Préalable :
D’une part, je suis entièrement convaincu que des discriminations peuvent avoir lieu lors des recrutements, ou dans le cadre de la vie professionnelle. Leurs motifs sont assez divers et parfois se cumulent. Il faut les combattre.
D’autre part, le ministère du Travail a mis au point tout un ensemble de dispositions de lutte contre les discriminations[1], qu’il faut suivre, y compris dans les recours possibles.
Mais, certaines enquêtes ou études ont une approche souvent contestable, à mon sens, pour différents motifs. Il me semble utile d’être critique quant à la critique !
L’ÉDITION 2021 DU BAROMÈTRE SUR LA PERCEPTION DES DISCRIMINATIONS DANS L’EMPLOI EST CONSACRÉE A LA JEUNESSE[2].
Selon cette enquête, « plus d’un jeune sur trois (37%) rapporte avoir déjà vécu une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière et près d’un jeune sur cinq déclare y avoir été confronté à plusieurs reprises ».
Ces situations se sont produites dans différents circonstances :
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Pour 6,7% des jeunes, lors de l’accès à un stage,
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Pour 12,6% des jeunes, lors d’un recrutement,
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Pour 11,2%, dans le travail au quotidien,
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Pour 8,5%, lors d’une évolution de carrière.
La Défenseure des droits[3] alerte quant à « une surexposition de la jeunesse aux discriminations dans l’emploi ».
Le constat de ce « Baromètre » est le suivant :
Derrière les déclarations des jeunes interrogés se trouve une approche qui additionne, à mon sens, des éléments de nature très différente.
Cette démarche semble contestable, car l’approche des discriminations répond à une analyse théorique complexe, résumée par la formule suivante, à relire plusieurs fois :
« Les discriminations ne surviennent pas isolément ; elles résultent d’un ensemble de processus complexes, impliquant : des représentations sociales (préjugés, stéréotypes, normes stigmatisantes) ; des rapports de domination et des interactions spécifiques au domaine de l’emploi ; Et des inégalités collectives, durables et cumulatives, qui structurent les différentes sphères de la vie sociale. »
Exemple 1 : LA DÉVALORISATION RESSENTIE PAR UN JEUNE LORS DE SON PARCOURS PROFESSIONNEL RELÈVE D’AUTRES PROBLÈMES QUE DE LA DISCRIMINATION.
Pour illustrer la confusion entre mes éléments pris en compte, il suffit d’examiner le paragraphe consacré à une dévalorisation au cours de la vie professionnelle.
« En 2021, près de 90% des jeunes âgés de 18 à 34 ans en France déclarent avoir déjà connu une situation de dévalorisation au cours de leur vie professionnelle.
Ces derniers font principalement face à trois situations hostiles :
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La sous-estimation de leurs compétences,
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Être mis sous pression pour en faire toujours plus,
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Se voir confier des tâches inutiles et ingrates.[4]»
Ces appréciations des jeunes interrogées sur leur difficulté d’intégration dans leur poste sont génériques, leur validité est contestable en fonction de chaque jeune, de chaque poste, de chaque filière et de leur encadrant.
Elles font penser davantage penser aux difficultés du débutant qu’à une discrimination quelconque.
Exemple 2 : LE CONSTAT SUR L’ENTRETIEN D’EMBAUCHE APPARAIT ASSEZ RÉDUCTEUR.
Il accuse des personnes en charge du recrutement, sans prendre en compte le comportement et le profil du candidat.
« L’employeur mobilise, parfois inconsciemment, des préjugés et des jugements de valeur à l’encontre de différents groupes sociaux qui peuvent se traduire, lors de l’entretien d’embauche ou d’évaluation professionnelle, par des remarques stigmatisantes à l’encontre du candidat supposé y appartenir ou par des injonctions discriminatoires. »
Le commentaire qui suit confirme le mélange qui est fait dans cette analyse :
« En France, près d’un jeune sur deux (54%) a déjà fait l’objet de propos déplacés ou de remarques désobligeantes lors d’un entretien d’embauche. »
Qu’est-ce qu’un propos déplacé ? ou une remarque désobligeante ? Ces éléments sont-ils objectifs ou subjectifs ?
Au-delà des approches précédentes du Baromètre, la Défenseure des droits recommande aux employeurs publics et privés des principes de bon sens[5].
L’OPINION DES JEUNES SUR LES RISQUES DE DISCRIMINATION EN GÉNÉRAL N’A PAS DE CARACTÈRE ORIGINAL ET SIGNIFICATIF.
Plus d’un tiers des jeunes âgés de 18 à 34 ans interrogés ont répondu considère que « les discriminations constituent un phénomène massif dans la société française »[6].
Parmi ceux qui ont répondu en ce sens, le classement des critères de discriminations est le suivant :
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Origine, couleur de peau ou nationalité pour 68%,
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Apparence physique pour 63%,
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Sexe pour 61% (désigné par « Identité de genre »),
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Religion pour 57%,
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Orientation sexuelle pour 60%,
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État de santé ou handicap pour 54%.
Leurs opinions n’ont rien d’original et reprennent les critères de discrimination les plus connus[7] ; mais en laisse de côté d’autres, comme, par exemple, l’âge ou le lieu de résidence…
[1] La protection contre les discriminations – 08/12/2021 – https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/egalite-professionnelle-discrimination-et-harcelement/article/la-protection-contre-les-discriminations
[2] Elle est issue de l’enquête menée avec l’rganisation internationale du travail (OIT) auprès d’un échantillon représentatif de la population de jeunes actifs de 18 à 34 ans (3 201 personnes).
[3] « Le Défenseur des droits est en charge de la mission de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité. A ce titre, l’institution alerte depuis des années sur l’insuffisante mobilisation des pouvoirs publics et a publié de nombreuses propositions de réformes et recommandations afin de mieux prévenir et sanctionner les discriminations. »
[4] Le titre du paragraphe est : « Une jeunesse surexposée, produit d’un fonctionnement global et inégal de la société dans le domaine de l’emploi ».
[5] Recommandations : mettre en œuvre une phase de diagnostic et d’enquête au sein de l’organisation pour mieux identifier les risques discriminatoires à l’encontre des jeunes salariés ; Élaborer des actions de prévention et de lutte contre les discriminations, et prévoir des mesures spécifiques ciblant les jeunes actifs ; Interroger l’ensemble des processus et critères de décision en matière de ressources humaines tout en informant et sensibilisant l’ensemble du personnel à la non-discrimination.
[6] « Contrairement à la population globale qui identifie massivement les discriminations dans les sphères de l’emploi et du logement, les personnes âgées de 18 à 34 ans considèrent davantage qu’elles se produisent dans l’ensemble des domaines de la vie sociale : recherche d’emploi, contrôle de police, recherche d’un logement, d’un stage, d’un crédit ou d’une assurance, etc. »
[7] Les motifs figurant dans le code du travail sont les suivants :
- L’origine,
- Le sexe,
- Les mœurs,
- L’orientation sexuelle,
- L’identité de genre (le genre auquel s’identifie une personne, qu’il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l’état-civil),
- L’âge,
- La situation de famille ou la grossesse,
- Les caractéristiques génétiques,
- L’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée,
- Les opinions politiques,
- Les activités syndicales ou mutualistes,
- L’exercice d’un mandat électif,
- Les convictions religieuses,
- L’apparence physique,
- Le patronyme,
- Le lieu de résidence,
- L’état de santé ou le handicap,
- La particulière vulnérabilité résultant de la situation économique de l’intéressé, apparente ou connue de l’auteur de la décision,
- La perte d’autonomie,
- La capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français,
- La domiciliation bancaire.
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