abandon dudit recrutement, ce dernier intervient beaucoup plus rarement, et pour des motifs très divers.
Il faut donc éviter de généraliser, comme cela peut être le cas dans certains discours politiques dont l’objet implicite est de mettre en cause des chômeurs qui refuseraient d’occuper des postes vacants.
Le problème est ailleurs, il faut identifier les profils manquants et les motifs de ces difficultés d’embauche pour y porter remède.
DES DIFFICULTÉS EXISTENT POUR TROUVER DES CANDIDATS SUR CERTAINS POSTES DE CADRES
Des cabinets de recrutement expriment des difficultés à trouver de profils de candidats sur des postes de cadres dans certains types de poste précis. Les postes, dont le recrutement demanderait pas mal de temps, selon une enquête[1], sont ceux du domaine :
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De la sécurité informatique (53%),
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Des technologies du Cloud (37%),
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De planification et d’analyse financière (31%),
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De comptabilité de gestion (30%),
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De soutien juridique et ressources humaines (29%),
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De gestion des bases de données (29%).
Cette liste n’est évidemment pas limitative[2], mais elle présente l’avantage de donner une idée indicative des types de postes concernées en 2019. La plupart sont du ressort de l’informatique au sens large.
ELLES PROVIENNENT DE CAUSES MULTIPLES : FAIBLE NOMBRE DE CANDIDATS, PROFILS TROP EXIGEANTS, CONDITION ET ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL, ETC.
Il existe un préalable à l’embauche qui tient, d’une part, à la représentation que le candidat se fait de l’entreprise[3] et, d’autre part, à la mesure de la motivation des candidats par le recruteur, ou l’employeur. Au-delà de cela, plusieurs difficultés générales sont évoquées par rapport aux postes proposés.
La première concerne la faiblesse du nombre de candidats ayant qualification et/ou compétences. Il en découle un allongement de la durée de la procédure de recrutement, qui joue sur l’embauche.
La seconde difficulté est liée à l’exigence croissante des profils recherchés désignés comme des « profils spécifiques » ou des « profils hautement qualifiés ». Des cabinets de recrutement constatent « l’augmentation de profils « hybrides », à double ou triple compétence, de plus en plus réclamée. » Ces profils de « moutons à cinq pattes » ne sont pas un fait nouveau, mais les demandes deviendraient plus fréquentes.
Le troisième problème porte sur la localisation des activités et le niveau de la rémunération. Il y moins de problèmes à recruter dans les métropoles, dont Paris[4] que dans une ville moyenne ou en zone rurale. C’est le cas, en particulier, dans le secteur industriel. Localisation et rémunération sont des conditions des candidats pour signer un contrat.
Le quatrième est lié aux attentes des candidats quant aux conditions et à l’environnement de travail qui attendent des perspectives en matière de formation professionnelle, évolution de carrière, mobilité, flexibilité, équilibre de vie personnelle et professionnelle, etc.[5]
Ces conditions conditionnent plutôt l’installation durable dans l’entreprise limitant les départs trop rapides. Pour répondre à ces demandes, de grandes entreprises engagent des initiatives pour attirer et de retenir des profils stratégiques : flexibilité des horaires, possibilité de télétravail, conciergerie, crèche pour les enfants du personnel, club de sport, congés supplémentaires, etc.
L’ensemble de ces freins à l’embauche s’entrecroise.
Les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) ou les grandes entreprises sont évidemment davantage en mesure de répondre à tout ou partie de ces attentes.
L’ABSENCE DE DÉCISION D’EMBAUCHE SERAIT CAUSÉE PAR 3 PRINCIPAUX FACTEURS
Selon l’enquête citée, l’absence de décision d’embauche serait causée par trois principaux facteurs :
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Le manque de profils hautement qualifiés[6] (32%),
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L’incertitude économique sur l’activité (25%) c’est-à-dire le cout lié à l’emploi,
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Une réglementation trop contraignante (17%).
Cette répartition des motifs prouve que le manque de candidats « ad hoc » est loin d’être la seule raison de la vacance sur tel ou tel poste mis en recrutement.
AUTRES BILLETS A LIRE SUR CETTE QUESTION
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Quel paradoxe existe entre pénurie de candidats et le manque d’offres d’emploi ? – 21/11/18 – https://bit.ly/2THxS62
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D’où proviennent d’éventuelles difficultés de recrutement ? – 23 01/18 – http://bit.ly/2E5Fisp
[1] Selon la dernière enquête du cabinet de recrutement Robert Half, 65% des répondants ont indiqué qu’il est plus complexe de trouver du personnel qualifié actuellement par rapport à 2014. – https://static.latribune.fr/1129660/etude-robert-half-mars-2019.pdf
[2]
Le « Top 10 » des métiers, où Pole emploi anticipait des difficultés de recrutement en 2018 (BMO 2018), comprend, en ordre décroissant, les charpentiers (bois), les régleurs, les couvreurs, les chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers, forgerons, les dentistes, les tuyauteurs, les carrossiers automobiles, les dessinateurs en électricité et en électronique, les personnels navigants de l’aviation et les aides à domicile et aides ménagères. https://bit.ly/2nkKkts
Il va de soi que les problèmes de ces différents métiers ne sont pas les mêmes.
[3] L’employeur souhaite une adhésion, a priori, aux « valeurs de l’entreprise » et la reconnaissance de l’image d’un secteur ou d’entreprise.
[4] Selon un sondage, le taux de difficultés à l’embauche serait de 60% en province contre 27% à Paris.
[5] La prise en compte de ces demandes est considérée comme importante pour une moitié des recruteurs. Elle influe sur les stratégies de recrutement.
[6] Le poids de déploiement de nouvelles technologies au sein des divers services de l’entreprise apparait aux recruteurs comme devant augmenter les difficultés pour embaucher des professionnels compétents. Le lien est ainsi fait d’une certaine manière entre progrès technologique (numérisation et IA) et difficultés d’embauche.
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