LA POLITIQUE DE LA « PRIME À L’EMBAUCHE DANS LES PME » AURA DURÉ 18 MOIS.
La prime à l’embauche PME en faveur de l’emploi a été mise en place par un décret du 25 janvier 2016. Elle apportait une aide financière destinée aux petites et moyennes entreprises ou associations (PME de moins de 250 salariés) pour l’embauche de salariés en CDI et en CDD, ou contrat de professionnalisation, de plus de 6 mois, à temps plein ou à temps partiel. Cette aide à l’embauche a pris fin au 30 juin 2017. La mesure pouvait bénéficier à la transformation d’un CDD en CDI. Enfin, elle concernait des salariés payés moins de 1,3 fois le SMIC.
L’entreprise pouvait bénéficier de cette aide pour un montant de 500 € par trimestre pour un temps plein, versée à la fin de chaque période exécutée de 3 mois, et ce durant les 2 premières années du contrat. Ce montant total pouvait donc théoriquement atteindre 4 000€ par salarié. L’employeur n’était pas limité en termes de nombre de bénéficiaires.
PRÈS D’UN MILLION D’EMBAUCHES EN ONT BÉNÉFICIÉ EN 2016.
Une évaluation conduite par l’Insee de cette politique d’aide vient de paraitre[1]. On constate que la distribution de cette prime a été effective, contrairement à d’autres mesures, mise en œuvre sur la même période, comme les « contrats de génération » ou les « emplois francs » qui ne se sont pas véritablement concrétisés[2].
En 2016, 965 000 embauches ont bénéficié des primes accordées. Ce qui correspond à un montant d’engagement budgétaire de 2,6 milliards d’euros (sommes allouées et prévisionnelles). Plus de la moitié des embauches (environ 55 %) relevant potentiellement de la prime ont fait l’objet d’une demande. Ce dispositif d’aide a donc bien fonctionné.
QUEL A ÉTÉ L’IMPACT DE LA PRIME À L’EMPLOI DANS LES PME ?
La question qui se pose naturellement est de savoir quel a été l’effet de cette prime sur les embauches et la nature de celles-ci. Des critiques disent que les PME ont bénéficié de cette prime sur des embauches qui auraient eu lieu de toute manière.
L’étude de l’Insee donne néanmoins quelques repères
« Les statistiques descriptives montrent une croissance plus marquée des embauches en CDD de 6 mois ou plus dans les PME, éligibles à la prime, que dans les entreprises plus grandes, non éligibles. » (…)
« Les résultats suggèrent que la prime a permis une augmentation des embauches en CDI. L’effet sur l’emploi est limité par des phénomènes de substitution entre CDD courts et CDI. » (…)
« La prime semble avoir permis d’augmenter les embauches en CDD de 6 mois ou plus, les effets étant concentrés sur les entreprises de 10 à 49 salariés. » (…)
« Le type d’embauches générées par la prime dépend de la taille d’entreprise : si les entreprises de moins de 50 salariés semblent avoir majoritairement embauché à travers des CDD de 6 mois ou plus, les entreprises proches du seuil d’éligibilité ont plutôt conclu de nouveaux CDI. Ces effets n’ont toutefois pas été immédiats, s’étant intensifiés surtout au T3 et T4 de 2016. » (…)
« L’estimation d’un taux de recours global autour de 50 % (très proche de ce qui avait été estimé pour le dispositif Zéro charge) soulève enfin dans un cadre plus large la question des freins à l’utilisation de tels dispositifs. »
En résumé, si l’étude identifie bien un réel effet de la mesure, elle manque de recul dans le temps pour conclure sur son utilité.
Il faut bien voir que des embauches ayant bénéficié de primes PME au début 2017 continuent à être versées actuellement, et ce jusqu’au premier semestre 2019 (2 ans). L’analyse sur le destin de ces contrats de travail durant la période de 2 ans (taux d’abandon ou de licenciement) et au-delà des deux ans de la prime permettrait de mieux juger plus sérieusement de l’effet produit !
EN GUISE DE CONCLUSION GÉNÉRALE SUR LES POLITIQUES DE L’EMPLOI.
Je ferais trois simples remarques issues de mon expérience d’employeur, de professionnel de l’emploi et de Conseil.
-
Une mesure de politique de l’emploi doit être incitative pour un employeur. En dessous d’un certain niveau financier, elle ne fonctionne pas. Exemple : le non atteint des objectifs en nombre d’emplois aidés en 2018 est directement lié à un niveau d’aide insuffisant pour conduire à la création d’un poste. Le niveau d’aide a été retenu pour freiner la signature de ces contrats et il est parvenu à son objectif. À ce titre, une prime de 167 € par mois (500 € par trimestre) est toujours bonne à percevoir pour un employeur, mais elle ne déclenche pas une décision d’embauche pour un salaire brut allant du SMIC de près de 1 500 €[3] à 1 950 €.
-
Une mesure de politique de l’emploi devrait s’inscrire dans la durée pour qu’elle soit connue par les employeurs comme par les candidats qui peuvent s’en faire le relais et qu’elle « entre » dans le raisonnement du décideur RH. La personne en charge des RH dans une entreprise, qui a quelque expérience, regarde les dispositifs publics emploi avec prudence pour observer comme ils fonctionnent dans un premier temps[4].
-
Enfin, un bilan précis de l’impact d’un dispositif d’aide s’impose. L’expérience prouve que les bilans paraissent quand la mesure a déjà disparu depuis un certain temps ! Les choix annuels qui correspondent au rythme des lois de finances ne jouent pas en faveur de la pérennité minimale d’une mesure. J’ajouterais que le traitement statistique des résultats (mode actuelle) ne suffit pas à rendre compte de l’application d’une mesure et des actions menées ou le qualitatif est le plus important. A cette occasion, comme à d’autres, le traitement des données ne mène à rien sans prendre le soin d’apprécier la qualité de celles-ci.
Un archéologue des politiques publiques de l’emploi pourrait faire œuvre utile en menant quelques fouilles et en nous en exposant les résultats des bilans oubliés.
[1] Source – Insee – Direction des Études et Synthèses économiques – Documents de travail – No G2018/09 – Paru le : 13/11/2018
Cette étude fournit une évaluation de ce dispositif à partir des « déclarations préalables à l’embauche des employeurs ».
[2] L’absence de concrétisation d’une politique publique de l’emploi provient : soit d’une erreur de conception, par exemple, mauvais ciblage de la population visée, soit de la décision politique de ne pas la mettre en œuvre, au-delà de la communication politique du ministère du Travail.
[3] Rappel : Le montant mensuel brut sur la base de 35 heures du SMIC 2018 est de 1 498,47 euros.
[4] Un Directeur Départemental du Travail, qui me recevait pour parler d’une nouvelle politique en faveur de l’emploi des jeunes, qu’il devait mettre en œuvre, m’a écouté sympathiquement, puis, il a fini par m’avouer : « je compte les politiques publiques en faveur de l’emploi des jeunes, cela fera la dix-septième que je dois présenter et appliquer. Je le fais en attendant la suivante… »
Pas de commentaire sur “Quels résultats pour la Prime à l’embauche dans les PME ?”