Le Haut-Commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi a précisé l’avancement de la mise en œuvre du plan d’investissement dans les compétences, ou Pic[1].
L’ESTIMATION DE LA RÉALITÉ DU PIC RESTE DIFFICILE
Globalement, on dénombre de bonnes intentions d’action dans ce plan, mais l’estimation de sa réalité reste difficile à établir pour plusieurs raisons.
D’une part, si l’annonce d’un « budget PIC de 15 milliards d’euros » apparait comme un bon argument de communication vis-à-vis de l’opinion, la réalité de la mais en œuvre d’un budget de 14,6 milliards d’euros, étalés sur cinq ans, de 2018 à 2022, avec une montée en charge progressive, ne donne pas une indication bien précise de l’effort réel qui sera consenti (les budgets de la loi de finances restent évidemment annuels).
D’autre part, les actions financées par le PIC reprennent les budgets d’actions déjà existantes (garantie jeune[2], formation des chômeurs, etc.) et, apparemment, quelques nouveaux projets, mais dont l’ampleur réelle reste encore à apprécier.
Enfin, la nature des formations change : le forfait moyen pour un parcours de formation serait élevé à hauteur de 8 500 euros ; ce montant permet effectivement d’engager des formations plus longues et certifiantes ou même diplômante[3]. Reste à connaitre lesquelles.
Lire la présentation du ministère du travail sur le PIC : « Plan d’investissement compétences » – https://bit.ly/2oU49Zl
LE CIBLAGE EXCLUSIF DU PIC SUR DES PUBLICS TRÈS ÉLOIGNÉS DE L’EMPLOI APPARAIT TROP RESTRICTIF
La critique fondamentale à apporter à ce plan PIC porte sur son orientation idéologique, puisqu’il doit être consacré à rehausser le niveau des compétences des personnes les plus éloignées de l’emploi. Le chiffrage actuel annoncé porte sur une dépense de 6,7 milliards d’euros pour former 800 000 jeunes décrocheurs et 7,1 milliards d’euros à former un million de demandeurs d’emploi « les plus éloignés du marché du travail ».
Cette cible est évidemment souhaitable, mais il faut regretter qu’elle soit exclusive, du moins dans le discours du PIC.
De nombreuses personnes peu éloignées de l’emploi ont un fort besoin de formation professionnelle avant de s’en trouver « éloignées », le PIC apparait comme un plan de réparation et n’inclut pas la nécessaire dimension de prévention. A ce titre, l’ouverture annoncée a des formations en ligne semble devoir être validée pour des publics en difficulté.
Lire le Billet : « POURQUOI NE PAS PRENDRE EN COMPTE LE « DÉSIR D’EMPLOI » DES CHÔMEURS ? » – https://bit.ly/2RBc0XW
L’OBJECTIF DU PIC RESTE D’AILLEURS ASSEZ MODESTE
L’objectif du PIC reste d’ailleurs assez modeste, ce qui semble réaliste. L’économiste[4] qui a conçu le plan déclare :
« Si nous arrivons à faire retrouver le chemin de l’emploi pérenne à 300 000 personnes[5], ce sera déjà bien, cela correspond à un point de chômage structurel en moins. En matière de retour à l’emploi, il vaut toujours mieux partir sur des hypothèses prudentes. »
L’impact de 1 point sur le taux de chômage est discutable, mais là n’est pas la question.
Le haut-commissaire aux compétences, Jean-Marie Marx, a d’ailleurs précisé que l’objectif du gouvernement est « plus qualitatif que quantitatif« .
A juste titre, il cherche à distinguer le PIC du « plan 500 000 formations » pour les demandeurs d’emploi, lancé sous François Hollande qui, il est vrai, n’a pas été efficace, comme le prouve l’absence de résultats. Les entrées en formation ont souvent été réalisées sans choix pertinent des formations suivies d’une insertion pour faire du chiffre (et faire baisser pour un temps les chiffres des chômeurs de catégorie A).
LE PIC FINANCERA AUSSI DES ACTIONS, DE NATURE DIVERSE, POUR SES PUBLICS CIBLES
Le Pic prévoit d’encourager l’analyse des profils professionnels qui vont manquer, avec le concours des branches professionnelles. Les d’observatoires en charge de cette prospective, ont ainsi répondu à des appels à projets du ministère, pour faire évoluer les méthodes d’analyse des besoins.
Les pactes régionaux, déjà signés avec des Régions, devraient conduire à engager 148 000 parcours de formation supplémentaires d’ici la fin 2018. On mesurera, l’an prochain, si cet objectif a été atteint[6].
Des dispositifs existants devraient être développés et d’autres expérimentés : actions de formation en situation de travail en entreprise, préparations opérationnelles à l’emploi collectif (POEC), les prépa-compétences, pour augmenter les chances des demandeurs d’emploi de réussir leur stage, ou les écoles de la deuxième chance, pour les jeunes décrocheurs, méthodes d’intégration professionnelle des réfugiés, prépa-apprentissages pour préparer des jeunes[7], initiatives pour identifier des publics jeunes non repérés (les « invisibles »)…
Ajoutons que l’idée pertinente d’un « accompagnement renforcé » des personnes en formation a été évoquée pour contribuer à réduire le nombre des abandons en cours de formation. Mais la question des moyens humains pour mener à bien ce projet se pose, dans la mesure où Pôle emploi semble a priori hors de mesure de l’assurer.
RESTE À ESPÉRER QUE LES RÉSULTATS DE CES ACTIONS SERONT TRANSPARENTS ET CONNUS RAPIDEMENT
Il conviendra de suivre chacune de ces démarches pour connaitre leur développement et leurs résultats.
« Il est important de connaître les débouchés pour chaque formation« , a déclaré la ministre du Travail.
Un « système de mesure de résultats » est projeté pour réorienter les crédits chaque année, en fonction des indicateurs. Il devrait prendre en compte la nature des publics accueillis en formation et le projet de chacune des formations. Le ministère compte également sur le système de « certification » des organismes de formation pour améliorer la qualité.
[1] Am stram gram serait les premiers mots de la déformation phonétique d’une ancienne comptine allemande : Am, stram, gram, / Pic et pic et colégram, / Bour et bour et ratatam, / Am, stram, gram. L’une des traductions possibles est la suivante: Une, deux, trois, / Vole, vole, hanneton, / Cours, cours, cavalier, / Une, deux, trois., mais il existe d’autres interprétations
[2] Le dispositif de la « garantie jeunes » devrait atteindre le seuil annuel des 100 000 jeunes en situation de précarité, soit une progression de l’ordre de +10%.
[3] Pour le plan 500 000, le montant moyen était seulement de 3 000 euros. Ce qui est insuffisant. Des formations longues (6 à 9 mois) et certifiantes seraient privilégiées ainsi que « de nouvelles prestations pour permettre aux demandeurs d’emploi de mieux intégrer la dimension des compétences relationnelles » et celles des « postures professionnelles » à maîtriser, pour la vie dans l’entreprise.
[4] Jean Pisani-Ferry.
[5] Les 300 000 se décomposerait en 150 000 jeunes décrocheurs et 150 000 chômeurs de longue durée.
[6] Le ministère devrait s’assurer de la réalisation effective de ces formations et de l’engagement des crédits PIC attribués par rapport à la part financée par les régions.
[7] Il s’agirait de préparations aux dispositifs d’apprentissage et d’alternance.
Un commentaire to “Formation : PIC et PIC et colégram !”
9 novembre 2018
Didier COZINExcellente analyse. Quand nous avons découvert l’appel à projet de la Caisse des dépôts nous avons vite renoncé, cette histoire de ne financer que 70 ou 80 % du prix des formations était la meilleure façon d’éloigner les OF privés du PIC.