COMMENT LES CAP EMPLOI VONT ÊTRE « RAPPROCHÉS » DE POLE EMPLOI ?
Le Premier ministre, lors du 3e Comité interministériel du handicap (CIH)[1], a annoncé 22 mesures pour une part déjà connue pour « faciliter le quotidien des personnes handicapées ». Parmi celles-ci plusieurs concernant l’emploi directement ou indirectement l’emploi.
En cas de handicap irréversible, la délivrance à vie de la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) sera possible à compter du 1er janvier 2020 (mesure 3). Cette disposition semble de bon sens.
Trois autres mesures concernent l’emploi.
UNE EXPÉRIMENTATION DU RAPPROCHEMENT ENTRE POLE EMPLOI ET LE RÉSEAU DES CAP EMPLOI VA DÉBUTER
La mesure 17 prévoit la « mise en place, sur un site pilote par région, d’un accueil unique Pôle emploi / Cap emploi pour une offre d’accompagnement personnalisé, et plus efficace, des personnes handicapées en recherche d’emploi. »
« Les 98 Cap emploi sont des organismes de placement spécialisés (OPS) exerçant une mission de service public. Ils sont en charge de la préparation, de l’accompagnement, du suivi durable et du maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Ils accueillent et accompagnent plus de 100 000 personnes handicapées chaque année. »[2]
Les critiques formulées sur le dispositif actuel portent sur la multiplicité des interlocuteurs, la méconnaissance de leur rôle, les risques de rupture de parcours, l’orientation subit par le demandeur d’emploi, une communication trop faible entre les deux réseaux, des contraintes administratives ou informatiques, etc.
Pôle emploi et Cap emploi[3] continueraient de coexister, contrairement à un précédent projet[4] d’absorption des Cap emploi par Pôle emploi et de disparition de l’AGEFIPH.
Le projet porte sur un site unique d’accueil, dans chaque département, pour l’accompagnement des travailleurs handicapés. Une expérimentation doit démarrer en janvier 2020, 19 agences expérimentent un lieu d’accueil unique.
Concrètement, les TH seront reçus dans les locaux de Pôle emploi, avec un temps de présence d’un conseiller Cap emploi[5]. Le projet consiste à construire, au premier semestre 2020, une offre de services commune à destination des employeurs et des employés, visant l’insertion professionnelle des TH.
Le calendrier annoncé porte sur :
- À fin juillet 2020, un bilan de l’expérimentation débouchant sur une offre de services précise et
- En 2021, une généralisation du dispositif dans 220 agences de Pôle emploi[6].
Les Cap emploi restent des cotraitants de Pôle emploi, à l’image des Missions locales.
Leur partenariat « d’égal à égal » sur cette expérimentation devra faire ses preuves compte tenu de la nature bien différente des deux parties : un réseau associatif et un établissement public national, et d’un rapport de force bien déséquilibré.
L’Agefiph semble soutenir ce projet (officiellement), alors que, dans le même temps, la question de son avenir reste à l’ordre du jour. L’expertise de l’Agefiph et du FIPHFP, par rapport à celle de Pôle Emploi, sur l’emploi des TH semble pourtant une donnée incontestable. À mon sens, la question qui se pose n’est pas celle de la légitimité de l’AGEFIPH, mais plutôt de la dualité entre AGEFIPH (privé) et FIPHFP (public), sachant que pour un TH en recherche d’emploi la distinction par type d’employeur est un frein supplémentaire.
Cette réforme traduit la volonté du gouvernement d’insérer la politique du handicap dans le droit commun pour des raisons avant tout budgétaires.
Le chiffre de 500 000 TH inscrits à Pôle emploi est mis en avant par le gouvernement. Certes, il parait important, mais doit être considéré avec réserve, car il cumule des profils tout à fait différents, en fonction des types de handicaps, de l’âge des personnes concernées, etc.
UNE PLATEFORME NUMÉRIQUE « EMPLOI / FORMATION » DÉDIÉE AUX TH VA VOIR LE JOUR.
La mesure 18 annonce le « Lancement d’une plateforme numérique « emploi / formation » dédiée aux personnes en situation de handicap, avec la mise en ligne de premiers services « d’information accompagnée » en 2020 pour en finir avec la complexité des démarches. »
La prolifération des plateformes numériques, pour les publics pouvant avoir des difficultés de consultation à divers niveaux, semble une priorité politique générale (voir illettrisme), alors que l’accompagnement humain reste incontournable.
L’ACCÈS A L’APPRENTISSAGE DE JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP VA ÊTRE ENCOURAGÉ.
La mesure 19 revient sur l’:« Augmentation forte du nombre de jeunes apprentis en situation de handicap, dans la sphère privée comme dans la sphère publique. »
Environ 4 000 jeunes en situation de handicap entrent chaque année en apprentissage, ce qui est effectivement relativement peu. Des efforts sont les bienvenus, mais le résultat dépendra d’une éventuelle croissance du nombre des contrats signés à des jeunes de niveau infra bac, compte tenu de la proportion de jeunes en situation de handicap ayant un faible niveau de formation.
Par ailleurs, il faut rappeler que ces jeunes issus du monde scolaire n’ont pas de reconnaissance TH, ils n’ont pas recours aux structures dédiées.
[1] 3 décembre 2019.
[2] https://travail-emploi.gouv.fr/ministere/service-public-de-l-emploi/article/cap-emploi
[3] Les Cap emploi sont financés par l’Agefiph, qui a comme objet d’accompagner les travailleurs handicapés vers le chemin de l’emploi tout en assurant le suivi de leur placement.
[4] « Le terme de fusion a fait beaucoup de bruit mais c’est bien aujourd’hui celui de rapprochement qui s’impose » – Nicole Brejou, directrice de projet chez Pôle emploi.
« Cap emploi pourra apporter son expertise du handicap pour les personnes accompagnées par Pôle emploi et inversement » – Marlène Cappelle, déléguée générale de Cheops (Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés).
[5] L’avantage annoncé consiste à éviter d’éventuels allers-retours entre les deux structures.
[6] 200 sur 900 agences Pôle emploi en France
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