POLE EMPLOI EST MIS EN CAUSE PAR LA COUR DES COMPTES
Le récent référé (rapport) de la Cour des comptes (CC)[1], répondant à la demande du Premier ministre, sur le sujet « Assurance chômage : droits rechargeables et activité réduite » comporte plusieurs critiques sur Pôle emploi. Ce texte a été remis au PM, puis rendu public. Ces remarques sont destinées à être prise en compte dans la négociation de la prochaine convention tripartite entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi.
En résumé, le rapport met en évidence à la fois des défauts de connaissance des publics en général, et des parcours en particulier, puis de la gestion de l’indemnisation chômage des chômeurs ayant une activité réduite. Il est en faveur d’une amélioration du fonctionnement d’un dispositif imparfait et ne constitue pas une attaque contre une catégorie particulière de chômeurs, contrairement à certaines déclarations politiques récurrentes.
LES VERSEMENTS DE L’INDEMNISATION DES DEMANDEURS D’EMPLOI EN ACTIVITÉ RÉDUITE DEVRAIENT ÊTRE PLUS PRÉCIS.
La première observation porte sur la précision du montant des versements aux allocataires en activité réduite.
« Le volume des trop versés (compris dans les « indus ») pourrait être mieux maîtrisé, en donnant en particulier la possibilité aux allocataires en activité réduite de détailler, au moment de leur actualisation mensuelle, les différentes activités exercées, le cas échéant, au cours du mois. » « Une telle mise à jour de leurs activités existe déjà pour la population des intermittents du spectacle. Sa mise en œuvre ne devrait dès lors pas constituer une difficulté technique pour Pôle emploi. »
L’ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D’EMPLOI EN ACTIVITE REDUITE DEVRAIT ÊTRE RENFORCÉ
Ensuite, la CC considère que l’« offre d’accompagnement des publics en activité réduite insuffisamment adaptée aux besoins » (titre de la partie 2)[2].
« Malgré des expérimentations susceptibles d’ouvrir la voie à de nouvelles modalités d’accompagnement, l’offre de services de Pôle emploi demeure inadaptée. » (…)
« L’accompagnement reste particulièrement distant pour les demandeurs d’emploi inscrits en catégorie B (activité d’une durée inférieure à 78 heures par mois), voire inexistant pour ceux inscrits en catégorie C (activité d’une durée supérieure à 78 heures par mois). »
Cette question a déjà été posée en 2014 par le CREDOC.[3]
« Des travaux récents de l’Unédic sur les allocataires ayant travaillé en juin 2018 mettent en évidence que « 33% des allocataires estiment qu’ils auront besoin d’un contact avec un conseiller dans les prochains mois pour échanger sur leur projet professionnel : 51% justifient ce contact « pour réfléchir à un nouveau projet professionnel» et 42% «pour suivre une formation». »
La Cour des comptes a constaté des difficultés rencontrées par Pôle emploi pour définir et mettre en œuvre les deux expérimentations prévues à ce propos[4] : la plateforme « talents.fr »[5] (2016-2017) ; puis l’application « Maintenant! » (2018).
LES DEMANDEURS D’EMPLOI QUI TRAVAILLENT DEVRAIENT AVOIR ACCÈS AU CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE DELIVRE AUX ACTIFS EN EMPLOI.
La CC indique des orientations à faire figurer pour la convention tripartite avec Pôle emploi (2020 2022) dans le cadre de l’évolution du conseil en évolution professionnelle pour les actifs en emploi[6].
Trois axes devraient être renforcés pour adapter l’offre de service de Pôle emploi, selon la CC.
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« Premièrement, des stratégies partenariales pourraient être développées en région, pour limiter les effets négatifs du changement de statut lors de la perte ou de la reprise d’emploi : pilotage partenarial de l’accompagnement, mais aussi partenariat avec les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) et les entreprises pour faciliter l’accès à la formation notamment.
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Deuxièmement, des prestations plus souples et modulaires pourraient être proposées en fonction des freins à lever pour le retour à l’emploi.
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Troisièmement, une plus grande place pourrait être accordée, dans l’accompagnement, à la construction partagée du projet professionnel parle demandeur d’emploi et son conseiller.[7]»
Ces recommandations semblent judicieuses, mais elle nécessite de pouvoir mettre en face des moyens, qui à ce jour ne semblent pas disponibles.
LE PARCOURS DE CHACUN DE CES DEMANDEURS D’EMPLOI GAGNERAIT À ÊTRE CONNU POUR PRÉCISER LA POLITIQUE À MENER
Enfin, la Cour des comptes recommande de « développer les appariements entre les données détenues par Pôle emploi et celles issues de la déclaration sociale nominative, ainsi que l’étude des trajectoires de retour à l’emploi et des effets des règles d’indemnisation du chômage. »
Plusieurs bases de données, parallèles, pourraient être mobilisées pour mieux connaitre les trajectoires professionnelles de ces demandeurs d’emploi ; dont, d’une part, le fichier « historique » et le fichier national des allocataires, tenus par Pôle emploi[8] et, d’autre part, la déclaration préalable à l’embauche (DPAE) et la déclaration sociale nominative (DSN), qui incombent à l’employeur[9].
« Le défaut d’appariement des informations contenues dans ces bases de données limite les possibilités d’évaluer les effets des règles de l’assurance chômage sur le retour à l’emploi. » (…)
« Pour ses travaux d’évaluation des conventions d’assurance chômage, l’Unédic ne dispose pas d’un accès direct aux bases de données, ni de données appariées par Pôle emploi ou par le ministère du Travail. »
Sans entrer plus avant dans le détail, la CC explique qu’un échange « plus large et plus systématique des données » entre Pôle emploi et la DARES, l’Acoss et l’Unédic permettrait de développer les analyses sur les transformations du marché du travail et sur les effets des politiques d’indemnisation et d’incitation au retour à l’emploi.
Ce constat signifie que les données, nécessaires à l’analyse et au bon fonctionnement du système, manquent tout simplement, concernant les questions qui ont été posées à la Cour des comptes…
La Cour des comptes a émis trois recommandations qui concernant, en partie, les priorités de Pôle emploi :
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Harmoniser les modalités d’indemnisation des demandeurs d’emploi en activité réduite,
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Prévoir des dispositions spécifiques relatives à l’accompagnement des demandeurs d’emploi qui travaillent, pour éviter un enfermement dans l’activité réduite,
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Développer les appariements entre les données détenues par Pôle emploi et celles issues de la déclaration sociale nominative, « ainsi que l’étude des trajectoires de retour à l’emploi et des effets des règles d’indemnisation du chômage. »
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Ces pistes semblent de bon sens, mais elles demandent d’ouvrir des chantiers pour mettre en œuvre de nouvelles procédures.
Il s’agit davantage de mener un travail de fond, nécessitant des moyens, que de lancer une action de communication publique.
Les demandes formulées viennent s’ajouter à un certain nombre d’autres faites à Pôle emploi, comme, par exemple, une amélioration de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Tout cela nécessite des effectifs au delà d’une simple réorganisation.
[1] « En application des dispositions de l’article L.111-3 du code des juridictions financières, la Cour a procédé à l’examen de deux dispositions relatives à l’indemnisation de la perte d’emploi par le régime d’assurance chômage : d’une part, l’activité réduite, qui permet à des demandeurs d’emploi de cumuler, sous certaines conditions, un revenu d’activité et une allocation chômage; d’autre part, les droits rechargeables, dispositif instauré en 2014 pour prendre en considération les transformations du marché du travail. L’enquête fait suite à deux communications de la Cour respectivement relatives, en 2013, au régime d’indemnisation à l’issue des contrats précaires et, en 2015, à l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unédic). »
[2] « Le dispositif de l’activité réduite vise, pour partie, à inciter les demandeurs d’emploi à retrouver un emploi. Cependant, une partie d’entre eux court le risque d’être enfermée dans une activité réduite subie, faute d’accompagnement adapté à leurs besoins et à leur rythme de travail, c’est-à-dire tenant notamment compte de leurs disponibilités. »
[3] « Une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) relevait, dès 2014, «une prise de contact aléatoire des services de Pôle emploi avec les allocataires le plus souvent en dehors de leur actualité et donc de leurs besoins» et «un lien avec Pôle emploi de nature administrative pour maintenir les droits». Or les demandeurs d’emploi exprimaient déjà de fortes attentes vis-à-vis de l’accompagnement à l’emploi, notamment «le souhait de bénéficier d’un accompagnement ayant une plus-value et centré sur la réactivité, la personnalisation et l’intermédiation». »
[4] Prévues par la Convention tripartite conclue entre l’État, l’Unédic et l’opérateur pour la période 2015-2018.
[5] « Depuis la fin de cette expérimentation, Pôle emploi s’est efforcé de simplifier l’accès des travailleurs précaires aux services de base et d’améliorer les services spécifiques qui peuvent leur être proposés, en fonction de leur situation. »
[6] « Dans ce cadre, comme dans celui d’un accompagnement par Pôle emploi, ils devraient être orientés vers des prestations ou des formations modulaires. »
[7] « La mise en œuvre du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) pourrait être suivie plus efficacement et évoluer, le cas échéant, plus régulièrement, pour tenir compte de l’expérience acquise dans le cadre de l’activité réduite. »
[8] Qui « comportent des informations sur les épisodes de chômage et l’indemnisation éventuelle des demandeurs d’emploi. »
[9] Elles fournissent des indications sur la situation en emploi.
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