LA RÉFORME DES RETRAITES POURRAIT CONDUIRE À UN ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE TRAVAIL ET IMPACTER DIRECTEMENT LE MARCHÉ DU TRAVAIL.

« On peut se poser la question de savoir si un jour, pour dégager ces moyens financiers, l’équilibre sera de dire travaillons un peu plus longtemps pour faire en sorte que la dépendance soit totalement prise en charge » – Édouard Philippe.

Plus précise, la ministre des Solidarités et de la Santé vient de se déclarer favorable à « un allongement de la durée de travail », qui serait présenté lors des discussions avec les partenaires sociaux « dans le cadre de la réforme générale » des retraites. Cette proposition va à l’encontre de l’engagement de 2019 du président de la République de ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite.

Une fois de plus, on constate que la question de l’emploi, qui est directement touchée par une prolongation des carrières, est abordée par quelqu’un dont ce n’est visiblement pas la compétence. Ce n’est pas la première fois que ce problème émerge (voir réforme Fillon).

Les affirmations erronées suivent. Cette ministre évoque « que le nombre d’actifs diminue », alors que le récent document de la ministre du Travail évoque seulement un ralentissement de la croissance[1] et estime la progression du nombre des actifs à 100 000 en 2018. Elle voit la durée de vie augmenter contrairement aux derniers chiffres publiés par son propre ministère.

Sans entrer ici dans le débat de la réforme des retraites[2], il semble important de bien voir quelle est la situation actuelle de l’emploi des seniors.

Pour poser la question oubliée : il faut savoir quel serait l’effet du recul de l’âge des retraites sur le budget de l’indemnisation chômage, du RSA ou d’autres aides sociales.

Toucher le chômage plutôt que la retraite est-il favorable ?

Lors du passage de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans et l’augmentation du nombre des trimestres, ce calcul de transfert des charges n’a jamais été fait (séparation ministérielle oblige).

Cet « oubli » est à l’origine d’une part de l’augmentation du niveau de l’indemnisation chômage et de celui du nombre des bénéficiaires du RSA. Il suffit de comparer les dates…

L’ACTIVITÉ DÉCROIT AVEC L’AGE À PARTIR DE 60 ANS, PUIS DE 65 ANS.

Les chiffres, que vient de publier la DARES[3], concernant les salariés de « 50 ans et plus » (seniors) donnent des informations assez intéressantes sur l’organisation de fait des fins de carrière des salariés. Le découpage en quatre tranches d’âge parait pertinent pour une population de 16,6 millions de personnes[4].

Le taux d’activité[5] (actifs), le taux d’emploi[6] (en emploi) et la proportion de chômeurs[7] diminuent progressivement avec l’âge.

On constate une faible diminution de l’activité à 55 ans, puis une nette rupture à 60 et 65 ans. Il convient également de comptabiliser avec les chômeurs la population considérée comme étant le « halo du chômage »[8].

Le taux de chômage des seniors apparait un faiblement inférieur à la moyenne, à la même date[9]. Puis il baisse à partir de 60 ans, elle correspond à la diminution de la part des actifs avec l’accès à une pré retraite ou à une retraite.

LE NOMBRE D’INSCRITS A POLE EMPLOI DE « 55 ANS ET PLUS » A POURSUIVI SON AUGMENTATION EN 2018

Pôle emploi comptabilise 915 600 demandeurs d’emploi de plus de 55 ans en catégorie (A, B et C) soit +3,8% sur un an, dont 636 200 dans la seule catégorie A, soit +1,3% sur un an.

Il s’agit d’une tendance à la hausse, comme le montrent les chiffres de l’année précédente (ABC : +6,7 et A : +4,4%)[10].

Les « 55 ans et plus » représentent 15% des demandeurs d’emploi de catégorie A et 17% des catégories ABC.

Selon l’enquête Insee, autres chiffres, le taux de chômage des « 55 ans et plus » aurait augmenté entre la 4^e trimestre 2017 et le 4^e trimestre 2018 de 0,5%[11], sans compter le halo du chômage.

LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE PROGRESSE PARTICULIÈREMENT

La proportion des chômeurs de longue durée, plus d’un an, atteint les 68%, dont 47% sont inscrits depuis plus de deux ans[12]. La durée moyenne d’inscription est de plus de 700 jours. Cette durée d’inscription a encore tendance à s’accroitre : +7,2% en 2018 pour les inscrits de plus de 24 mois, après +6,6% en 2017.

[1] Précisément, l’estimation évoque le passage de + 150 000 actifs par an à + 62 000, dans quelques années. (Marché du travail 2018)

[2] « Nous allons mener une réforme des retraites pour rendre les retraites plus universelles, plus compréhensibles pour les Français et avoir un système qui pérennise notre système par répartition. » (…) « Est-ce que, alors que le nombre d’actifs diminue, nous allons pouvoir maintenir sur les actifs le poids des retraites qui vont augmenter en nombre et en durée ? Nous savons que cet équilibre-là va être de plus en plus difficile à tenir » (…) « Je pense qu’un jour, nous serons obligés de travailler plus longtemps sinon notre système de retraite ne pourra pas tenir. » – La ministre des Solidarités et de la Santé.

[3] DARES – Les seniors et le marché du travail en 2018 – Tableau de bord trimestriel sur l’activité des seniors et les politiques d’emploi -15 mars 2019 – https://bit.ly/2Hrh8Nd

[4] Population par tranche d’âge

[5] Taux d’activité : actifs au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).

[6] Taux d’emploi : actifs occupés au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée.

[7] Part de chômage : chômeurs au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).

[8] Cumul des situations de chômage et proches du chômage.

[9] Taux de chômage par tranche d’âge des seniors

[10] Hausse du nombre des inscrits à Pôle emploi de plus de 55 ans.

[11] Source : enquête Emploi, Insee ; calculs Dares, données CVS en moyenne trimestrielle, données provisoires pour le T4 – 2018.

[12] Ancienneté de l’inscription des demandeurs d’emploi de 50 ans et plus au 1^e trimestre 2018.