LES FONCTIONS PUBLIQUES S’APPRÊTENT À RECRUTER DANS LE CADRE DE « CONTRATS DE PROJET » POUR DES OPÉRATIONS IDENTIFIÉES
Le décret relatif au « contrat de projet » dans la fonction publique vient de paraitre[1], en application de la loi de « transformation de la fonction publique »[2].
Les trois fonctions publiques peuvent désormais :
« pour mener à bien un projet ou une opération identifiée, recruter un agent par un contrat à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération. »
Ce contrat est d’une durée d’un à six ans. Il peut être renouvelé pour mener à bien le projet ou l’opération, dans la limite d’une durée maximale de six ans. Il doit, entre autres, décrire le projet, la définition des tâches à accomplir, l’événement ou du résultat objectif, les modalités d’évaluation et de contrôle de ce résultat, la durée du contrat correspondant à la durée prévisible du projet ou de l’opération identifiés, la durée de la période d’essai et la possibilité de la renouveler, la possibilité de rupture anticipée par l’employeur et le droit au versement d’une indemnité de rupture anticipée du contrat.
Le recrutement ne donne pas lieu à concours, ses modalités ont été fixées par le décret du 19 décembre 2019[3] : publication, délais, etc.
Les référentiels salariaux sont cours d’élaboration, ils pourront poser problème qu’ils soient trop bas ou trop élevés ! Le risque est de créer une catégorie de contractuels sous-payés, l’autre une catégorie de salariés mieux payés que les personnels en poste.
Les conditions de la rupture anticipée du contrat de projet, à l’initiative de l’employeur, sont l’absence de possibilité de réalisation du projet ou bien lorsque le résultat du projet ou la réalisation de l’opération avant l’échéance prévue du contrat (après un an d’exécution)[4].
CE CONTRAT PEUT RÉPONDRE À DES BESOINS IDENTIFIÉS ET LIMITÉS DANS LE TEMPS.
Ce « contrat de projet » semble bien correspondre à des besoins précis, c’est-à-dire à la fois à :
- Des missions bien définies dans l’objet et la durée,
- Aux recrutements de compétences précises non disponibles (par exemple, dans le domaine de projets numériques : sites, applications, communication, etc.).
Il est conçu pour la réalisation d’un objet défini, par exemple la préparation et le suivi d’un évènement comme l’organisation des Jeux olympiques.
Pour les futurs titulaires de ces contrats de mission, il pourra s’agir d’une opportunité, dans la mesure où les missions sont intéressantes. Ces expériences donnent une occasion de connaitre la fonction publique et de tenter de l’intégrer ou bien de disposer d’une expérience à faire valoir dans un CV. On en jugera dans quelques années…
MAIS, DANS LE CONTEXTE ACTUEL, LE RISQUE D’UN DÉTOURNEMENT DE L’USAGE DE CE TYPE DE CONTRAT PAR DES EMPLOYEURS PUBLICS EST BIEN RÉEL.
Le risque ressenti par de nombreux acteurs est de voir se produire un détournement de ce contrat.
Il est probable que certains recruteurs publics seront tentés, de proposer des contrats de projet, en lieu et place du recrutement de postes de titulaires de la fonction publique. Jouer sur les intitulés devrait être possible. Cela répondra au souhait existant de disposer d’une certaine flexibilité dans la gestion des ressources humaines.
Nul doute que des contentieux surgiront à ce propos dans les années qui viennent entre salariés et employeurs à ce propos.
Dans la politique RH des fonctions publiques, le souhait de développement de la contractualisation a été évoqué clairement à de nombreuses reprises. La part de contractuels dans la fonction publique est d’ailleurs déjà passée de 14% en 2005 à 18% en 2018.
Enfin, il est permis de se demander pourquoi il n’a pas été choisi de recourir à des contrats privés pour répondre à ce besoin de personnels en mission.
Par exemple, le contrat à durée déterminée à objet défini (CDD-OD), appelé également « CDD de mission » qui concerne les cadres du privé, aurait pu être étendu à des fonctionnaires de catégorie A[5] et sa durée portée à 6 ans renouvelables.
Il semblerait possible d’imaginer que les employeurs publics disposent de deux types de personnels : d’une part des fonctionnaires titulaires (pour les postes permanents) et, d’autre part, de personnels sous contrat de droit privé, disposant d’un statut clair.
L’aspiration politique à des mesures universelles touche, encore une fois, à ses limites !
[1] Décret n° 2020-172 du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique
[2] Article 17 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique
[3] Décret n°2019-1414 du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels
[4] Dans ce cas, le montant de l’indemnité est de 10% de la rémunération totale perçue à la date de l’interruption anticipée du contrat.
« L’agent est informé de la fin de son contrat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre signature : « 1° Au plus tard deux mois avant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée inférieure ou égale à trois ans ; « 2° Au plus tard trois mois avant le terme de l’engagement pour l’agent recruté pour une durée supérieure à trois ans. »
[5] Il se termine quand l’objet de la mission est réalisé. Il est d’une durée comprise entre 18 et 36 mois (sans renouvellement possible), il prend normalement fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu après un délai de prévenance au moins égal à 2 mois.
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