L’INDUSTRIE AUTOMOBILE S’EST ENGAGÉE DANS UNE MUTATION PROFONDE.
L’industrie automobile est soumise, d’une part, à des contraintes politiques[1] et, d’autre part, aux progrès technologiques s’est engagée dans une mutation profonde. Suite à la politique gouvernementale sur le carburant et la communication sur la fin du diesel, la chute des ventes de véhicules neufs diesel est rapide[2]. 40% du marché en 2018. 34% en janvier 2019. La production des véhicules et l’activité des équipementiers travaillant sur les moteurs diesel est évidemment impactée, et les conséquences s’annoncent en termes d’emplois.
Le contexte international est aussi marqué par la chute des ventes de véhicules en Chine et les incertitudes de la concrétisation du Brexit.
Les fabricants s’engagent dans la production de véhicules électriques compte tenu des injonctions européennes et françaises de « transition écologique ». Ils engagent des investissements massifs et annoncent qu’ils vont diminuer leurs effectifs plus ou moins rapidement avec gel des recrutements ou plans sociaux ou transactionnel collectif.
Les conséquences sont connues : le besoin en personnels pour la fabrication est bien moindre (-30%) [3] et, jusqu’à ce jour, la production des batteries a lieu en Asie[4].
L’encouragement de la construction de véhicules électriques intervient sans qu’un certain nombre de questions restent en suspens : autonomie limitée des véhicules, capacité locale en recharge, bilan carbone global d’un véhicule électrique faisant l’objet de polémique, capacité électrique d’alimentation importante qui se répercute sur la production énergétique et le choix de sa nature.
La recherche développement sur les futurs véhicules autonomes se poursuit dans un contexte de concurrence internationale, renforcée par l’apparition potentielle de nouveaux acteurs. La perspective reste un peu plus lointaine. En ce qui concerne ces véhicules, une incertitude demeure sur les autorisations de circulation qui seront autorisées (centres villes aménagés avec des capteurs ou petites routes de montagne !).
Le patron de PSA et président de l’ACEA (Association des constructeurs européens) a prévenu que les décisions de Bruxelles sur le CO2 auraient des « conséquences sociales »[5].
Ford[6], Jaguar Range Rover et Volkswagen[7] ont déjà annoncé leur intention de procéder à de dizaines de milliers de suppressions d’emplois dans les années à venir.
Pour mémoire, la direction du groupe automobile PSA a mis en place début 2018 un plan de rupture conventionnelle collective (RCC)[8]. Il concerne 1 300 suppressions de postes. PSA deviendrait ainsi la première entreprise à conclure un projet de rupture conventionnelle collective.
L’IMPACT INDUSTRIEL DE LA DISPARITION DU DIESEL NE SEMBLE PAS AVOIR ÉTÉ ANTICIPÉ.
Une petite cinquantaine de sous-traitants automobiles, spécialisés dans le diesel, se trouveraient en difficulté[9], davantage que PSA ou Renault.
Environ 5 000 emplois seraient menacés à court terme et 15 000 dans les cinq ans dans 300 entreprises.
Une réunion a eu lieu sur cette question à l’invitation du ministre de l’Économie[10]. Elle a débouché sur des annonces de la secrétaire d’État chargée de l’industrie pour répondre à l’impact sur les entreprises industrielles de la condamnation politique du diesel, qui a été prononcée et se traduit par l’effondrement sans appel du marché de ce type de véhicule.
« Concernant la filière diesel, deux décisions ont été prises. La première est de lancer une mission scientifique indépendante pour évaluer en conditions réelles les émissions de CO2, de Nox, et de particules fixes des motorisations récentes, essence ou diesel. » (…)
« La deuxième décision annoncée à l’issue de cette réunion est de lancer une cartographie des sites concernés par la diminution de l’achat par les Français de véhicules diesel ».
Cette « mission scientifique » et cette « cartographie » des prochaines fermetures industrielles n’auraient-elles pas été effectuées, avant la prise de décision politique concernant le retrait des véhicules diesel ? Un doute m’assaille.
L’ANALYSE DE LA MINISTRE SUR LA SITUATION APPARAIT BIEN OPTIMISTE A LA PLUPART DES ACTEURS
La ministre semble bien optimiste quand elle affirme :
« La moitié des sites ont anticipé leur diversification et sont capables de se réorienter. En revanche, 20% d’entre eux doivent être accompagnés pour s’orienter vers d’autres activités. Cela doit être le plus possible anticipé. »
La reconversion des activités existantes est plus ou moins jouable, selon les types de fabrication[11] et elle ne semble pas aussi bien engagée.
Mais le problème apparait plus large.
« Outre la filière diesel, les voitures électriques, l’hydrogène, l’usine 4.0 et les problèmes de compétences ont été abordés lors de cette rencontre avec les constructeurs, les équipementiers et les organisations syndicales. »
Il faut dire qu’au-delà de l’abandon du diesel, l’évolution encouragée vers la voiture hybride, la voiture électrique et demain la voiture autonome impose un changement indispensable du mode de production.
La question de la production européenne des batteries électriques n’est pas encore réglée au niveau des approvisionnements en matériaux comme en installation d’usines. Le recyclage massif des batteries n’est pas encore mis en œuvre.
Les moyens de la recherche (publics et privés) n’ont pas été suffisamment ciblés en amont alors que cela semble avoir été une priorité depuis plusieurs années.
L’ordre logique des choses ne semble pas avoir été suivi. Une démarche incantatoire sur le « zéro CO2 » ne suffit pas à assurer une réussite.
La conséquence, de ce qu’il convient d’appeler une confusion entre les objectifs et les moyens, est que l’industrie automobile en France se trouve aujourd’hui menacée et les emplois qui en dépendent également.
[1] « La filière doit s’adapter à l’objectif fixé par l’Europe de baisse de 37 % d’ici 2030 des émissions de dioxyde de carbone. Cela implique de revoir en profondeur le mix énergétique des véhicules et d’engager un ambitieux plan de formation. » – Le directeur de la Plateforme de la filière automobile.
[2] « La filière automobile est face à une restructuration qu’elle n’a jamais connue » – Luc Chatel, le président de la Plateforme de la filière automobile.
[3] « La fabrication d’une voiture électrique nécessite environ 30% de travail en moins par rapport à une voiture thermique actuelle » selon le président du directoire du groupe Volkswagen – 12/03/19
[4] L’électrification comprend aussi le risque « de transférer 40% de la valeur vers l’Asie », qui produit l’essentiel des batteries, selon Carlos Tavares.
[5] « Un défi dramatique, d’une ampleur spectaculaire pour les constructeurs et leurs coûts », selon le patron de BMW.
[6] Ford ferme son usine de Blanquefort en Gironde (1973) qui était dédiée à la production de boîtes de vitesse. Le Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) concerne 850 salariés.
[7] Le patron de Volkswagen affirme que « La mobilité électrique est le seul moyen pour remplir les objectifs environnementaux » et que « L’objectif est de rendre le groupe neutre en émissions de CO2 d’ici 2050 ». La part des véhicules électriques au sein du groupe devrait ainsi atteindre au moins 40% d’ici à 2030.
[8] Ce plan prévoyait 1 300 postes supprimés, 900 cessations d’activité de séniors et 6 000 « mobilités internes », ainsi que le recrutement de plus de 1 300 CDI et de l’accueil de 2 000 jeunes apprentis.
[9] Par exemple, à Rodez (Aveyron), dans une usine de la Bosch, spécialisé dans la production de bougies et systèmes d’injection à destination de véhicules diesel, 300 postes sont menacés, sur les 1 500 actuels.
[10] 11 mars 2019
[11] Reconversion concernant l’électronique de contrôle, fabrication de pièces mécaniques pour l’hybride ou l’électrique, etc.
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